En un peu plus de trente ans la ville de Ciudad Juárez a été le théâtre morbide d’un nombre incalculable de féminicides atroces et inarrêtables jusqu’à être officieusement baptisée « la ville où meurent les jeunes femmes » ou « capitale mondiale du meurtre ». La justice locale de cette ville mexicaine est complètement à l’arrêt quand il s’agit de tenter quoi que ce soit pour enrayer les crimes et le cycle d’horreur se perpétue depuis trente ans dans l’impunité la plus totale.

Ciudad Juárez, sixième plus grosse ville du Mexique

Située à la frontière du Mexique et des États-Unis, Ciudad Juárez ou tout simplement Juárez est la sixième plus grosse ville du pays. La principale activité économique de la ville est l’industrie maquiladora, un genre d’industrie propre à l’Amérique Centrale et surtout concentré dans la partie frontalière du Mexique qui consiste à assembler des produits en vue de leur exportation sans payer de frais de douanes. Les produits entrent dans la ville, y sont assemblés et sont ensuite exportés à moindre coût et la main d’oeuvre y est principalement féminine et la plupart des victimes de Juárez y travaillent.

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L'ombre du cartel de Juárez

De nombreux territoires mexicains sont partagés entre différents cartels et celui qui « possède » la ville de Juárez en tient également son nom et fait partie des cartels les plus flippants du monde. Créé dans les années 70 il a été l’un des plus influents du Mexique, pour cause, il est le premier cartel a avoir acheté sa propre banque afin de blanchir son argent (pas con) et possédait sa propre armée paramilitaire composée en partie de policiers en activité et d’anciens agents du même corps.

De plus, le cartel avait comme allié le général mexicain responsable de la lutte contre la drogue, ce qui donne une idée de la corruption et de l’inaction des « forces de l’ordre » dans la région. En terme de violences, le cartel de Juárez est réputé pour la façon dont il exposait les corps de ses victimes, afin de servir d’exemples et d’instiller la peur. La torture et la décapitation des rivaux étaient aussi un moyen de s’attirer la crainte des ennemis.

La capitale mondiale du meurtre

Tristement célèbre pour son taux de criminalité, la ville souffre d’une part des dégâts causés par les activités du cartel mais également d’autres crimes variés que permettent tristement l’inaction et la corruption des autorités. L’autre point majeur qui fait grimper Juárez dans le classement des villes les plus dangereuses du monde est évidemment les nombreux féminicides qui touchent la ville depuis plus de trente ans. En 2019, Juárez était en réalité la deuxième ville la plus dangereuse du monde, classée (de peu) juste derrière Tijuana.

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Des centaines de disparues en 30 ans

La série de meurtres a commencé au cours de l’année 1993 et les corps de plusieurs femmes âgées entre 13 et 25 ans ont été découverts dans les rues de la ville où le désert qui la jouxte. Rapidement, le nombre de féminicides a grimpé en flèche et est devenu tellement important que les estimations de nombre divergent. Jusqu’en 2013 certaines sources avancent que 1441 meurtres avaient été commis alors qu’Amnesty international estime qu’il y en avait déjà eu 1653 avant 2008. D’autre part le nombre de disparues dont on n’a pas retrouvé les corps est également ahurissant puisqu’on compte près de 2500 femmes de la ville perdues de vue au cours des trente dernières années.

Des crimes d'une violence inouïe

Les féminicides sont souvent accompagnés de sévices sexuelles et de viols, ce qu’on a constaté sur plus d’une centaine de cadavres. De manière générale les corps présentent des traces de violences brutales et sont parfois tellement « déformés » ou « abimés » qu’on ne peut pas identifier les victimes. Une majorité des femmes assassinées sont des employées des fameuses maquiladoras dont on parlait plus haut et n’ont aucun lien avéré avec les cartels dont les règlements de compte et les activités font également des centaines de morts.

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Des disparitions qui ne sont pas la priorité des autorités

La plupart des crimes restent non élucidés, la police locale ne donnant pas plus de moyens et de temps pour enquêter dessus. Leur principale excuse est qu’ils doivent également composer avec les activités du cartel dont les différents règlements de compte ont fait pas loin de 11 000 morts dans la ville entre 2008 et 2012 seulement. Les autorités sont dépassées, partiellement entravées par la corruption omniprésente et le flot incessant de crimes qui arrivent dans la ville qui n’aident évidemment pas à se concentrer sur une enquête.

Une population révoltée

Face au nombre grandissant de crimes irrésolus et de meurtres laissés sans enquête les habitants de la ville grondent et tentent de faire entendre leur colère. Un groupe composé de membres des familles de victimes et de proches ont créé le mouvement « Nuestras Hijas de Regreso a Casa » (Nos filles doivent rentrer à la maison) pour faire connaitre mondialement l’inactivité de la police et réussir à faire bouger le gouvernement. Les membres du mouvement NHRC sont souvent la cible d’attaques, de menaces et de pressions mais continuent d’essayer de faire entendre leur voix.

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Des pistes qui ne mènent à rien et des enquêtes bâclées

Au départ la piste de plusieurs tueurs en série avait été défendue par la police, plusieurs personnes avaient été arrêtées mais on a vite réalisé que nombre d’entre elles avaient été forcées à faire de faux aveux, beaucoup ont été emprisonnées à tort et d’autres qui ont été arrêtées en plein crime ont été relâchées après à peine quelques années d’emprisonnement. La gestion totale de tout l’affaire est chaotique, sans aucun suivi et plusieurs exemples de policiers entravant les enquêtes ont été relevés.

La piste d'une organisation de plus en plus sérieuse

Certaines personnes pensent que les meurtres des années précédentes seraient le fruit d’une organisation qui capturerait les jeunes femmes, les utiliserait comme esclaves sexuels et les tuerait rapidement. En 2022 près de 26 femmes ont été tuées dans la ville et une enquête du FBI n’a pas donné suite pour les autorités locales. D’autre part certains policiers et militaires travaillant dans la ville auraient même profité sexuellement de femmes séquestrées.

Vous pouvez aller voir les organisations criminelles les plus puissantes du monde et les mafias les plus dangereuses du monde.

Sources : Wikipedia, TV5, Grands Reporters, Monde Diplomatique, Libération.