Délicat d'intéresser ses gosses à votre passion quand cette dernière est le rugby. C'est vrai que c'est un peu plus facile d'intégrer les règles du foot que les subtilités parfois un peu tirées par les cheveux du sport au ballon ovale. Mais il serait dommage que nos chères têtes blondes passent à côté de ce sport subtil et puissant, et du frisson procuré par une belle action collective. Autant commencer à leur expliquer dès le plus jeune âge les bases de ce sport de gentlemen qui n'hésitent pas à régler leurs différents à grands coups de phalanges dans le baigneur.

  1. L'essai
    Un essai c'est comme un but au football, sauf que ça rapporte beaucoup plus de points. Pour en marquer un, il faut réussir à apporter le ballon en "terre promise", c'est à dire dans le camp de l'équipe adverse, tout au bout du terrain, près des grands poteaux en H. À la fin, il ne faut pas oublier d'aplatir, c'est-à-dire de poser le ballon par terre, sinon ça ne compte pas. Quand l'arbitre est trop vieux pour courir à côté des joueurs, il demande "l'aide de la vidéo" pour voir s'il y a essai. Y'a des joueurs et notamment les méchants Anglais qui aiment bien plonger pour aplatir le ballon. Nous on trouve ça ridicule parce que ça ne correspond pas à "l'humilité des valeurs de l'ovalie". Enfin surtout parce qu'il y a d'autres moyens de se salir, et que ça peut faire mal aux côtes. Et surtout parce que tout ce que font les anglais est ridicule, par définition.
  2. La passe en arrière
    En rugby il est interdit de passer le ballon à la main en avant. Ne me demande pas pourquoi. Pourquoi ? Parce que c'est comme ça. Si jamais tu passes en avant, le jeu s'arrête et le public grogne parce que le public ne voit pas les en-avant. Quand l'arbitre non plus ne voit pas un en-avant, ton papa crie "EN-AVANT PUTAIN", mais quand ça concerne son équipe, il dit "COMMENT ÇA EN-AVANT PUTAIN ?". Tu ne répéteras pas ce mot-là à maman hein ? Vers l'arrière, petit, vers l'arrière, tu verras c'est bizarre mais c'est pour mieux avancer.
  3. Le plaquage
    Le plaquage c'est la nature même du rugby, c'est le combat, c'est comme quand tu joues à chat et que ton copain te touche, avec en plus le droit de se rouler dans la boue. Sauf que là ton copain il te choppe, te percute sous les épaules et t'éclate au sol. Quand il t'attrape un peu trop haut (par exemple par le cou le salopard), on appelle ça "une cravate" (ou un plaquage samoan). Le public il aime bien les plaquages. Les gros. Quand il en voit un beau, il montre qu'il est content en poussant un cri sourd "OUHGN". Si tu veux reconnaitre des gens qui jouent au rugby le samedi ou le dimanche, observe bien autour de toi le lundi à l'école ou au travail, ce sont ceux qui font de petites grimaces quand ils s'assoient. Ils se sont surement fait plaquer.
  4. La mêlée
    La mêlée c'est le coeur du rugby. C'est... comment dire. C'est comme un accident de voiture sur une nationale de campagne un soir de pluie, sauf qu'au lieu de 2 bagnoles tu as 16 mecs qui se rentrent dedans de toutes leur force et poussent, poussent encore. La mêlée c'est ce qui donne ce petit style sympa aux oreilles de beaucoup de rugbymen, comme celle de tonton tu vois, en chou-fleur ? Esthétiquement c'est pas génial, mais c'est comme une cicatrice de guerre et les joueurs sont très fiers de leurs oreilles. Moi, mes oreilles ? Moi c'est pas pareil, j'étais celui qui disait aux gens de pousser. Comme un chef, c'est ça, mais y'a pas de chef dans le rugby. J'avais le numéro 9.
  5. Le drop
    Quand une équipe galère pour marquer un essai à la main et qu'elle en a marre de se faire rattraper par la cavalerie, et notamment des cavaliers de 150 kilos, on dit "qu'elle joue petit" et elle essaie d'envoyer le ballon entre les poteaux avec le pied. Les Irlandais sont super forts pour ça. Quand tu arrives à claquer un drop à la dernière minute de jeu, et que tu fais gagner ton équipe grâce à ça, alors là tu es un héros. Tu vas serrer la main de l'equipe d'en face et tu dis "Good Game". C'est de l'anglais, ça veut dire "Bien fait pour ta gueule toi". Et dis le "avé l'accent du sud". Pour parler de rugby, il faut faire chanter la langue c'est un principe.
