En matière d’expressions, il y a ceux qui sont à côté de la plaque et s’adonnent aux presqupressions, ceux qui favorisent la bonne grosse périphrase de peur de se planter et ceux qui se cassent la tête à trouver l’origine des expressions françaises parce qu’ils n’ont manifestement pas de vie sexuelle. Perso, je suis dans la dernière catégorie, à la précision près que je ne m’occupe que de villes. Chacun sa came.

Limoger

En août 1914, le général Joffre est décidé à dégager une partie du commandement de l’armée française responsable à ses yeux des premières défaites au front. Il reçoit l’aval du ministre de la Guerre qui le laisse libre de mettre à la retraite d’office tous les hauts-gradés qui ne donneraient pas satisfaction. Joffre coupe ainsi 40% du corps décideur de l’armée française en nommant tous ceux qu’il juge incompétents loin du front, dans une circonscription comprenant la Charente, la Corrèze, la Creuse et la Haute-Vienne, où se trouve Limoges. Placardisés, les officiers. L’expression est restée devenant par extension synonyme de foutre quelqu’un à la porte.

C'est Byzance !

Autant vous le dire tout de suite, il y a eu un léger tropisme orientaliste qui faisait qu’on fantasmait pas mal sur l’opulence supposée de ces villes où il faisait chaud. Et si la ville a en effet eu ses heures de gloire, elle n’a pas non plus toujours été l’Eldorado décrit. En réalité, c’est à une pièce de théâtre itinérante que l’on doit la popularité de l’expression. Un personnage y déclamait en effet : « Quel luxe ! Quel stupre ! Mais c’est Byzance ! » Les gens ont dû trouver ça marrant et ont commencé à la reprendre.

Crédits photo : Topito

Une image d'Epinal

Au XIX° siècle, la ville d’Epinal était connue pour son imprimerie d’où sortaient des images bariolées présentant des scènes héroïques de l’Histoire (batailles, couronnements, etc.), souvent mensongères et qui participaient souvent à la glorification du passé français monsieur. Et ces images étaient populaires. On en trouvait même dans les livres pour enfants. Et comme elles décrivaient une réalité fardée et embellie, elles sont devenues ce symbole d’exagération et de naïveté.

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Ça va faire du bruit dans Landerneau !

Autant vous le dire tout de suite : je n’avais jamais entendu cette expression de ma vie avant de devoir faire ce top. Pour autant, je me suis renseigné et je peux vous affirmer qu’elle vient d’une pièce de théâtre signée Alexandre Duval, représentée pour la première fois le 27 novembre 1796, et dans laquelle une veuve de Landerneau se remarie un peu trop rapidement au goût de ses concitoyens après la mort de son mari. Et il est vrai que désormais, quand un événement risque de faire parler de lui, il fait du bruit dans Landerneau.

L'oeil de Moscou

L’espion de base. Comme on pouvait s’y attendre, l’expression s’est popularisée pendant la guerre froide pour désigner une personne instrumentalisée par l’ennemi pour surveiller nos faits et gestes. Comme un agent du KGB, par exemple.

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Avec des si on mettrait Paris en bouteille !

On ne sait pas trop d’où vient cette expression qui consiste à dire qu’en formulant des hypothèses dans le vide, on rêve mais on ne fait absolument rien avancer. Certains affirment que l’adage viendrait d’un poème de Jacques Charpentreau, d’autres qu’il s’agirait d’un proverbe vieux comme le monde dont les sonorités auraient glissé au fil des années. Allez savoir.

Tonnerre de Brest !

Cette expression qu’on retrouve dans Tintin a plusieurs origines possibles. La première est littérale, à chercher du côté d’un coup de tonnerre fantastique qui aurait traumatisé la rade de Brest en 1718. La seconde, plus imagée, serait à relier aux canons du port de Brest qui tiraient deux fois par jour pour indiquer les horaires d’ouverture et de fermeture de l’arsenal. Des coups de canon forts comme des coups de tonnerre. Elle s’est popularisée à la fin du XVIII° siècle avant d’entrer dans la légende grâce au capitaine Haddock.

Un coup de Jarnac

Souvent associée à Mitterrand qui venait de Jarnac, l’expression remonte en réalité au XVI° siècle. Guy Chabot de Jarnac s’était alors distingué lors d’un duel judiciaire par un coup porté au genou particulièrement habile, imprévu et efficace. L’expression reste, célébrant l’habileté de l’auteur du coup, littéral ou figuré, avant de prendre une connotation plus péjorative au XVIII° siècle : le coup de Jarnac devient un coup dans le dos, une machination rusée et presque déloyale.

Un coup de Trafalgar

Il ne vous aura pas échappé que l’amiral Nelson a défait la flotte française à Trafalgar (en y laissant sa vie au passage). Depuis lors, le coup de Trafalgar désigne une catastrophe surprise, un peu comme la Berezina, mais peut aussi s’entendre comme une manoeuvre militaire audacieuse : pour dézinguer l’armada franco-espagnole, Nelson, en infériorité numérique, n’avait ainsi pas hésité à foncer tête baissée au milieu des navires ennemis afin de séparer la flotte en deux.

La botte de Nevers

Ce coup fourré que l’on sort pour neutraliser l’ennemi était l’apanage de Henri de Lagardère, le héros du Bossu de Paul Féval, et consistait en une attaque savante à l’épée. Une botte inventée, donc, mais qui est restée dans le langage courant pour désigner une prouesse technique propre à quelqu’un. Depuis, le cercle d’escrime de Nevers a essayé de mettre en place cette botte en observant la description qu’en faisait Paul Féval.

Rome ne s’est pas faite en un jour.