Si on a tendance à penser à l’Italie et la Sicile quand on entend le terme « Mafia » et à l’Amérique Centrale et l’Amérique du Sud quand on parle de « cartels » et de « gangs », il serait bien réducteur de penser qu’on trouve uniquement des organisations criminelles aussi violentes et importantes dans ces endroits du monde. Depuis quelques années une autre mafia sévit à plusieurs endroits du globe, une organisation criminelle nigériane qui se fait appeler la Confraternité de la hache noire.

Une fraternité d'étudiants des années 70 qui créé le "Néo Mouvement noir d'afrique"

Tout aurait commencé lorsqu’une bande d’étudiants de l’université de Bénin a décidé de créer un groupe appelé « néo mouvement noir d’Afrique » (NBM en anglais) dans les années 70. Le but du mouvement était de militer contre la colonisation et libérer les territoires encore possédés par les colons. Ce sont neuf étudiants ainsi qu’un professeur d’histoire et d’anthropologie qui l’ont créé dans un but donc purement contestataire et révolutionnaire, du moins c’est ce que soutient le NBM aujourd’hui.

Une organisation qui se défend d'être les "Black Axe"

Depuis sa création dans les années 70 le NBM se défend d’être en lien avec les Black Axe, le directeur du mouvement actuel ayant même assuré leur différence totale avec le gang à la BBC car d’après lui ils ne prônent en aucun cas la violence. Ils déclarent que leur logo d’une hache noire peut porter à confusion (le même que Black Axe) et que les deux mouvements proviennent de la même région du pays. Cependant, plusieurs enquêtes démontrent que les organisations seraient en réalité une seule et unique entité, le « magazine » que les étudiants de l’époque rédigeaient s’appelait même « black axe magazine ».

Des soldats abandonnés

Les premières « forces armées » des Black Axe seraient d’anciens soldats de l’armée Nigériane s’étant retrouvés abandonnés par l’armée à la fin de la guerre civile des années 70. Et on ne parle pas de n’importe quels soldats, ce serait un mélange d’une escouade paramilitaire ainsi que de l’escadron de la mort, une troupe spécialisée dans la répression violente et brutale de la population, des gens qui globalement butaient des civils pour les empêcher de se rebeller pendant la guerre civile. Vous ne serez pas surpris d’apprendre que cette troupe paramilitaire s’était baptisée « black axe » pendant la guerre.

Une organisation tentaculaire...

Au fur et à mesure, les Black Axe ont commencé à s’organiser dans le pays et à prendre le monopole de certaines organisations criminelles. Mais c’est véritablement dans les années 90 que le gang va grossir en s’implantant en Sicile puis en remontant au fil des ans vers le Nord de l’Italie. Les soldats commencent d’abord à travailler pour la Mafia Italienne comme sous-traitants, en s’occupant au départ du trafic de l’héroïne et du crack et profitant de différentes vagues d’immigration pour gonfler leurs rangs jusque dans les années 2000.

Une idéologie et une organisation sectaire

Les membres de l’organisation prêtent allégeance à Korofo, une divinité vieille de plusieurs siècles qu’ils appellent également le Dieu invisible. Cette divinité les protègerait face à la colonisation et ferait office de religion « obligatoire » pour les membres de la mafia. Structurellement, l’organisation fonctionne comme une secte, avec au sommet les chefs, ensuite les membres « importants » qu’on appelle les « axemen » (hommes à la hache) et les soldats qu’on appelle les « bouchers ». De plus, l’organisation se targue d’avoir des espions partout, que ce soit au Nigéria ou dans les autres pays où elle est présente. Ces espions nommés « les yeux » se trouvent dans plusieurs couches de la société nigériane, certains même au gouvernement.

Une mainmise sur les universités nigérianes

De nombreux campus d’universités du pays sont sous le joug de différents cultes (dont les Black Axe), et depuis plusieurs décennies des centaines d’étudiants ont été tués, violés, tabassés, kidnappés, victimes d’extorsion ou de harcèlement par des membres des cultes (dont le massacre de l’université Obafemi Awolowo). Mais ces menaces et pressions ne se cantonnent pas qu’aux élèves, des membres des académies et des professeurs sont eux aussi parfois obligés d’accepter de faire ce qu’on leur demande sous la contrainte. Différents cultes ont vu le jour dans les universités dans les années 70-80 (tout comme les Black Axe) et continuent d’y opérer une pression étouffante sur les populations.

