Soyons honnêtes deux minutes : la langue française est quand même parfois bien perchée. On a beau la pratiquer depuis qu’on est gosse, on arrive toujours à se planter, on fait toujours les mêmes fautes d’orthographe courantes et, avec ça, on ne comprend même pas les expressions qu’on entend tous les jours. Et on est sûr que toi aussi t’es comme nous, sauf si tu ne ratais aucun Bouillon de Culture avec Bernard Pivot quand t’étais jeune, mais ça on en doute. Voilà donc quelques explications sur les expressions pour remettre les pendules à l’heure et les points sur les i.

Offrir le gîte et le couvert

A priori, on sait tous que ça veut dire : « allez mec, mets-toi bien, tu peux crécher chez moi gratos et en plus j’te file à bequeter ». Oui, mais il y a quand même une petite chose qu’on comprend mal. Le « couvert », de nos jours, c’est la partie « bouffe » de l’expression, alors qu’avant c’était plutôt la partie « tu peux dormir chez moi ». Parce qu’avant, on disait « offrir le vivre et le couvert » : le vivre, c’était la bouffe, et le couvert, c’était le toit, parce qu’un toit ça couvre. Avec le temps, l’expression a évolué, et le mot « couvert » a dérivé pour signifier la table dressée pour le repas, ou ce avec quoi on mange. Donc tu peux toujours dire « le gîte et le couvert » mais maintenant tu sauras pourquoi tu le dis.

Raconter par le menu

« Raconter par le menu », c’est expliquer avec moult détails. Ça, on le sait, même si on n’utilise jamais cette expression sauf pour se la raconter un peu. Ce qu’on sait moins, c’est que le « menu » n’a rien à voir avec un menu comme on peut en voir au resto. Non non, arrête de penser à la bouffe. Le « menu », dans l’expression, c’est par rapport au « menu détail », au plus petit détail quoi. Du coup, le mec qui raconte un truc par le menu, il va intégrer tous les petits détails à son histoire, et ça va être hyper relou parce que toi t’as autre chose à faire que de l’entendre parler pendant 5 heures de comment il a passé son week-end à réparer sa cafetière.

Être frais et dispos

Oui oui, « dispos » avec un « s » à la fin. L’expression signifie qu’on est en forme et disposé à agir, du coup le « dispos » se base sur la même racine que « disposé », et pas du tout sur celle de « disponible ». D’ailleurs, au féminin, on dira : « je suis fraîche et dispose », mais là le problème c’est que tout le monde répondra : « ah ouais la meuf elle a un boulard pas possible elle dit qu’elle est fraîche sans pression, elle s’est regardée dans un miroir au moins ? » C’est l’inconvénient d’utiliser correctement la langue française quand on est entouré de gros débiles.

Bayer aux corneilles

Comme l’expression signifie « rêvasser », ou « regarder quelque chose bêtement, la bouche ouverte », on a envie d’écrire le verbe « bâiller ». Ça va bien avec le côté « j’ai la bouche ouverte comme un idiot ». Mais pourtant il faut bien écrire « bayer », parce que c’est un ancien verbe qui veut justement dire « être bouche bée ». Pour ce qui est des corneilles, avant on disait « bayer aux grues » (qui sont aussi des oiseaux), mais finalement on s’en fout : le but de l’expression, c’est de dire qu’on est bouche bée devant quelqu’un chose d’insignifiant, comme des oiseaux. Pas très sympa pour les volatiles, on en convient, mais c’est comme ça.

Faire bonne chère

Aujourd’hui, « faire bonne chère » signifie « bien manger, faire honneur au repas », et c’est pour ça qu’on a tendance à se tromper en écrivant « faire bonne chair ». Pour comprendre d’où vient l’erreur, il faut remonter assez loin. Dans le sens ancien de l’expression, « chère » venait du latin « cara » qui désignait la figure, le visage. « Faire bonne chère » signifiait donc « faire bonne figure », être aimable lorsque l’on accueille des invités. Et quand on était sympa avec les invités qu’on recevait, on mangeait bien tous ensemble. C’est pour ça qu’à partir du 17e siècle, l’expression a dérivé pour signifier « bien manger ». C’est sûr que ça paraît un peu tordu quand on résume tout ça d’un seul coup, mais il faut se dire que ça a pris des siècles pour évoluer dans notre langage. C’est aussi ça la beauté d’une langue vivante. On te jure qu’on n’a pas été payé par ton prof de français pour écrire ça.

Par acquit de conscience

Non, on n’a pas fait d’erreur : on écrit bien « acquit » avec un « t », et pas avec un « s ». Pourquoi ? Ben parce que le verbe de l’expression c’est « acquitter », et non « acquérir ». Quand on fait quelque chose par acquit de conscience, c’est pour être sûr de notre conscience, on « acquitte » notre conscience pour éviter de s’accuser plus tard d’avoir fait une grosse connerie. C’est finalement assez logique. Non, tu trouves pas ?

De plain-pied

On sait pas pourquoi, mais tout le monde se plante en voulant écrire « de plein-pied », alors qu’une maison de « plain-pied », c’est une maison où tout se situe au niveau de la plaine. Bon ok, peut-être pas le plafond, qui est un tout petit peu plus haut que la plaine, mais commence pas à jouer au plus malin avec nous s’il te plait.

Faire long feu

Honnêtement, celle-là est la plus chaude (sans mauvais jeu de mots mdr) du top. Alors essayons d’expliquer tout ça CALMEMENT :

Aujourd’hui, quand on dit « je vais pas faire long feu », ça veut dire qu’on va pas durer très longtemps. Du coup, on croit à tort que « faire long feu » signifie « durer longtemps. » EH BAH NON. Ça signifie « échouer ». L’expression vient des anciennes armes où il fallait mettre le feu soi-même au canon pour que le coup parte. De temps en temps, au lieu d’exploser, la poudre se consumait trop lentement (elle faisait long feu) et le coup de feu ne partait pas. C’était un échec. Voilà pourquoi « faire long feu » signifie « échouer ». Finalement c’était pas si compliqué.

Mais comme la langue française c’est rarement simple, « faire long feu » signifie aussi parfois « durer longtemps », ou plus de temps que prévu. Oui on avait dit l’inverse un peu plus haut mais c’était juste pour jouer les donneurs de leçon. On aime bien.

Être en butte à

Même s’il s’agit d’une minorité, certains pensent que l’expression parle d’un « but » à atteindre, et pourtant elle parle bien de la « butte », du petit monticule, de la petite colline quoi. Quand on est « en butte aux critiques », on est « exposé aux critiques », comme quelqu’un qui se trouverait en haut d’une butte et qui serait exposé aux tirs ennemis. Une position que l’on qualifiera de « pas agréable du tout », si tu veux notre avis.

Au temps pour moi

Non on déconne, il faut arrêter d’emmerder le monde avec cette expression : écris-la comme tu veux, on s’en fout. Les seules personnes qui reprennent encore les gens qui disent « autant pour moi » sont les mêmes qui nous bassinent en ce moment en disant « euh il faut dire LA Covid, c’est l’Académie Française qui l’a dit ». Des gros relous, si tu veux notre avis.

Si ce sujet t’a passionné et que tu t’es dit « OUAH JE SUIS PASSIONNÉ PAR CE SUJET VRAIMENT » alors va voir quelques origines d’expressions pas piquées des hannetons.

Sources : Projet-Voltaire, écrits et récits, Wiktionnary.