Depuis que nous sommes amenés à apprendre le tracé de notre appartement par coeur, notre rapport au monde a changé. Or, qu’est-ce que le monde sinon notre manière de le dire ? Et qu’est-ce qu’un mot sinon une manière de dire le monde ? Donc fatalement, les mots aussi ont changé d’acception.

Comme vous pouvez le voir, je suis capable d’imiter avec pas mal d’acuité un prof de français dépressif mais je pense que pour votre santé mentale et la mienne, il serait plus judicieux de passer directement au top.

Course

Avant :
Chose fastidieuse, au singulier comme au pluriel et consistant à faire un effort.

Désormais :
Au singulier : activité physique pouvant se pratiquer dans un périmètre maximal d’un kilomètre pendant maximum une heure.

Au pluriel : activité d’achat de première nécessité pouvant se pratiquer sans limite d’heure ou de distance.

Dans les deux cas : seule activité autorisée à part aller bosser et encore…

Date

Avant :
Jour précis, désigné dans le calendrier et permettant de se situer sur une échelle de temps humaine.

Désormais :
Jour imprécis dont on finit par oublier l’existence puisque toutes les journées se ressemblent. Voir Date de fin : moment toujours repoussé dont on sait qu’il n’aura pas lieu en avril.

Enfant

Avant :
Chair de sa chair aimée d’un amour vrai et dont la présence est précieuse et nous rappelle qu’il restera toujours un peu de nous après notre mort.

Désormais :
Colocataire tendance attention whore gâchant la vie des gens qui pourtant le nourrissent en faisant étalage de goûts douteux et bruyants.

Chien

Avant :
Animal sympathique et affectueux dont le seul défaut est de ne pas savoir se sortir de lui-même.

Désormais :
Bon pépère à sa mémère qui donne qui plus est un passe-droit très convoité pour sortir de chez soi.

Travail

Avant :
Activité pénible mais nécessaire dont l’accomplissement ne vise guère qu’à toucher un salaire capable de financer des choses qui nous feront oublier que le reste du temps on travaille.

Désormais :
Seule chose à faire pour ne pas devenir fou et dont l’accomplissement ne permet plus de toucher le même salaire mais c’est pas grave puisqu’il n’y a plus rien à acheter afin de nous faire oublier que l’on travaille.

Guerre

Avant :
Action violente et coordonnée d’un Etat contre un autre ou d’une frange de la population contre une autre visant à montrer c’est qui le plus fort.

Désormais :
Action abstraite brandie par l’Etat et menée contre des virus microscopiques dont le déroulé, flou, consiste essentiellement pour les combattants à rester chez eux en regardant Pornhub.

Chance

Avant :
Forme de hasard bénéfique, portant souvent sur un sujet pécuniaire. Exemple : « J’ai eu de la chance au casino ».

Désormais :
Forme de hasard bénéfique, portant essentiellement sur la présence ou non de papier-toilette au supermarché. Exemple : « J’ai eu de la chance, c’était le dernier paquet ».

Enseignant

Avant :
Individu dépressif et sous-payé devant assurer la transmission du savoir à une horde d’élèves n’en ayant rien à secouer.

Désormais :
Individu dépressif et sous-payé devant envoyer un mail le matin à une horde d’élèves dont les parents n’en ont rien à secouer.

Printemps

Avant :
Période de l’année associée au renouveau et au plaisir que la population attend impatiemment pour aller boire des verres en terrasse et tomber amoureux.

Désormais :
Période de l’année associée au renouveau et au plaisir que l’on observera depuis son T2 en se demandant pourquoi cette connerie de virus n’a pas proliféré en hiver bordel de merde.

Internet

Avant :
Espace de liberté d’expression grâce auquel on peut, sans quitter sa chambre, entrer en contact avec le monde entier.

Désormais :
Lieu de perdition déprimant sur lequel on traîne sans raisons dans l’espoir vain de voir une blague que l’on n’aurait pas encore vue sur le Covid-19.

VideAvant : endroit où il n’y a rien et qui peut effrayer. Désormais : sentiment intérieur qui rime avec Covid.