Internet a permis de diffuser très rapidement de l’info, qu’elle soit vraie ou fausse : dès lors, la rumeur est devenue très facile à créer en se servant des réseaux sociaux et en ciblant les publics les plus vulnérables parce que les plus à mêmes de vouloir croire à ce qu’ils croient déjà. Mais ça n’a rien de nouveau : depuis des siècles la calomnie, le mensonge et la rumeur sont utilisées à des fins politiques ou pour des intérêts propres. Pas de quoi tirer le canon.

La Guerre des mondes d'Orson Welles

En 1938, Orson Welles qui, chaque semaine, doit adapter une oeuvre à la radio, est emmerdé : il a prévu de faire la Guerre des mondes et s’attend à faire un four total parce que le livre est vieilli et ne va intéresser personne. Il décide d’en faire une version radio plus moderne, en prétendant que l’antenne a été interrompue pour livrer l’avancée de l’attaque martienne en directe. L’émission est bel et bien annoncée, comme d’habitude et tout se déroule sans heurts, jusqu’à ce que le lendemain, les journaux titrent sur la panique générée par l’émission.

En réalité, cette panique était très exagérée, mais l’histoire a fait florès et est devenue un classique de tout aspirant journaliste, renforcée au fil des ans de récits de suicides et de procès retentissants qui n’ont jamais existé. Mais c’est une des premières fake news (concernant quand même une attaque extraterrestre) de l’Histoire.

Les armes de destruction massive irakiennes

En 2003, bien décidé QUOI QU’IL ADVIENNE à attaquer l’Irak, les Etats-Unis de George Bush essaient d’entuber la communauté internationale en présentant aux Nations-Unies des photos de prétendues armes de destruction massive détenues par Saddam Hussein et nécessitant de fait une intervention militaire. En réalité, le dossier fourni par les autorités américaines était totalement bidon et le programme de construction desdites armes avait été abandonné par l’Irak au mitan des années 90, comme l’a prouvé l’inspection dépêchée par l’ONU. Pour autant, cela n’a pas empêché la coalition internationale d’intervenir et Chirac de passer pour un BG.

Le déferlement nucléaire de Jean Nocher

Sur le modèle d’Orson Welles mais cette fois-ci avec la volonté claire de tromper, Jean Nocher présente en 1946 le premier épisode de sa nouvelle série, Plateforme 70, consacré à la désintégration nucléaire du monde. Reprenant le déroulé de la Guerre des mondes (un programme radio interrompu pour des infos urgentes) et jouant sur un discours convenu et apaisant complètement en décalage avec la gravité des événements, Jean Nocher arrive à tromper son monde (l’archive est assez dingue à écouter), d’autant que la perspective d’une guerre nucléaire était dans tous les esprits en 1946. Nocher sera viré suite à la diffusion de l’émission.

L'attentat de l'Observatoire

En 1959, Mitterrand souffre d’un gros déficit de popularité. Celui qui mettra en 1965 le Général de Gaulle en balotage lors de la présidentielle est dans la merde. Il décide de monter un gros coup pour essayer de faire remonter sa cote : un attentat bidon perpétré contre lui. L’attentat, qui se déroule avenue de l’Observatoire, est perpétré officiellement par l’extrême-droite, mais les investigations ont prouvé que Mitterrand et Pesquet, cerveau de l’attentat, s’étaient rencontré à plusieurs reprises avant l’événement. Tant l’un comme l’autre avaient besoin de revaloriser leur prestige et les deux hommes se seraient mis d’accord. L’événement réussit tout de même à attirer les projecteurs sur Mitterrand qui s’imposa de ce fait comme le principal leader de la gauche alors que le PC entamait sa lente (très lente) chute dans les urnes.

Philippe le Bel éclate le pape Boniface VIII

Philippe le Bel et Boniface VIII n’étaient pas en bon terme : au coeur du problème, une affaire d’argent. Philippe le Bel voulait conserver la main sur la levée d’un impôt prélevé sur le clergé, contre l’avis du pape. Il ne faut pas tirer sur le messager, mais l’évêque Bernard Saisset va l’apprendre à ses dépens. Fidèle au pape, c’est à lui que revient de relayer sa parole sur le territoire français. Philippe le Bel brandit l’argument-massue : Saisset est un traître qui a conjuré contre le roi et l’a injurié. Hop ni vu ni connu, il est arrêté, jugé sans preuve et condamné. Boniface VIII réplique en essayant de mettre Philippe le Bel au pas. Dès lors, le roi l’accuse d’hérésie et de sorcellerie de manière totalement arbitraire et demande à ce qu’il soit déposé. Le pape finit par être emprisonné puis meurt en détention.

