Certaines histoires inspirent et parfois dépassent la fiction, dans la catégorie des faits divers sur la police, on peut aisément trouver des exemples de récits qui ont été adaptés en films ou pourraient clairement le devenir. Sans tomber dans des clichés faciles, la série The Wire a par exemple montré avec talent les relations entre policiers et criminels ainsi que la complexité d’un système judiciaire à l’échelle d’une ville. Pour certains flics, la frontière entre police et criminel s’amincit, gangrénée par la corruption, au point de devenir ce qu’on appelle des « ripoux ». En voici quelques exemples.

L'affaire de la Bentley et du garagiste arnaqué

Un carrossier d’Epinay qui avait remise à neuf une Bentley (achetée 33 000€) et qui comptait le revendre 83 000€ a été victime d’une arnaque assez particulière en 2014. Lorsqu’il met en vente son véhicule, un client et son cousin viennent l’acheter et lui déclarent que l’argent arrivera le lendemain. Sauf que le lendemain, le cousin revient pour lui donner une convocation au commissariat en lui disant que la voiture est impliquée dans une affaire criminelle. Alors que le garagiste se rend sur place, c’est un brigadier-chef qui le reçoit et lui explique que le véhicule est immobilisé car il est lié à une affaire de faux papiers. Le surlendemain, lorsque l’homme retourne au commissariat, la voiture n’y est plus et le même brigadier-chef lui dit qu’elle est à présent utilisée pour servir d’appât dans une affaire.

Six mois plus tard, le garagiste découvre son véhicule dans la liste d’un loueur de l’est de la France. Il dépose alors plainte et l’enquête commence. On découvre que le brigadier-chef était complice de ce méfait et il reconnait d’ailleurs rapidement son implication, accusant une « mauvaise passe » et une « manipulation » de la part des autres accusés dont l’un est d’ailleurs un indic. Il est alors expulsé de la police et a changé de métier, interdit de pouvoir un jour retravailler dans le service public. En même temps NORMAL.

L'affaire Loiseau, qui a inspiré le film "36 quai des orfèvres"

Tout commence le 12 juillet 1985 à Paris quand un groupe de malfaiteurs réalise un braquage dans une bijouterie. Une partie des braqueurs escorte le bijoutier dans sa boutique pendant que l’un d’entre eux séquestre sa famille. Les membres de la famille réussissent à faire fuir le criminel et à joindre la police et on maîtrise l’un des braqueurs qui s’avère être un indicateur. Lorsque celui-ci est interrogé, il balance rapidement ses complices dont deux sont en réalité des agents de police. L’enquête commence et trois agents sont écroués. Peu à peu on retrace au cours d’une investigation plusieurs braquages attribués au « gang des ripoux du 36 ». Généralement, les victimes étaient des commerces dont la gestion était jugée « douteuse » ainsi que des receleurs, pour faire simple : des personnes qui grossièrement ne porteraient pas plainte.

L’affaire se tasse un temps, jusqu’à la mort de l’inspecteur Jean Vrindts lors d’une fusillade. Une liste de noms de ripoux circule alors en interne et le nom de Vrindts y est inscrit, ce qui relance l’enquête des ripoux. Sur cette liste, on trouve également le nom de Dominique Loiseau, inspecteur à la BRI, qui décide de se faire entendre par l’IGS (police des polices) afin de clamer son innocence. Alors que la grogne s’intensifie sur cette affaire au sein de policiers, Loiseau est jugé et emprisonné même si les preuves contre lui sont fragiles (témoin malvoyant, déclarations qui changent, plusieurs coupables qui blanchissent son nom…). Il est le seul agent sur la liste des accusés à clamer son innocence et se défendre d’y avoir participé. Après plusieurs années de prison, il est gracié par François Mitterrand en 1993 et décide d’écrire un livre pour donner sa version des faits qui sera un succès et dont le film « 36 quai des orfèvres » sera l’adaptation.

Crédits photo : Topito

Le "gang des ripoux de Lyon" : une soixantaine de braquages et trois homicides

On a appelé le gang des ripoux de Lyon une association de plusieurs malfaiteurs dont au moins cinq de ses membres sont des policiers. À leur actif, une série de braquages dont les acteurs portaient des masques de vieillards ou de politiciens et qui s’attaquaient à des établissements de paris mutuels urbains, d’où l’autre surnom donné : le gang des PMU. On estime à près de 24 millions de francs la somme rapportée à ce réseau. Principalement lancé par trois policiers, le gang « grandit » au fur et à mesure avec l’enrôlement de criminels divers et d’autres policiers.

C’est en remontant la piste de fausses plaques d’immatriculations possédant toute la même matrice qu’on fait un lien avec un garagiste de Villeurbanne et qu’on remonte jusqu’aux policiers corrompus dont certains n’attendent même pas d’être hors service pour effectuer leurs méfaits. Lorsqu’on arrête les cinq policiers, on met en lumière cinq années d’activités composées d’une soixantaine de braquages et d’une utilisation du commissariat comme « centre de recrutement de braqueurs assermentés ». On réalise que le commissaire Roudeau, bien qu’il ne prenait pas part aux méfaits, en avait connaissance mais avait été menacé de chantage (divulgation de photos privées de sa femme) par l’un des braqueurs (Lemercier) s’il intervenait. L’inspecteur Roudeau met fin à ses jours pendant sa détention en 1991. Près de douze personnes sont jugées et emprisonnées, dont les cinq policiers qui écopent de peines allant de vingt ans de réclusion jusqu’à perpétuité en fonction des chefs d’accusations et de leur degré d’implication dans les affaires.

