Toute personne qui se pique de cinéphilie a généralement la bouche pleine d’anecdotes connues plus ou moins par tout le monde sur Stanley Kubrick, travailleur invétéré, maniaque jusqu’à l’extrême, auteur d’une filmo ultra-classe, accusé d’avoir tourné les premiers pas de l’homme sur la Lune en studio et à la tête d’une non-filmo encore plus dingue que ça filmo. Parce que Kubrick, c’est aussi des dizaines et des dizaines de grands projets avortés dont la non-réalisation fait baver quand on se dit que, forcément, ç’aurait été des chefs d’oeuvre. En voilà déjà 10.

Napoléon

C’est la tarte à la crème de la cinéphilie : Kubrick voulait réaliser un biopic de trois heures sur Napoléon avec Al Pacino dans le rôle titre. Autant dire que ça aurait eu plus de gueule que Christian Clavier. La MGM a freiné tout ça en disant que ça allait être trop cher. Mais avant ça, Kubrick a eu le temps d’acheter les droits d’un roman pour l’adapter, de réunir une documentation absolument folle, de recruter 50.000 figurants et de lancer la fabrication de leurs costumes, de dessiner des plans de chaque bataille. Taschen a sorti un coffret magnifique et hors de prix consacré à ce projet qui n’a jamais vu le jour.

The Aryan Papers

Kubrick avait envisagé de raconter la vie d’un enfant juif tenu de prendre une fausse identité à Varsovie. Le film était prévu pour le début des années 1990, mais la sortie de La Liste de Schindler en 1993 et le succès remporté par le film de Spielberg fait flipper la Warner qui a peur d’avoir l’air d’une conne en arrivant en retard avec son film sur la Shoah. Elle se retire du projet et Kubrick reste sur sa faim avec ses milliers de pages de doc et un autre projet avorté sur les bras.

2010 : l'année du premier contact

La suite de 2001 avait été imaginée par Arthur C. Clarke, écrivain britannique associé au script du chef d’oeuvre de Kubrick qui en a fait un bouquin, sorti en 1982. Les Russes et les Américains s’y associaient pour retrouver la trace de Hal, l’ordi qui fait flipper. La Warner lance tout de suite la grosse artillerie et essaie de convaincre Kubrick de le tourner, mais celui-ci refuse, finalement et confie le bébé à Peter Hyams qui sortira le film en 1984 avec un succès mitigé.

A.I.

C’est une nouvelle de Brian Aldis qui avait attiré l’attention de Kubrick sur cette histoire d’enfant robot qui souhaite devenir humain. Il en acquière les droits en 1975 et essaie d’associer des producteurs pour monter le film, mais le truc devient un serpent de mer qui ne se fera jamais. Il faut dire que le réalisme de l’histoire nécessite qu’on puisse compter sur des effets spéciaux efficaces. Finalement, en 1994, Kubrick abandonne les droits pour les donner à Spielberg, qui est concentré sur d’autres projets. C’est la mort de Kubrick qui le motivera à réaliser le film en hommage à son pote.

Le Parfum

Ils étaient nombreux à vouloir acheter les droits du roman de Süskind : Polansi, Kubrick… Mais c’est lui qui rafle les droits le premier et se lance dans l’adaptation du livre avec son auteur. Mais Süskind et Kubrick ne parviennent pas à se mettre d’accord : Kubrick veut épurer le romanesque de l’intrigue quand Süskind veut, au contraire, la renforcer. Finalement, Kubrick lâche l’affaire. Tom Tykwer, qui héritera du projet au début des années 2000 et mènera l’adaptation à bout, se foirera comme on le sait.

Lunatic at Large

Ce scénario, retrouvé dans les archives de Kubrick, était signé par Jim Thompson qui avait signé les scripts de L’Ultime razzia et des Sentiers de la gloire. Les années 50, New York, un tueur psychopathe qui sévit à la hache… Finalement Kubrick n’ira pas au bout. Il a été question, dans les années 2000, de relancer le projet, mais on n’a pas trop de nouvelles.

The Down Slope

La guerre de Sécession, une équipe d’agents secrets. Voilà en gros la trame du scénario, adapté d’un auteur de polars américain. Le projet a été totalement oublié après que Kubrick a dit que finalement il ne le ferait pas. Jusqu’à ce que Marc Forster témoigne de son intérêt pour le réaliser. Il est dans les tuyaux des prods et annoncé pour 2026.

God Fearing Man

Un film sur l’affiche duquel on aurait pu lire « d’après une incroyable histoire vraie ». I Stole 16 million dollars, c’est le titre de l’autobiographie d’un prêtre américain qui a cambriolé des dizaines et des dizaines de coffres-forts dans les années 20. En 2014, tous les médias annonçaient que le scénario allait être adapté en mini-série avec Michael C. Hall dans le rôle titre, mais aucune nouvelle depuis.

Mais quand même, le Napoléon avec Clavier, je le reverrais bien juste pour me marrer.