Depuis quelques temps j’adore vous parler des HPI. Zèbres, surdoués, précoces, prodiges, appelez-les comme vous voulez. De plus en plus de parents ont une fâcheuse tendance à croire que leurs enfants font partie de cette catégorie sujette à de nombreux fantasmes, voilà pourquoi j’avais un peu envie de décrasser les mythes entretenus sur ces gens pas si étranges que ça, pas si différents et sur lesquels il faut arrêter de coller des étiquettes sorties de notre chapeau.

Ils sont forcément bons à l'école et réussissent dans tout

WIIIIIIIIIIIIINK (c’est le bruit du buzzer quand vous donnez une mauvaise réponse).

Fantasme ultime. On commence par la base des clichés les plus connus. Les enfants HPI sont super forts à l’école et ont réponse à tout. Non seulement c’est faux mais il arrive souvent que ce soit l’inverse. Cela s’explique par le fait que les enfants diagnostiqués HPI sont plus rapides dans leur compréhension et parviennent plus facilement à construire un raisonnement. Il arrive toutefois que cette rapidité leur coûte leur attention puisqu’ils sont alors en décalage avec le rythme de la classe, décalage qui peut se poursuivre dans leur profession à l’âge adulte.

Ils s'ennuient beaucoup

Comme on vient de le dire un enfant surdoué n’est pas forcément premier de la classe, mais il n’est pas forcément non plus celui ou celle qui s’ennuie sur sa table de cours. En fait vous le comprendrez rapidement : il n’y a pas de profil type d’enfant surdoué, ou d’adulte surdoué (mais je parle beaucoup d’enfants surdoués parce que c’est souvent les parents qui adorent imaginer que leur enfant est surdoué donc svp arrêtez de dire que votre bichon est une intelligence supérieure parce qu’il en branle pas une à l’école).

Attention je ne dis pas non plus qu’un enfant surdoué est impossible à repérer, mais que ce ne sont pas des signes bateau comme l’ennui en cours ou les bonnes notes qui suffisent à en établir un diagnostic.

Ils sont trèèèès empathiques

L’empathie sur le plan scientifique ne veut pas dire grand chose. En théorie, est empathique celui ou celle qui est en mesure d’adopter le point de vue de l’autre sur le plan cognitif et spatial. Toutefois, on remarque que beaucoup de personnes HPI ont justement du mal à comprendre pourquoi les autres ne raisonnent pas comme eux (ce n’est pas moi qui le dit mais Stéphanie Aubertin, neuropsychologue dont on va pas mal vous parler dans ce top et qui a pu faire ce constat au fil de ses nombreux diagnostics).

Si tous les HPI étaient doués d’une empathie hors du commun, ils pourraient tous adopter le raisonnement d’autrui hors ils se trouvent souvent dans des situations d’incompréhension. Ne vous méprenez pas, on ne dit pas que les HPI ne sont pas empathiques, on dit juste qu’ils ne le sont pas tous, et pas plus que les autres.

Ils sont forcément malheureux

En 2008, Jeanne Siaud-Facchin sortait un livre qui allait rapidement devenir un best-seller Trop intelligent pour être heureux. Vendu à plus de 450 000 exemplaires, l’ouvrage a sérieusement entretenu le mythe de la douance liée à la souffrance. Cette psychologue spécialisée dans le développement personnel a beaucoup été critiquée pour sa manière de traiter le sujet sans fondement scientifique avec des théories frôlant l’ésotérisme.

Critiques auxquels on peut rajouter de nombreux biais d’analyse puisque Jeanne Siaud-Facchin ayant rencontré beaucoup de patients en souffrance (rares sont les personnes en pleine forme et épanouies qui font le choix de consulter un psy), elle a établi un lien entre cet état de souffrance et la douance. Mais on peut très bien être HPI et heureux.

Ils ont une "intelligence supérieure"

Le problème avec les termes servant à qualifier la douance c’est qu’ils sous-entendent une forme de supériorité : les « surdoués », le « haut potentiel intellectuel », les « précoces ». Tous ces termes ne font pas consensus scientifique et on devrait leur préférer un simple terme générique mais objectif « haut quotient intellectuel ».

Comme l’explique Stéphanie Aubertin dans la vidéo ci-dessous, les personnes à haut potentiel intellectuel vont utiliser certaines zones cérébrales pour répondre à des questions, mais si l’on entraîne d’autres personnes n’ayant pas un haut quotient intellectuel, elles y parviendront aussi. En fait on devrait juste traduire le haut quotient intellectuel par la capacité d’une personne à aller droit au but dans la résolution d’une tâche et sa rapidité de traitement de l’information.

En revanche, c’est pas parce qu’ils ont cet outil qu’ils l’utilisent forcément bien ! On peut avoir un super marteau et l’utiliser pour casser des grilles-pains, ça veut pas dire que le marteau marche pas ça veut juste dire que tu l’utilises mal.

