On vous avait déjà parlé des sectes les plus flippantes de l’histoire mais on ne s’était pas étendu plus que ça sur le Temple du Peuple, une secte des États-Unis dont l’histoire dramatique a marqué les mémoires. On vous propose de voir toute cette affaire un peu en détail pour comprendre comment ça s’est passé et à quel point c’est parti loin, parce que ça a quand même terminé en suicide collectif de masse.

Jim Jones, un jeune homme qui a longtemps cherché Dieu

À la base le Temple du Peuple est créé comme une branche du mouvement protestant par James Warren Jones dit Jim Jones, pasteur protestant. Élevé dans la religion protestante par une mère seule, Jones est très croyant et pratiquant jusqu’à ce qu’il atteigne une vingtaine d’années où il commence à remettre en question l’existence même de Dieu et arrête de prier.

Il travaille parallèlement dans un hôpital où il ne fait pas payer les soins aux malades les plus précaires, ayant été lui-même touché par la misère à son jeune âge. Il commence à s’intéresser au communisme et à des causes sociales qu’il juge mises de côté par l’Eglise protestante. Marié depuis ses 19 ans à Marceline Baldwin, une infirmière, il décide de prendre finalement un gros virage et de devenir pasteur.

Crédits photo (CC BY-SA 4.0) : Nancy Wong

Jim Jones, le Pasteur

En 1952 à seulement 21 ans il entame une formation pastorale dans un quartier pauvre d’Indianapolis. À peine un an plus tard il parvient à réunir plusieurs milliers de dollars pour faire construire un centre de loisirs pour les enfants sans aucune catégorisation de couleur, ce qui est rare à cette époque dans cette zone des États-Unis. Il commence à s’intéresser parallèlement à d’autres mouvements religieux empreints de guérisons miracles et de sensationnalisme spectaculaire, ce qui deviendra important par la suite.

Il adopte cinq enfants défavorisés d’ethnies différentes qu’il élève avec sa femme dans les années qui suivent et il obtient le titre de pasteur en 1964. Il crée sa propre Église qui accepte aussi bien les blancs que les noirs, se montrant toujours très concerné par la question de l’égalité raciale.

La création du Temple du Peuple

Il rebaptise son Église le Temple du Peuple assez rapidement et gagne une notoriété de plus en plus importante dans tout le pays. Politiques, célébrités ou personnalités religieuses le respectent et lui donnent une visibilité certaine. Même la première dame des États-Unis, femme du président Jimmy Carter, glorifie son église qui fait communier dans l’égalité et l’harmonie les noirs et les blancs tout en aidant les nécessiteux et les miséreux.

Crédits photo (CC BY-SA 3.0) : Indytnt

Une notoriété grandissante

C’est lorsqu’il prend conscience de sa propre notoriété et de son pouvoir fédérateur que Jim Jones commence à s’en servir. Il se considère et se présente comme une réincarnation de Bouddha, de Jésus et même de Lénine et tente de faire grossir les rangs de son église en prétendant réaliser des miracles. La communauté est de plus en plus importante et ses maitres mots sont fraternité, égalité et idéalisme. L’Église passe par plusieurs villes importantes de la Californie et y rallie de nombreux fidèles : d’anciens héroïnomanes désintoxiqués par l’Église ainsi que beaucoup de personnes noires défavorisées et délaissées par la société.

Le "communisme religieux"

Pour entrer dans l’Église le fidèle doit céder la possession de tous ses biens en l’échange de quoi elle s’engage à répondre à tous ses besoins. On parle à l’époque de communisme religieux et Jim Jones en fait sa marque de fabrique. Il organise des soupes populaires pour les enfants défavorisés et beaucoup de mères célibataires décident de rester en voyant toutes les occupations et infrastructures que met à disposition le Temple du Peuple.

Les fidèles travaillent dans les diverses branches de l’Église : maisons de retraite, maisons de quartier et autres services, mais ils ne touchent aucun salaire, ils sont cependant nourris et logés, ce qui est un argument fort pour de nombreux sans-abris. Jones engage des détectives privés pour recruter des fidèles en apprenant des choses sur leur vie privée et les dévoile en prétendant l’avoir deviné grâce à ses dons.