Une activité variée (et extrêmement violente) et un réseau de prostitution gigantesque

Historiquement les Black Axe auraient commencé leur activité illégale par le trafic de drogue, dans les années 80 le trafic d’héroïne y est florissant et les années 90 marquent l’avènement du trafic de cocaïne. La drogue provient généralement du Brésil et d’Amérique du Sud et débarque sur les côtes sub-sahariennes pour être ensuite redistribuée dans le reste de l’Afrique puis en Europe grâce à l’alliance avec la Mafia Sicilienne dans les années 90.

Le deuxième gros trafic organisé par les Black Axe est la traite d’êtres humains. Des milliers de femmes sont prostituées de force dans de nombreux pays d’Europe et sont généralement attirées dans ces pays par des membres féminins de la secte (plus de 11 000 femmes rien qu’en Italie entre 2014 et 2016, dont de nombreuses mineures). Le schéma est généralement le même : on leur fabrique de faux papiers, on les fait voyager et on les loge dans des appartements de passe. La plupart sont scarifiées sur les membres et parfois la poitrine lors d’une cérémonie religieuse au Nigéria avant leur départ, on leur fait évidemment miroiter une vie meilleure en Europe puis elle sont par la suite supposées « rembourser » le voyage et se retrouvent prisonnières d’un engrenage horrible.

Une présence presque mondiale

L’activité criminelle de Black Axe ne s’étend donc pas qu’au Nigéria puisque nous avons pu voir qu’elle était également présente en Europe dans plusieurs pays (Italie, Irlande, France, Suisse…) En France on sait que certains réseaux de prostitution sont gérés par eux, notamment à Marseille, mais on retrouve leur présence également aux États-Unis et dans plusieurs autres pays.

Mais là où Black Axe devient « mondial » c’est grâce à sa troisième activité criminelle : les arnaques sur internet. La cybercriminalité de l’organisation n’est plus un secret tant elle est déployée à grande échelle. On sait qu’elle opère plusieurs types de fraudes sur internet : héritages, immobilières, mails frauduleux, brouteurs… Un paquet d’arnaques sur internet dont il faut toujours se méfier. Black Axe est très bien organisée dans chaque secteur où elle opère, c’est pour cela que plusieurs gouvernements mondiaux enquête sur elle, en plus du FBI et d’Interpol.

Des célébrités Nigérianes ayant prêté allégeance à l'organisation

Au Nigéria la mafia est célèbre et puissante, et plusieurs personnalités du pays ont déjà déclaré y avoir prêté allégeance (acteurs, chanteurs, personnalités publiques ainsi que le rappeur Burna Boy, connu mondialement). Mais dans le pays parler de Black Axe reste presque tabou, et certains quartiers qui leur appartiennent sont même farouchement gardés et interdits à la population. Ce sont également de nombreux politiciens et membres du gouvernement qui font partie de Black Axe, ce qui semble être un secret de polichinelle pour certains opposants politiques dont plusieurs ont échappé à des tentatives d’assassinat.

On ne sait pas vraiment qui est à sa tête

Plusieurs coups de filet ont eu lieu sur des membres importants de la mafia, dont six leaders auraient été arrêtés en 2021 à Johannesburg (Afrique du Sud). Mais le problème c’est que la plupart des gens arrêtés ne balancent pas leurs supérieurs, l’allégeance et le côté religieux étant bien plus menaçant pour eux que des peines de prison. Cela rend donc la tâche complexe pour apprendre le nombre et les identités des différents dirigeants, d’autant que certains seraient même au dessus des personnalités politiques impliquées. Une chose est certaine, Black Axe devient de plus en plus grand et puissant, et les arnaques sur internet l’ont aidé à se répandre mondialement, ce qui fait que sa menace est prise très au sérieux par de nombreux gouvernements.

Et si vous avez encore envie de flipper vous pouvez jeter un oeil du côté des mafias les plus dangereuses du monde, c’est pas rassurant.

Sources : Journal de l’Afrique, Wikipedia, BBC, Revue Conflits, Radio France.