Kafka a tout écrit, tout décrit des absurdités inhérentes à l’administration. Mais il n’aurait sans doute pas imaginé que son acuité serait toujours aussi éclatante quelques 100 ans après ses premiers écrits. Parce qu’il faut quand même reconnaître que l’administration, quand elle décide de faire n’importe quoi, est la championne du monde toutes catégories confondues pour rendre fou. Heureusement, ça reste rare.

L'affaire de l'horloge du Panthéon

L’histoire est incroyable : un groupe de réparateurs clandestins, les Untergunter, se charge de réparer en toute illégalité des pièces cachées du patrimoine délaissées par les autorités compétentes. Pendant un an, la nuit, ils ont patiemment réparé l’horloge du Panthéon qui menaçait de s’écrouler. Une fois le travail terminé, ils en ont averti le conservateur afin de l’encourager à remettre l’horloge en marche. Celui-ci, le choc passé, a d’abord fait appel à un horloger extérieur en lui demandant de remettre l’horloge dans son état antérieur – c’est à dire plein de rouille et inutilisable ; l’horloger a refusé, naturellement. Puis l’institution de conservation du patrimoine a attaqué les Untergunter en justice en leur demandant des dommages et intérêts. Untergunter a été acquitté, logiquement. Un grand n’importe quoi administrativo-judiciaire.

Le CPE

Souvenez-vous : le gouvernement Villepin avait un projet de loi, le CPE ou contrat première embauche. Un contrat allégé niveau contraintes de l’entreprise, censé, selon le gouvernement, inciter les employeurs à recruter davantage. Mais voilà : syndicats, étudiants et lycéens ne sont pas d’accord du tout avec le projet et défilent dans la rue. Pendant ce temps, le projet passe devant les deux chambres et est voté. Que faire devant la gronde ? Le truc le plus absurde possible : la loi est votée, mais elle ne sera pas promulguée. En gros, on est allé au bout du processus législatif, mais hop : pas de décret d’application. Ca n’a aucun sens.

Il faut un compte bancaire pour avoir un appartement et une adresse pour avoir un compte bancaire

C’est tout de même une situation kafkaïenne : si tu veux ouvrir un compte en France, tu as besoin d’une adresse. Mais pour avoir un appartement, il faut que tu puisses fournir un RIB. Vous voyez l’oeuf ou la poule ? Ca marche aussi pour les cartes de séjour : il faut un taf pour espérer obtenir une carte de séjour, mais si t’as pas de carte de séjour, comment tu veux obtenir un taf ? Les douze travaux d’Astérix, tout ça tout ça.

Quand un type est condamné par la justice après sa mort

En 2011, le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-mer a condamné un homme de 45 ans à 4 mois de prison avec sursis pour violences psychologiques commises à l’encontre de sa mère. Le seul hic, c’est qu’au moment du jugement, le type était mort depuis 9 jours. Bon. On fait quoi, du coup ? Si le corps commet à nouveau un délit, on l’envoie en prison ?

Les militants poursuivis pour avoir sauvé des vies

Helena Maleno est intervenue, avec d’autres militants, pour sauver des migrants de la noyade au large du Détroit de Gibraltar. On peut toujours discuter et ne pas être d’accord sur la nécessité d’accueil ou non des migrants, mais sauver des gens de la noyade devrait mettre tout le monde d’accord ; pas la justice espagnole, qui a décidé de poursuivre Helena Maleno pour trafic d’êtres humains.

Le type condamné pour avoir sauvé sa collègue d'un viol

Encore une histoire ubuesque : en mars 2013, Arnaud Gonnet sort avec des collègues en boîte. L’une d’entre elle s’endort dans un coin. Un type s’approche et commence à lui faire des attouchements. Arnaud Gonnet s’interpose sans violence, mais l’agresseur le frappe. Gonnet lui rend ses coups.

Sauf que l’agresseur porte plainte pour coups et blessures et que le tribunal juge la réaction d’Arnaud Gonnet disproportionnée. Un comble : il est condamné à deux mois de prison avec sursis. C’est hallucinant.

Le hacker conscient condamné pour avoir alerté Twitter sur des failles de sécurité

Hacker croll, un jeune grenoblois, était parvenu à obtenir les codes d’administration Twitter et à prendre la main sur le compte de Barack Obama – entre autres. Mais il ne s’était pas servi de sa découverte à des fins malveillantes, se contentant d’alerter Twitter sur les failles de sécurité. Arrêté, il a tout de même été condamné à 5 mois de prison avec sursis.

Le type qui se retrouve au chômage parce qu'il ne reçoit pas son permis

Un Grenoblois qui avait vécu à Londres rentre chez lui et décide de devenir conducteur de bus. Il passe tous les examens, le permis bus, fait le taf comme on lui demande et réussit. Il est embauché par la société de transports de l’Isère. Sauf que lors de son escapade londonienne, il a dû échanger son permis de conduire français contre un permis britannique et qu’il doit récupérer son permis français pour pouvoir conduire des bus remplis de passagers. Le mec fait donc les papiers comme il faut, les envoie et… Plus rien. Malgré un appel hebdomadaire, son dossier n’avance jamais. Finalement, la préfecture compétente perd son dossier et, au bout d’un an à attendre son permis, la société de transport qui l’employait à d’autres tâches en attendant l’obtention du document administratif a fini par résilier son contrat. N’importe quoi.

La demandeuse d'asile coincée au Royaume-Uni

Une jeune zimbabwéenne entrée illégalement au Royaume-Uni il y a 15 ans a été déboutée quand elle a demandé l’asile aux autorités. Elle s’est donc tournée vers sont pays d’origine pour obtenir un droit au retour mais a été déboutée à nouveau. Résultat, elle se retrouve en plein coeur d’un vide juridique qui lui interdit de quitter un territoire sur lequel elle n’a pas le droit de se trouver. Depuis, elle attend, ballottée de lieu d’accueil en lieu d’accueil, sans savoir de quoi demain sera fait.

Le mec qui doit prouver qu'il est en vie

C’est récent : un retraité de Vichy a eu la surprise de ne plus recevoir le paiement de sa retraite, début 2019. En se rapprochant de l’administration pour savoir la raison du problème, il s’est rendu compte que celle-ci le croyait mort. Le mec a même reçu un courrier lui annonçant à lui-même qu’il était mort. Et alors là, pour prouver que vous êtes vivant, c’est la croix et la bannière. Bref, au bout de 3 mois, le type a réussi à s’en tirer, mais 3 mois sans un rond, vous imaginez un peu ?

Let me be Franz.