Crédits photo (CC BY-SA 4.0) : Nancy Wong

Le début des horreurs

Jim Jones commence à prendre différentes drogues quotidiennement comme des amphétamines, ce qui peut le rendre parfois colérique et abîme sa santé. Il déclare à ses fidèles que tous les hommes sont homosexuels et que si lui ne l’est pas il couchera quand même avec les hommes de l’Église par compassion. Il abuse de nombreux jeunes hommes en guise de punition, déclarant que leurs écarts de conduite sont dus à leur homosexualité refoulée et que le seul moyen de le combattre est d’y céder pleinement avec lui.

Plusieurs enfants du Temple présentent des traces de coups de martinets et des instituteurs hors de l’Église rapportent des témoignages qui concordent : ils sont punis et fouettés en public s’ils n’ont pas de bonnes notes. Les fidèles sont encouragés à dormir moins et travailler plus, tout en faisant des dons à l’Église.

Un soir par semaine ont lieu des réunions pour expier les pêchés, à la base il s’agit simplement de cercles de parole mais avec le temps les soirées se transforment en séances de sévices publiques où les fidèles se font frapper et torturer en public. On organise même des combats de boxe entre les « pêcheurs » et les coups réels sont portés en guise d’expiation.

L'utopie de la ville de Jonestown

En 1977 l’Église déménage définitivement à Guyana en Amérique du Sud dans l’ancienne Guyane Anglaise après avoir été l’objet d’un contrôle fiscal et d’une perte significative d’opinion publique pour les histoires d’abus moraux et physiques sur les fidèles ébruitées. L’idée est d’y créer la ville de Jonestown, nommée après son créateur et d’y faire un lieu de vie utopique et fraternel.

Pour justifier ce déménagement auprès de ses fidèles Jim Jones accuse la CIA d’avoir trainé son nom dans la boue pour les faire fuir et d’être appuyée par des chrétiens racistes influents qui n’acceptent pas leur vision de la religion. Il leur fait également comprendre que la CIA les arrêtera s’ils fuient la ville afin de les garder sous sa coupe.

L’arrivée à Jonestown commence cependant comme une utopie, les gens vivent harmonieusement et commencent à bâtir des maisons communes pour vivre ensemble. Mais rapidement le nombre de fidèles devient trop important, les gens dorment peu, construisent sans expertise, n’ont pas le temps de se nourrir car il n’y a qu’une cuisine, l’eau vient à manquer car le seul point d’eau se trouve à une dizaine de kilomètres… Des hauts parleurs crachent en permanence les sermons enregistrés de Jones qui annoncent une guerre nucléaire qui annihilera le monde et tous les habitants apprennent le russe dans une éventuelle optique de déménager en URSS dans la précipitation.

Crédits photo (CC BY-SA 3.0) : Fielding McGehee and Rebecca Moore

Les craintes confirmées et le début de l'enquête

Avant le déménagement à Guyana certains journalistes avaient commencé à ébruiter les nombreuses dérives du mouvement mais avaient rapidement été menacés et forcés de se taire par une milice mise en place par Jones, la Planning Commission.

À l’époque où la secte est encore à San Francisco on apprend que les membres de la secte sont forcés de signer des lettres manuscrites dans lesquelles ils avouent des crimes qu’ils n’ont pas commis : « j’ai violé un enfant », « je prévois de tuer le président » ou « je bats mes enfants et je prie pour essayer de m’en empêcher ». Ils signent également des lettres vierges pour que l’Église puisse remplir elle-même son contenu, de cette manière ils sont complètement prisonniers du Temple et on les menace de remettre les lettres à la police s’ils tentent de fuir.

La préparation du sacrifice

En 1977 Jim Jones commence à réveiller de plus en plus souvent les fidèles au milieu de la nuit pour prêcher, en sanctionnant ceux qui s’endorment. Au cours de ces soirées, du jus de fruit est servi à chaque habitant et Jones dit à ses fidèles qu’il est empoisonné. Au bout de quelques heures, il leur annonce que c’était faux et qu’il testait leur loyauté, mais que le suicide révolutionnaire de masse aura lieu un jour pour faire passer un message aux États-Unis.

