« La critique est facile et l’art est difficile »: cette citation de merde ayant fait les gros titres des intros de disserts pas terribles est due à Philippe Destouches, qui n’a donc légué que ça à la postérité. Cela dit, on ne peut pas lui donner tort, à Philou, parce que la critique cinéma passe son temps à se planter en éreintant des films appelés à devenir cultes.

La Dolce Vita

A sa sortie, en 1960, le film de Fellini fait débat. Certains trouvent ça vain et vaguement précieux. Jacques Doniol-Valcroze y va de son petit commentaire: « Ce qui manque à La dolce vita c’est la structure d’un chef-d’œuvre. Le film n’est pas construit, il n’est qu’une addition séduisante de plus ou moins grands moments de cinéma (…). Il ne reste qu’une suite d’actualités plus ou moins extraordinaires qu’aucun élément fort ne lie et ne conduit à une signification générale… ce qui est pourtant le but avoué du film. »

The Big Lebowski

Malgré le succès critique et public de leurs précédents films, les frères Cohen se font dézinguer à la sortie de The Big Lebowski, en 1998. Le film ne cartonne pas tout de suite, et obtiendra son statut culte dans les vidéoclubs, lieux où ne traînent que les gros manches qui ne branlent rien de la journée. Pour Edward Guthmann, le film est « éparpillé, gonflé et insatisfaisant. (…) Il est trop riche pour se suffire à lui même et n’arrive pas à tenir la route. » Pourtant on n’oubliera jamais les meilleures répliques de The Big Lebowski.

Psychose

Aujourd’hui considéré comme un modèle de thriller, Psychose choque, à sa sortie en 1960, notamment parce qu’Hitchcock y filme une cuvette de toilettes. Succès nul, critiques nulles. Pour Bosley Crowther, il s’agit d’un « film à petit budget (…), dont le dénouement tombe comme un soufflé. »

Fight Club

Adapté du roman de Chuck Palahniuk, le film de Fincher a marqué la fin des années 90 par son ton irrévérencieux et sa violence. Pour autant, Roger Ebert trouve le film mal foutu. « Quel que soit le message que Fincher voulait faire passer, il ne sera pas compris par le public. Fight Club est une fuite en avant maquillée en philosophie ; le genre de fuite qui donne envie à certains de vomir. »

Shining

Vous savez, Kubrick, le type qui passe pour le meilleur réalisateur américain mort au siècle dernier, avec ses images d’une précision obsessionnelle et son sens de l’ironie ? BOF, pense Dave Kehr, pour qui Shining marque la recherche d’une « vision cool et lumineuse de l’enfer, émanant de la promiscuité imposée par la famille, mais dont l’image – avec sa symétrie et ses éclairages compulsifs – est trop banale pour susciter de l’intérêt, quand la trame narrative est si lâche qu’elle abolit tout suspense. » Un type quyi n’a sûrement pas apprécié toutes les différences entre le livre et le film Shining.

La nuit du chasseur

A peu près tous les réalisateurs cotés citent La nuit du chasseur, sorti en 1955, parmi leurs influences notables. C’est de là que viennent les tatouages Love et Hate sur les doigts des mecs qui sortent de prison, et la plupart des cauchemars de la génération de nos parents. Pour autant, le film a été déglingué par la critique à sa sortie. Son réalisateur, Charles Laughton, n’eut jamais l’occasion de tourner un autre film. Morceau choisi: « Toute l’horreur du roman a disparu. Le film formule des promesses, mais le produit fini n’a aucune tenue à force de se perdre en considérations annexes. »

Crédits photo (Domaine Public) : United Artists

Scarface

Remake d’un film de 32 (super bien), le Scarface de de Palma a permis à plein de mecs pauvres de penser qu’ils pouvaient s’élever socialement à coups de virilité. Oui, je peux pas saquer de Palma, mais on s’en fout. En tous les cas, à sa sortie était considéré comme : « Excessif et désagréable. Il se gargarise de lui-même pendant trois heures et n’offre aucune nouveauté sinon de dire que le crime ne paie pas. Au moins, l’original de 1932 n’était pas figé. »

