Soufflez les bougies, ça fait 80 ans que les électrices françaises ont pris part pour la première fois à un scrutin (des élections municipales, faut pas déconner…) et les débats qui ont précédé cette révolution démocratique semblent aujourd’hui appartenir à la Préhistoire. Mais on va quand même se souvenir de quelques argumentaires bien ficelés qui ont jalonnés la lutte des femmes pour cette égalité essentielle en France et ailleurs, pour ne pas oublier que ces réflexions débiles datent d’hier à peine (et même un peu aujourd’hui).

Armand Calmel, sénateur de 1924 à 1940 : celui qui veut leur épargner tous ces soucis.

« La femme elle-même a tout à perdre à entrer dans les luttes électorales. Que de déceptions et de souffrances nous lui éviterons en ne lui donnant pas le droit de vote. »

TROP CHOU. Merci Armand. On va plutôt aller se faire cuire des oeufs (et le cul par la même occasion) dans notre cuisine ça nous prendra moins le bourrichon.

Romain Rolland (1866-1944), écrivain : celui qui craint leur émotivité exacerbée

« Les femmes étant encore plus livrées que les hommes aux forces émotives seront emportées plus massivement encore par ces vastes ondes… La masse électorale nouvelle en s’ajoutant à l’ancienne ne fera qu’amplifier les vibrations de l’opinion régnante. »

Crédits photo (Domaine Public) : Agence de presse Meurisse

Paul Giacobbi, sénateur et député de 1939 à 1951 : celui qui trouve que "c'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes"

« II est établi qu’en temps normal les femmes sont déjà plus nombreuses que les hommes. Que sera-ce à un moment où les prisonniers et les déportés ne seront pas encore rentrés. Quels que soient les mérites des femmes, est-il bien indiqué de remplacer le suffrage masculin par le suffrage féminin ? »

Crédits photo (Domaine Public) : Auteur inconnuUnknown author

Émile Morlot (1859-1907), député : celui qui pense surtout aux gamins

« Elle oublierait fatalement ses devoirs de mère et ses devoirs d’épouse, si elle abandonnait le foyer pour courir à la tribune. Elle n’y apporterait pas d’ailleurs la modération de langage et la netteté des conceptions, qui sont indispensables dans les usages parlementaires »

Crédits photo (CC BY-SA 4.0) : Eugène Buland

George Curzon, chef du parti Conservateur britannique : celui qui pense qu'un droit de vote, ça se mérite

« Vous accordez le droit de vote à des garçons de dix-neuf ans parce qu’ils ont combattu ; vous accordez le droit de vote à des femmes de trente ans alors qu’elles n’ont pas combattu »

Crédits photo (Domaine Public) : George Grantham Bain Collection (Library of Congress)

Joseph Massabuau, sénateur de l'Aveyron : celui qui pense que les femmes peuvent pas faire deux trucs en même temps

(en 1922) « Vous accordez le droit de vote à des garçons de dix-neuf ans parce qu’ils ont combattu ; vous accordez le droit de vote à des femmes de trente ans alors qu’elles n’ont pas combattu »

Crédits photo (Domaine Public) : Agence de presse Meurisse

Herbert Asquith de 1908 à 1916, Premier Ministre du Royaume-Uni : celui qui sait que les femmes, en politique, ce ne sont pas des flèches

« Il y a environ quinze mille femmes inscrites sur le registre électoral – une masse épaisse, impénétrable, et en grande partie inaccessible – dont tout ce que l’on sait est qu’elles sont pour la plupart profondément ignorantes des affaires politiques, crédules au plus haut point et aussi constantes dans leurs opinions qu’une flamme agitée par le vent »

Crédits photo (Domaine Public) : George Charles Beresford

Alexandre Bérard, vice-président du Sénat de 1919 à 1923 : celui qui aime trop les femmes pour leur demander de voter

« Les mains des femmes sont-elles bien faites pour le pugilat de l’arène publique ? Plus que pour manier le bulletin de vote, les mains de femmes sont faites pour être baisées, baisées dévotement quand ce sont celles des mères, amoureusement quand ce sont celles des femmes et des fiancées : séduire et être mère, c’est pour cela qu’est faite la femme »

Crédits photo (Domaine Public) : Sénat Français

Charles Régismanset, écrivain et haut fonctionnaire : celui qui n'aura pas d'invite à la prochaine fashion week

(en 1922) « Je crois émettre une vérité première, digne de M. de Lapalisse, en disant que l’immense majorité des femmes se soucie beaucoup plus de ce qui se portera cet hiver que de la réorganisation de l’armée ou de la péréquation des impôts. »

J. B. Sanford, Président du Caucus Démocrate en 1911 : celui qui se demande bien pourquoi on ne fait pas confiance aux hommes, tout simplement

« Les hommes sont en mesure de conduire le gouvernement et prendre soin des femmes. Est-ce que les femmes ont besoin de voter pour que les hommes les protègent ? (…) Pour l’homme, la femme est la créature la plus précieuse sur Terre et il n’est rien qu’il ne ferait pour sa mère ou sa sœur. (…) Les femmes n’ont pas à voter pour assurer leurs droits. »

"On en reparlera quand il faudra porter des choses lourdes."

C’est pas une citation d’une vraie personne, ça ne parle pas du droit de vote des femmes mais je ne vois pas pourquoi on se priverait d’une occasion de citer une des répliques cultes de OSS 117.

Eh oui tout ça c’était il y a plus ou moins un siècle. Et ça n’empêche pas certains de continuer de mettre en cause les droits des femmes ce qui montrent encore une fois que ce sont des personnes qui vivent tout à fait à la bonne époque (NON).