Dans le même temps, les tortures et les punitions s’intensifient horriblement : des enfants sont enfermés dans des puits sans lumière pendant des heures, sont forcés de s’insérer du piment dans le rectum, se font électrocuter ou encore enfermer dans une petite pièce sans lumière pendant plusieurs jours. Certaines personnes sont internées de force dans l’aile médicale et drogués en permanence. L’emplacement géographique de la ville empêche ceux qui voudraient fuir puisqu’une jungle inhospitalière l’entoure et offre peu de chance de survie.

Crédits photo (Creative Commons) : Original téléversé par Mosedschurte sur Wikipédia anglais.

18 novembre 1978 : la visite de Leo Ryan

Le médecin du Temple annonce à Jim Jones que sa consommation de drogue et de médicaments a ruiné sa santé au fil des années et qu’il ne lui reste que quelques mois à vivre. Parallèlement une enquête de la police de San Francisco a été lancée contre l’organisation après que d’anciens membres évadés aient alerté les autorités sur la vie dans la secte.

Leo Ryan, représentant de la Californie décide de se rendre à Jonestown accompagné de journalistes et d’avocats pour enquêter. Le but de Leo Ryan est d’une part de voir si la vie dans le Temple est aussi difficile qu’on la lui décrit et de rapatrier les gens qui voudraient en sortir. Mais arrivé sur place, seules quinze personnes veulent partir sur près de 1000 habitants, ce qui étonne Ryan qui pense naturellement que la vie n’y est pas aussi dure qu’on lui a décrit.

Avant de partir, l’un des habitants tente de poignarder Ryan, mais est empêché au dernier moment. La tension monte et Leo Ryan repart en direction de l’aéroport accompagné des avocats, des journalistes et des quinze habitants déserteurs. Un fidèle du nom de Larry Layton déclare au dernier moment vouloir quitter la ville et part avec le groupe.

Son projet est en réalité de prendre le contrôle de l’avion et de le faire s’écraser pour tuer tout le monde. Arrivé sur place, il se rend compte qu’il y a deux avions et que son plan sera irréalisable, il sort une arme à feu et ouvre le feu sur les gens qui montent dans le véhicule pendant qu’une dizaine d’autres fidèles armés arrivent pour l’aider. Leo Ryan est assassiné sur place ainsi que trois journalistes, de nombreuses autres personnes sont blessées.

18 novembre 1978 : la fin

Quelques heures plus tard Jim Jones réalise qu’avec le meurtre de Leo Ryan il n’échappera plus à la justice qui l’a déjà menacé à plusieurs reprises, il décide de mettre à exécution son plan de suicide collectif dans la journée. On fait préparer le mélange de jus de fruit et de cyanure et on réunit toute la ville pour que le pasteur fasse un énième discours sur le suicide. Jim Jones force les parents à faire boire leurs enfants en premier puis fait boire les mères par la suite.

On ignore si les fidèles pensaient une fois de plus que cela était un test mais certains enregistrements audio laissent entendre des cris de panique quand les premiers enfants commencent à tomber. Certaines autopsies ont également démontré que de nombreux adultes avaient été piqués dans le dos par des seringues, probablement en tentant de fuir alors que d’autres ont été forcés de boire le poison par la milice. D’après la police la plupart des victimes auraient été forcées de boire ou piquées.

En arrivant sur place les autorités découvrent exactement 914 corps inanimés sur le sol dont 303 corps d’enfants et d’adolescents. Le corps de Jim Jones est retrouvé, tué d’une balle dans la tête par une arme située à quelques mètres de lui, on ignore encore qui a tiré. Le massacre de Jonestown est resté jusqu’au 11 septembre 2001 l’évènement ayant causé la plus grosse perte de civils américains.

Crédits photo (CC BY-SA 3.0) : Nancy Wong

Sources : Wikipedia (1, 2), Le Figaro (1, 2), France Inter, RTL.