  6. La touche
    Quand le ballon sort du terrain, il y a touche. Les joueurs se mettent en rang comme à l'école tu vois, mais ils se tiennent pas la main. Y'a le talonneur, un petit mec costaud généralement chauve et sans cou et aux oreilles pas belles, qui lance le ballon tout droit. Après c'est un peu le bazar et tout le monde saute pour récupérer le ballon. Les rugbymen font croire qu'ils ont des combinaisons super secrètes et très complexes mais on sait très bien que tout ça c'est faux. Et comme il n'y a qu'un ballon, après ils se battent pour l'avoir. Pourquoi on en achète pas plusieurs des ballons ? Parce qu'on se préfère se battre pour le même en fait, c'est plus rigolo.
  7. Les "ailiers" et "les gros"
    Il y a plusieurs types de physiques selon le poste du joueur sur le terrain. Enfin quand ton papa était plus jeune, parce que aujourd'hui ils sont tous plutôt grands et super costauds. Mais à l'époque, avant, il y avait les ailiers, des petits mecs tout maigres et rapides. Les premières lignes qui se battent dans la mélée, eux on les appelle "les gros". Parce qu'ils sont gros. Ils ont du mal à faire des passes et à courir, mais ils sont très forts pour casser du bonhomme et faire le ménage avec les mains, les pieds, ce qu'il trouve en fait. C'est souvent eux qui, après le match, aident tout le monde à rentrer dans sa voiture quand on est très très content d'avoir gagné.
  8. Le "French Flair"
    Le French Flair ça mon petit, c'est un mystère que nous les français on est les seul à avoir. Ou en tout cas on aime bien dire qu'on est les seuls. C'est un truc un peu magique, une façon de se passer le ballon, de faire l'inverse de ce qu'on devrait faire normalement. C'est comme écrire des mots dans une dictée mais pas dans l'ordre donné par la maîtresse, ça n'a aucun sens, mais ça marche. Pour faire bien, on dit que c'est la science du beau jeu. L'inspiration. Enfin... en tout cas, c'est notre truc spécial à nous. Tu sais quand papa regarde un match et qu'il gigote sur le canapé en criant "ALLEZ AU LARGE AU LARGE OUI OUIIII". Voilà, ça c'est le french flair.
  9. Les All Blacks
    Tu te souviens quand papa t'a expliqué le football ? On avait parlé du Brésil ? Eh bien les All-Blacks se sont les Brésiliens du rugby. Ils viennent de Nouvelle-Zélande, une île ridicule très loin et pleine de moutons. Tout ce qu'on sait, c'est qu'au début du match ils essaient de nous faire peur en dansant une sorte de Gangnam Style à eux et qu'à la fin souvent ils gagnent. Nous les Français on les aime bien les All-Blacks. Ils nous ont déjà humiliés plusieurs fois, et le lundi on avait très mal aux côtes, mais on préfère se faire battre par eux que par les Anglais. Je t'ai déjà dit qu'on aimait pas les Anglais ?
  10. Les bandas
    Quelle que soit la région de France, au rugby tu entends toujours de la trompette et de la grosse caisse pendant un match. C'est comme ça, c'est un bruit de fond, sinon, c'est pas du rugby. Des fois c'est enregistré, mais souvent c'est un vrai groupe, on appelle ça une banda (ça fait mieux que "fanfare") qui vient mettre un peu d'ambiance. Non pas parce qu'on s'embête, mais parce que ça fait plus "fête". Et ça donne envie de boire un coup, la musique. C'est pour ça qu'ils aiment bien jouer des airs comme "Un petit Ricard dans un verre à ballon", tu sais la chanson préférée de Tonton ?
    Au prochain match, on ira tous les deux, et je t'expliquerai tout ça en vrai. Le rugby, c'est de beaux souvenirs qu'on aura tous les deux, tu verras.

Voilà petit, j'espère que tu piges un peu mieux ce magnifique sport qu'est le rugby. Des questions ?