Les "ripoux de Batimore", l'un des plus gros procès policiers des États-Unis

L’affaire commence en 2016 lorsqu’un délinquant de 38 ans est arrêté lors d’un contrôle routier. Après l’avoir emmené au commissariat, les policiers en charge de l’affaire lui volent ses clés et se rendent à son domicile. Ils sont quatre à forcer son coffre-fort et a voler la moitié des billets présents (ce qui équivaut à 100 000$), deux kilos de cocaïne et d’autres objets précieux. Ils referment ensuite le coffre et se filment en train de l’ouvrir une seconde fois pour montrer leur « prise ». Ces policiers sont des agents en charge de récupérer les armes illégales qui circulent dans la ville, sauf qu’on réalise bien vite qu’ils revendent certaines de ces armes volées, qu’ils corrompent des scènes de crimes, cambriolent, envoient des innocents en prison…

Il s’attaquent principalement à des dealers, des personnes qui n’iront pas porter plainte et utilisent par exemple des balises GPS sur les voitures de leurs cibles, afin d’aller les cambrioler quand elles sont en déplacement. Ils placent des armes à air comprimés sur les scènes de crimes en cas de bavure, donnent aux dealers « associés » de la drogue qu’ils ont saisi pour en toucher des bénéfices sur la vente, se font payer de fausses heures supplémentaires… Lorsqu’on les démasque, c’est un véritable travail de titan qui commence afin de déterminer quelles affaires parmi les 3000 qui les concernent ont été trafiquées et corrompues.

L'affaire (en cours) des ripoux du 18ème arrondissement de Paris

En ce moment même a lieu une enquête au sein de la BAC du 18ème arrondissement de Paris pour corruption. Centrée sur l’agent Karim M. qui est accusé d’être au centre d’un trafic de stupéfiants, il est entré en comparution avec sept autres accusés dont cinq policiers. Bien qu’on soupçonnait quelque chose depuis longtemps dans le commissariat, c’est en 2018 que l’enquête démarre vraiment. Accusé de « prendre des enveloppes auprès des dealers pour leur assurer la protection » par les dealers eux même et certains commerçants du quartier de la goutte d’or, le « secret » éclate finalement au grand jour et on découvre des méthodes illégales notamment de « l’habillage » : fait de cacher quelque chose (ici de la cocaïne ou du crack) dans les poches d’un suspect au moment de le fouiller.

On découvre également au milieu de ces méthodes qui font scandale que Karim M. entretient une relation avec un criminel de Paris qui pourrait être de la complicité. Pour sa défense, le policier le décrit comme « un informateur », ce qu’un agent de la BAC n’est pas censé avoir. La défense mise en place par son avocat pointe du doigt « la politique du chiffre » qui désigne le quota d’arrestations que les agents doivent maintenir par mois et qui expliquerait d’après lui le fait d’avoir recours à un « indic ». L’accusé risque une peine de dix ans de prison et un million d’euros d’amende.

Louis Scarcella, la star des affaires résolues qui s'avère être l'un des plus gros ripoux

Ce « superflic », star des commissariats de New-York a pris sa retraite au milieu des années 2000. Considéré comme une légende des affaires de meurtres, il était ce qu’on appelle un « closer » : un flic qui boucle des enquêtes. C’est en 2011 qu’on commence à comprendre à quel point il était ripou et que le scandale éclate lorsqu’un nouveau procureur dont le projet est de combattre la corruption est élu.

On trouve des détails étranges et particuliers dans différentes affaires : témoins répétitifs (une même femme qui aura été témoin de près de 4 meurtres que Scarcella a bouclé), rapports de police trop similaires (la méthode pour boucler les affaires est bien souvent la même), interrogatoires non filmés ou enregistrés, faux témoignages (une femme qui l’aide à boucler une affaire en se disant témoin oculaire d’un meurtre alors qu’on réalise après étude qu’elle était en prison au moment des faits), des images de Scarcella qui « sort » deux détenus de prison pour les emmener boire des coups et voir des prostituées toute une journée (un genre de pot-de-vin / remerciement)… Bref, de nombreux détails troublants commencent à apparaître au fur et à mesure qu’on creuse les dossiers et on réalise rapidement que beaucoup, beaucoup de faux coupables dont derrière les barreaux.

De faux aveux « obtenus par la force », des violations du droit civiques, des gens emprisonnés injustement pendant des dizaines d’années dans le but de boucler les affaires… La procédure contre Scarcella est longue et il est probable qu’il ne soit jamais réellement inquiété car comme il le dit « si c’était illégal, ça ne serait pas passé dans un tribunal », laissant entendre par là que s’il est corrompu, tout le système l’est. On compte déjà 14 personnes innocentées et libérées de prison depuis le commencement de l’investigation et entre 40 et 70 le nombre d’enquêtes « ré-étudiées ».

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Il n'a pas souffert, promis

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Sources : Le Point, Le Parisien, L’obs, BFMTV.