Il est généralement interdit dans à peu près tous les Etats du monde de passer une loi ne concernant qu’une seule personne. Il faut donc quand on veut faire pareille saloperie user d’ingéniosité afin de faire comme si la loi concernait tout un tas de gens mais en fait non. Et en ce sens, il y a des exemples extraordinaires.

A Cuba, une loi permettait aux étrangers ayant participé à la guérilla pendant plus de deux ans et ayant atteint le grade de commandant d'être considérés cubains de naissance

Elle ne concernait qu’une seule et unique personne : Che Guevara. Cet article (le 12) de la loi fondamentale qui établissait plus ou moins la constitution castriste a fait l’objet de nombreuses discussions car nombreux étaient ceux à vouloir que tous les étrangers ayant participé à la guérilla puissent obtenir pareille récompense. Mais Castro a été inflexible. C’était avant la fâcherie.

Les bills of attainder du parlement britannnique

En Angleterre, la procédure du bill of attainder consistait précisément à faire passer des lois visant une seule et unique personne. Les lois en questions concernaient essentiellement la naturalisation de personnages de la famille royale. Pareil bill of attainder a ainsi été voté en 1840 pour obtenir la naturalisation d’Albert de Saxe-Cobourg-Gotha (ça ne s’invente pas), né dans ce qui n’était pas encore l’Allemagne et mari de la reine Victoria. Une autre loi, 17 ans plus tard, lui donnera le statut de Prince Consort – ce qu’il n’était pas officiellement jusqu’alors. Ca valait le coup, car Albert était très libéral et a beaucoup influencé Victoria dans le développement de la monarchie constitutionnelle britannique, prenant également fait et cause pour l’abolition de l’esclavage entre autres idées nobles.

L'affaire Blanche Garneau

En bon pays du commonwealth, le Canada a importé ce principe du bill of attainder et en bons Québécois, les Québécois (qui d’autre ?) appellent cette procédure un bill d’attainder. En 1922, la jeune Blanche Garneau est assassinée. John H. Roberts, un éditeur de journal, affirme à longueur de colonnes que les meurtriers de la petite sont deux enfants de membres éminents du gouvernement Taschereau. Le ministre de la Justice aurait alors tenté d’étouffer l’affaire. Sauf que tout ça est totalement gratuit et absolument pas prouvé. Dès lors, le gouvernement présente un projet de loi au parlement pour faire emprisonner Roberts et l’empêcher de publier davantage – un projet de loi nominatif, donc. Et la loi est passée. C’est la dernière réussite en date de pareille manœuvre.

Aux Etats-Unis, la naturalisation peut se décider par des lois individuelles Gerald Bull

Gerald Bull, un ingénieur d’aérospatiale canadien, assassiné en 1990 à Bruxelles, travaillait sur des prototypes de super-canons et était un peu un mercenaire de l’ingénierie puisqu’il a bossé pour l’Afrique du Sud, les Etats-Unis ou l’Irak. Quand il travaillait pour les USA, ceux-ci ont passé une loi spécifique pour le naturaliser afin qu’il lui soit plus facile d’entrer au ministère de la Défense. A noter qu’il s’agissait seulement de la troisième fois de leur histoire que les Etats-Unis adoptaient pareille loi : la première concernait Lafayette et la deuxième Churchill).

Quand le parlement australien légifère pour empêcher à certains condamnés d'obtenir des remises de peine

C’est l’un des privilèges du parlement australien, qui l’a utilisé notamment en 2014 pour empêcher Julian Knight, auteur d’un massacre en 1987 ayant coûté la vie de 7 personnes et blessé 19 autres, de pouvoir obtenir une libération conditionnelle alors qu’il était en droit de la demander. Le parlement australien a également pris des dispositions similaires pour éviter la libération anticipée de Craig Minogue, coupable d’avoir posé une bombe en 1986 dans les locaux de la police de Melbourne.

Mais ça ne marche pas toujours

A l’instar des Australiens, les Canadiens ont également cherché à faire passer pareilles dispositions parlementaires pour éviter que les tueurs en série Clifford Olson ou Karla Homolka ne puissent être libérés. Mais dans les deux cas, les débats ont mené à l’annulation du projet de loi, considérés comme contraires à la pratique parlementaire

Ad hominem qu’on vous dit.