Le magicien d'Oz

Des nains, un truc qui ressemble à C3PO avant l’heure, un homme arbre, une sorcière… C’en était trop pour le New Yorker, pour qui « Le magicien d’Oz manquait d’imagination de bon goût et d’ingéniosité. »

Autant en emporte le vent

Il est trop beau Clark Gable ! Ouais, mais Vivian Leigh ne convainquait pas. Le San Francisco Stars considérait le film comme « extrêmement mal écrit et n’offrant pas un seul dialogue crédible. Vivian Leigh joue comme une patate et sans profondeur. Elle n’amène rien au film. »

Crédits photo : Topito

Les tontons flingueurs

« Y’a de la pomme. Mais y’a pas que ça. » Film devenu culte notamment pour ses dialogues signés Audiard, Les tontons flingueurs ne s’inscrivait pas exactement dans la lignée de la Nouvelle vague. Les critiques s’en sont rendu compte: « Vous pavoisez haut mais vous visez bas » écrit Henri Chapier dans Combat. Et pour Le Monde, « Quand on voit Les tontons flingueurs, on se rend compte de la dégradation du comique cinématographique ».

Le Parrain II

Unanimement considéré comme l’un des films les plus intelligents de l’histoire pour sa description brillante des trajectoires parallèles entre la vie d’un père et celle de son fils, acclamé pour la qualité de sa photo, Le Parrain II ne présentait aucun intérêt en 1974 pour Vincent Canby, du New-York Times. Ah, si: « Le seul intérêt du film est de se souvenir à quel point le premier était mieux.«

Le Cinquième élément

Allez, on ne fait pas le débat pour savoir si Le cinquième élément est une merde ou une grosse merde. Toujours est-il que plein de personnes composées à 99,99% des mêmes molécules que moi aiment ce film. Pourtant, pour Olivier Séguret de Libération, « Le Cinquième Élément était le « récit naïf d’un combat mythologico-futuriste (…) singulièrement dépourvu de mystère et de folie ». Bon. Est-ce que cela répond aux nombreuses questions que l’on se pose sur le 5ème élément ? Peut-être.

Citizen Kane

Nianianianiania Révolution cinématographique, lalalalala meilleur film de l’histoire, blablablablabla modèle de modernité… Citizen Kane, c’est vraiment bien, mais plein d’autres films antérieurs aussi. Enfin, je dis ça, mais certains n’auraient pas misé un rosebud dessus, genre Hedda Hopper, pour qui le film était « une attaque vicieuse et irresponsable contre un grand homme ». En ligne de mire, la défense de William Randolph Hearst, magnat américain ayant servi de modèle à Kane.

Pulp Fiction

On peut craquer des effets de Tarantino, des mecs virils qui réagissent spirituellement sous la menace d’un flingue et de Samuel L. Jackson en général. Enfin, on peut quand même reconnaître que Tarantino a inventé un style. Un style que Laurent Bachet qualifiait « d’esbroufe immorale d’une affreuse misogynie » où « l’auteur ne porte aucun regard critique sur les comportements de ses protagonistes. Et pas le moindre regard sur le monde qui les entoure ».

Les Valseuses

« Film d’obsédé sexuel », « Décharge publique », pour Jean Rochereau, « film authentiquement nazi », pour Jean Domarchi, Les Valseuses ne faisait pas l’unanimité en 1974 chez les personnes prénommées Jean. A l’origine d’un énorme scandale, le film est aujourd’hui devenu culte pour sa critique larvée du conservatisme, dans une France immobile à l’orée des années Giscard.

Enfin, tout ça n’a rien d’anormal, puisque la critique est à la fois subjective, un peu con, dépendante de l’activité gastrique de celui qui l’écrit, de mauvaise foi et nécessaire. D’ailleurs, pour pouvoir plus tard dire à des gens qu’ils n’avaient rien compris, je vous conseille Le règne de l’arbitraire, site d’un mec que je ne connais pas, mais dont les critiques sont pertinentes, et bien sûr 2 heures de perdues, qui dézingue des films pour le plaisir.