Vampires, loups-garous, ogres et cyclopes : d’où viennent-ils et pourquoi se sont-ils fait une place aussi importante dans notre imaginaire collectif ? A-t-on jamais cru à leur existence ou bien ont-ils toujours fait partie d’un univers fictionnel ? C’est assez compliqué. La plupart de ces figures proviennent de mythes vraiment ancestraux et si leur forme a changé, leur dénomination aussi, elles ont toujours eu la même fonction symbolique au sein des sociétés qui les ont entretenues.

Les vampires ont-ils été inventés par des dentistes ?

Probablement pas. En réalité, les vampires ont deux origines distinctes, mais qui se répondent. D’un côté, depuis l’Antiquité, la légende évoquait l’existence de goules suceuses de sang, souvent des morts qui n’avaient pas eu les honneurs d’un enterrement dans les formes. On trouve de telles mentions à la fois en Egypte antique et chez les divinités indiennes primitives. Mais la forme définitive du vampire a été fixée dans le monde anglo-saxon par extrapolation de légendes slaves à partir du XVIII° siècle. Le premier vampire ainsi dénommé est Arnold Paole, qui aurait commis des crimes en exhumant des corps après l’annexion de la Serbie par l’Autriche. Le mot vampire provient du mot « upir », devenu Dempir en bulgare, c’est-à-dire « buveur par les dents ». La légende viendrait assez naturellement de croyances populaires face à la disparition de corps ou autres phénomènes jugés surnaturels. Toujours est-il que le vampire de base est aujourd’hui dans l’imaginaire collectif Vlad l’Empaleur, qui a servi de modèle au personnage de Dracula. Une figure taxée de vampirisme en raison de ses actes sanguinaires, mais il s’agissait là surtout de propagandes visant à son époque à lui nuire.

Les loups-garous perdent-ils leurs poils ?

Connu aussi sous le nom de lycanthrope, le loup-garou consiste en un mec qui devient ou croit devenir un loup. L’origine de la croyance remonte avant tout au temps des grandes transhumances, quand les attaques de loups étaient légions et que les humains en faisaient parfois les frais. Pour certains anthropologues, la légende pourrait même remonter plus loin, à l’époque du passage de la cueillette à la chasse, le fait de se transformer en chasseur marquant l’inconscient collectif avec force, l’homme se transformant pour l’occasion en loup. Pour d’autres, il regarder du côté de la mythologie scandinave, qui considère l’âme comme une entité voyageuse, laquelle peut se transformer en loup. L’individu ne change pas, mais son âme, elle, peut devenir celle d’un loup. Par ailleurs, de nombreux rites traditionnels, que ce soit chez les Celtes ou chez les Amérindiens, impliquaient de revêtir des habits de loups pour des cérémonies spécifiques. Toujours est-il que le loup-garou est devenu populaire à peu près au même moment que le vampire, notamment pour produire des explications rationnelles à des phénomènes semblant irrationnels, à l’image des séries de meurtres barbares. C’est ainsi qu’au XVI° siècle, le tueur en série Gilles Garnier se réclamait lui-même d’être un loup pour expliquer ses crimes.

Les sorcières font-elles de bonne soupes ?

Le mot sorcière et ses dérivés portugais ou espagnol (bruja, bruxa), viennent tous d’une tradition indo-celte. Les premières mentions des sorcières remontent à la plus haute antiquité, toujours pour dire qu’elles sont interdites et que c’est pas bien tout ça tout ça. On associé la sorcellerie à la religion et au sociétés occultes. C’est Clovis qui, le premier, commence à faire raquer les sorciers, d’abord financièrement. Puis en 1326, le pape Jean XXII ordonne la persécution de tous les sorciers. Les sorciers (surtout des femmes, dans 80% des cas de condamnations), sont accusées de servir le diable. Le gros des mises à mort intervient au cours des XVI° et XVII° siècles. La plupart du temps, les sorcières désignées étaient simplement des guérisseuses populaires qui s’appuyaient sur une pharmacopée traditionnelle qui n’avait rien d’hérétique. Quant au balai, il avait pour seule racine l’idée que comme c’était des femmes, elles utilisaient un balai.

Par ailleurs, la persécution des sorcières est étroitement liée à l’antisémitisme : la figure de la sorcière au nez crochu provient d’une représentation canonique datant du début du XIX° et rappelle les caricatures des Juifs de la même époque ; le sabbat est quand à lui un dérivé direct du shabbat juif.

Crédits photo (Domaine Public) : Eugène Grasset (1845-1917)

Les fées travaillent-elles toutes pour Magie ?