Ça veut pas dire non plus que les HPI utilisent des marteaux pour péter des grilles-pains, bordel suivez un peu.

Ils se la pètent de ouf

En réalité, beaucoup de surdoués souffrent d’un sentiment d’imposture. Cela s’explique notamment par l’effet Dunning-Kruger : les auteurs de cet « effet » ont mené une étude sur de nombreuses personnes voulant faire estimer leur performance. Les personnes diagnostiquées HPI étaient celles qui doutaient le plus de ce résultat tandis que les moins performants avaient plus tendance à sur-évaluer leur performance. Cela n’est pas systématique bien sûr, mais l’effet illustre bien ce sentiment d’imposture.

On peut l’analyser ainsi : moins on est compétent, moins on sait qu’on est incompétent alors que plus on est compétent, plus on souffre de ne pas avoir assez de compétences pour maîtriser un domaine. Mais là encore c’est très bien expliqué par Stéphanie Aubertin dont je vous renvoie vers les travaux et cet article entre autre.

Ils ont vachement plus de neurones

Les HPI n’ont pas du tout plus de neurones, il y a juste une meilleure connexion entre eux. Cela serait du à la qualité de leur myéline, une membrane qui entourent les axones des neurones (les axones sont les prolongements les neurones). Les HPI auraient davantage de cette myéline dans leur connexion neuronales ce qui leur permet de traiter plus rapidement les informations.

Globalement les personnes à haut quotient intellectuel ont souvent un cerveau un peu plus gros. Toutefois, là encore ce n’est pas systématique comme en témoigne l’exemple canonique de Einstein qui pète tous les scores de QI avec pourtant un cerveau plus petit que la moyenne (ce gros boloss grave con du cul avec sa théorie pétée de E=M6 là tss).

Crédits photo (CC BY-SA 3.0) : Selket

Ils ont un sens moral aigu et souffrent d'un sentiment d'injustice

Parmi les qualités qu’on retrouve souvent pour caractériser les personnes HPI, le sens moral revient le plus souvent. En réalité ce n’est pas si simple (rien n’est simple dans la vie, je suis désolée de vous l’apprendre).

Scientifiquement parlant, le sentiment d’injustice n’a pas d’existence comme l’explique très bien Stéphanie Aubertin (qui sera résolument considérée comme la star de ce top). Notre rapport à la justice varie d’une personne à l’autre, c’est une valeur relative et non absolue donc on ne peut pas vraiment se reposer sur ce critère pour diagnostiquer une personne de surdouée.

C’est une illustration typique de l’effet Barnum, un biais cognitif qui consiste à se reconnaître dans une vague description de personnalité comme une définition exacte de notre propre personnalité. En gros, je lis que les surdoués souffrent d’un sentiment d’injustice et je me dis « ouah mais c’est ouf ma parole moi aussi je suis trop comme ça ça veut dire que je suis surdouée de ouf la con de ses morts ça fout la chienne » alors que clairement je suis pas plus surdouée qu’une huître.

Petit exemple cocasse fourni par Stéphanie Aubertin : des recherches ont montré que de nombreux commandants nazis avaient une intelligence hors du commun ce qui ne les empêchait pas d’être des assassins. Preuve en est qu’on peut être intelligent et s’en carrer complet de participer activement à l’un des pires génocides de l’histoire.

Il y a des surdoués encore plus surdoués que les autres avec des QI de plus de 200

Le test le plus couramment admis pour établir le QI est le test de Wechsler, dont on ne peut pas dépasser les 160. Si donc on tombe sur un résultat supérieur, cela veut tout simplement dire que c’est un autre test qui a été effectué avec des échelles différentes mais dans les faits ça ne veut pas dire que la personne avec un QI de plus de 200 est capable de communiquer avec les plantes et de bouger des objets à distance. Voilà encore un fantasme répandu qui consiste à voir les surdoués comme des surhumains sauveurs de l’humanité. Non. Calmez-vous.

Le QI baisse et on est en train de devenir de plus en plus cons

Non le QI n’est pas vraiment en train de régresser. En fait depuis le début du XXe siècle, le QI moyen n’a cessé d’augmenter jusqu’à atteindre une stagnation à partir des années 90 dans les pays occidentaux. On appelle cette source l’effet Flynn du nom du chercheur qui en a fait l’observation.

Comment expliquer cette évolution ? Déjà c’est pas tant que le QI a augmenté, c’est plus que durant les tests, les patients ont progressivement répondu à de plus en plus de questions. Cela s’explique par plein de choses : l’amélioration de l’éducation, de l’alimentation et des conditions de vie qui favorisent un raisonnement plus efficace. A l’heure actuelle, si les résultats tendant à stagner c’est aussi parce qu’on est arrivé aux « limites » de l’intelligence. C’est assez logique, on ne va pas progresser éternellement de la cervelle de la même façon qu’on ne va pas grandir éternellement en taille !

Crédits photo (CC BY 2.0) : Bryce Edwards from Dunedin, New Zealand

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