Bien ouej Philippe.

Quand Pierre l'Arétin influence l'élection du pape

Pierre l’Arétin était un genre de chansonnier italien protégé par les Médicis. Ceux-ci tablaient sur un cardinal qu’ils auraient bien aimé voir nommé pape lors de l’élection de 1522. Pas besoin d’explications : voilà l’Arétin qui écrit des sonnets méchants et médisants sur l’intégralité des cardinaux, mis à part celui qui a les faveurs de ses mécènes. Il les colle dans les rues de Rome pour discréditer les concurrents. Trump et la Russie, 5 siècles en avance.

Crédits photo (Domaine Public) : Titian

L'homme de Piltdown

C’est à Charles Dawson que l’on doit cette falsification grandiose qui fit croire pendant quelques années à la société scientifique que l’on avait identifié le chaînon manquant. Archéologue amateur, Charles Dawson fait extraire des morceaux de boîte crânienne par des ouvriers en 1908 et prévient le conservateur du British Museum et convoque bientôt la presse. pas de doute, on a là le plus vieux spécimen humanoïde terrestre. Les manuels d’Histoire commencent à incorporer l’Homme de Piltdown dans leur récit de la genèse humaine. Jusqu’à ce qu’en 1953, trois scientifiques apportent la preuve de la supercherie : cet hominidé avait été construit à partir d’un crâne humain et d’une mâchoire de singe dont les dents ont été limées.

On ne sait qui est exactement responsable de la supercherie, mais on sait qu’elle a permis à l’Angleterre de se repositionner sur la carte de la recherche historique en la matière.

La téléportation de l'ADN

Déjà connu pour avoir défendu la mémoire de l’eau, le professeur Montagnier se sert des propriétés supposées de l’eau pour expliquer, en 2009, que l’on peut téléporter de l’ADN d’une goutte d’eau à une autre via des signaux électromagnétiques. En gros : ayé, la téléportation, ça marche. D’abord, on crie au génie, puis la communauté scientifique se met à rire et pointe toutes les irrégularités de l’expérience et son irreproductibilité.

La vie sexuelle de Marie-Antoinette

En France, il était difficile de critiquer le roi sans terminer mort. Par contre, à l’étranger, on pouvait. Dans les années 1780, la presse à scandale existait déjà en Angleterre, sous forme de canards qui relayaient des rumeurs. L’une de leur tête de turc était la reine française, Marie-Antoinette, à qui l’on prêtait toutes sortes d’aventures. A l’origine de ces rumeurs, deux hommes : le Révérend Cogneur et le Docteur Vipère, deux révérends qui se battaient pied à pied pour le contrôle de la presse à fake news. Tout ce qui pouvait être recueilli dans les cafés était imprimé : la reine s’envoyait des milliers d’amants, notamment anglais.

Ensuite, la foule française s’échangeait l’information de bouche à oreille. De là à dire que cela a précipité la Révolution, il n’y a qu’un pas.

La chaîne de montagnes qui n'existait pas

Pendant un siècle, les cartes de l’Afrique faisaient apparaître une chaîne montagneuse inexistante, les Monts de Kong. Du Sénégal au Nigéria, ils constituaient des régions inconnues dont on ne faisait que soupçonner les magnificences. Leur première mention est signalée dans l’ouvrage géographique de James Rennelle paru en 1798. On le crut sur parole. Dès lors, les Monts de Kong apparaissent dans TOUS les livres géographiques et des explorateurs se mettent à rêver de leurs gisements d’or.

Ce n’est qu’en 1889 qu’un explorateur attiré par les ors promis retourne au pays et explique les montagnes en question n’existent pas. Mais il faudra attendre le début du XX° pour qu’on le croit tout à fait.

Crédits photo (Domaine Public) : John Cary

Trump n’a rien inventé.

Sources : France Culture, Le Point, France Culture, Le Monde, Les Arpenteurs