La figure de la fée, être merveilleux, très beau et doté de pouvoir magique, est issue de plusieurs syncrétismes ; d’abord la survivance des divinités païennes de la nature et de l’eau, ensuite leur imbrication avec les figures mythologiques des nymphes, des druidesses et des satyres. L’hégémonie du christianisme a vu la prépondérance de ces divinités et les pouvoirs qui leur étaient attribués largement diminuer pour les reléguer au rang d’être surnaturels. Des historiens leur attribuent également une origine celte. Quoiqu’il en soit, leur importance était moindre au Moyen-âge, même si certaines familles revendiquaient d’en être descendantes. Quoiqu’il en soit, elles ont connu leur heure de gloire grâce aux contes du XIX° siècle.

Y'a-t-il des mecs parmi les sirènes ?

Non. Les sirènes sont issues de la mythologies scandinaves, du moins celles que l’on connait, avec des jambes en nageoires. Parce que les sirènes de l’Antiquité façon Ulysse, elles, étaient mélangées aux oiseaux, pas aux poissons. Leur forme est fixée au VII° siècle par un moine anglais : de créatures hideuses et inquiétantes, elles deviennent de jeunes vierges très belles avec des queues de poisson. Ensuite, c’est dans les ports que l’on entretient leur légende, en racontant des histoires d’alcool absolument sans queue de poisson ni tête. Christophe Colomb affirme ainsi en avoir croisé, confondant sans doute avec des mammifères marins qu’il n’avait jamais vus. Au XVI° siècle, certains faussaires s’essaient à la reconstruction de faux spécimens fossilisés. Rien à voir avec Ariel.

La licorne a-t-elle déjà vu l'arc-en-ciel ?

Probablement pas non plus. Les premières mentions des licornes interviennent dès la civilisation de l’Indus. A partir de là, les différents voyageurs de commerce qui parcourent la zone oeuvrent pour la diffusion de la légende au Proche-Orient. On pense, sans en être sûr, que les licornes désignaient au départ des rhinocéros ou d’autres trucs qu’on n’avait jamais vu jusqu’alors. Ce sont les voyageurs qui rapportent son existence en Europe évoquant l’existence d’un monocorne. On lui associe aussitôt une dimension mystique, la licorne devenant un animal sauvage des forêts attiré par les vierges. On lui donne l’apparence d’un bouc un peu satyre, la corne spirale étant évocatrice. Du Moyen-âge à la fin de la Renaissance, les gens sont persuadés de son existence. Il faudra attendre le milieu du XIX° pour qu’on accepte que la licorne n’existe pas.

Crédits photo (Domaine Public) : Domenichino

Les dragons ont-ils le feu au cul ?

Il semble que la figure du dragon remonte au Paléolithique… Venue d’Afrique, elle aurait ensuite gagné l’Asie du Sud-Est, évoluant peu à peu, de créatures mi-homme mi-serpent capable de voler et possédant de la fourrure à la représentation de cracheur de feu qu’on en a aujourd’hui. Dès le IV° millénaire avant JC, on représentait des dragons, du moins a-t-on pu en retrouver des traces en Mongolie. On pense que la présence de crocodiles ou de varans de Komodo aurait pu contribuer à façonner le mythe qui, récupéré ensuite par les différentes religions, est devenu un symbole à part entière. Il incarne ainsi l’apocalypse dans le christianisme et les forces du climat et de la météo en Asie.

Les elfes sont-ils bretons ?

Et non, ils sont scandinaves. Issus de la mythologie nordique où ils incarnaient des genres de divinités mineurs, ils ont été récupérés par les Celtes puis vus d’un mauvais oeil par les chrétiens qui y voyaient une expression païenne. On finit par les associer aux nains maléfiques dans un syncrétisme par très érudit. Puis ils disparaissent à peu près du folklore jusqu’au grand siècle des contes qui les remet au goût du jour, avant l’essor de l’Heroic Fantasy.

Crédits photo (Domaine Public) : Richard Doyle

Les ogres peuvent-ils être vegans ?

A priori, c’est mal barré. La première occurrence d’un ogre intervient au XII° siècle, chez Chrétien de Troyes, où le nom désigne des méchants, c’est-à-dire des Anglais. Le mot ogre, lui, pourrait être dérivé du gentilé hongrois, les Hongrois étant pas gentils gentils. Au Moyen-âge, la figure de l’ogre est un dérivé du démon qui, entre autres, mange des enfants, mais pas que. C’est Perrault qui en fera une créature populaire et fixera sa qualité de mangeur d’enfants. Ensuite, on connait sa postérité.

Crédits photo (Domaine Public) : Gustave Doré

Les cyclopes ont-ils des ophtalmos dédiés ?

Les cyclopes sont grecs. Ils sont les enfants d’Ouranos et de Gaïa et n’ont donc qu’un oeil. Leur première mention intervient chez Hésiode. Ils seraient des genres de créatures de feu capables tout à la fois et successivement d’aider les hommes ou de leur nuire. L’origine de la légende est à chercher du côté d’une malformation congénitale, l’otocéphalie, beaucoup plus courantes à l’époque, et qui voulait que certains enfants naissent avec une drôle de tronche et un seul œil.

Crédits photo (Domaine Public) : Filip em

On mourra moins bêtes.