L’Histoire est parfois (ou souvent) injuste. Déjà, parce que ce sont les vainqueurs qui l’écrivent et que les vaincus peuvent bien aller se faire voir, mais aussi parce que pas mal d’inventions ont été attribuées à la mauvaise personne, laissant les vrais inventeurs tomber dans l’oubli. La plupart du temps, c’est parce que le vrai inventeur a oublié de déposer le brevet de son invention. Parfois, c’est tout simplement parce que la vie est injuste et que les gens croient tout ce qu’on leur dit. Petit tour des oubliés de l’Histoire des inventions.

La guillotine

Fin 1789, le médecin Joseph Ignace Guillotin propose d’utiliser cette machine, entre autres pour éviter les souffrances inutiles qu’on infligeait aux criminels (y’en a quand même qu’on écartelait ou qu’on faisait bouillir dans des chaudrons, et ça c’est a priori très douloureux). L’idée fut adoptée en 1791, et on donna le nom de Guillotin à la guillotine. Mais, en réalité, l’invention daterait du XVIe siècle. En plus, la guillotine, celle qui a été utilisée à partir de 1792, a été mise au point par un confrère de Guillotin qui s’appelait Antoine Louis. Malgré tout, je vous interdis de jeter la pierre à Guillotin, déjà parce que ça fait mal, et aussi parce qu’il a toujours refusé qu’on donne son nom à la machine qui coupe des têtes. Un chic type.

Crédits photo (Domaine Public) : Unknown authorUnknown author

Le téléphone

On attribue souvent l’invention du téléphone à Alexander Graham Bell parce qu’il en a déposé le brevet en 1876. SAUF QUE, entre 1849 et 1870, un Italien, Antonio Meucci, avait déjà mis au point des machines qu’on peut qualifier de téléphones. Il avait déposé un brevet pour décrire son téléphone, mais n’a jamais payé ce qu’il fallait pour que son brevet protège son invention après 1874. Et ce qui est drôle, c’est qu’on soupçonne Graham Bell d’avoir eu accès aux machines de Meucci pour les observer. Mais l’histoire ne s’arrête pas là : en 1876, le jour où Graham Bell dépose son brevet, un autre inventeur, Elisha Gray, dépose un brevet pour le téléphone quelques heures plus tôt. Le hic, c’est que celui de Graham Bell a été examiné et accepté avant celui de Gray, qui a ensuite perdu tous ses procès pour faire reconnaître cette injustice.

Finalement, en 2002 la Chambre des représentants des États-Unis a reconnu le rôle d’Antonio Meucci dans l’invention du téléphone. Aujourd’hui, on est beaucoup à savoir que Bell n’est pas le vrai inventeur du téléphone, mais l’injustice est quand même là : personne n’a retenu le nom d’Antonio Meucci. On l’embrasse là où il est.

Crédits photo (Domaine Public) : Bancroft Gherardi, Frederick L. Rhodes

L'école

Malgré tout le respect que j’ai pour France Gall, elle n’aurait jamais dû chanter : « QUI A EU CETTE IDÉE FOLLE, UN JOUR D’INVENTER L’ECOLE ? C’EST CE SACRÉ CHARLEMAGNE ». Et ce pour deux raisons : cette chanson est horrible, et cette phrase est totalement fausse. Pour le coup, ça sera impossible de déterminer qui est l’inventeur de l’école. Il y en a depuis (au moins) l’antiquité, et, en plus, il y en a eu de toutes les sortes, plus ou moins organisées, plus ou moins ouvertes à tous. Alors que fout Charlemagne dans cette histoire ? Comme il trouvait que les gens commençaient à être un peu teubés, il a « simplement » décidé que les enfants iraient obligatoirement (et gratuitement) suivre un enseignement auprès du clergé. Bon après, pour enchaîner sur des études supérieures, il fallait quand même avoir du pognon, mais c’est déjà pas mal.

L'ampoule

Vous avez sans doute appris que c’était l’Américain Thomas Edison qui avait inventé l’ampoule électrique en 1879 (et peut-être même découvert l’électricité, mais ça c’est vraiment une grosse bêtise.) En fait, Joseph Swan, un chimiste britannique, avait déposé un brevet en 1878 pour une ampoule avec filament en carbone. Edison a, lui aussi, déposé un brevet, mais pour une ampoule avec filament en bambou. Pourtant, c’était le carbone qui tenait le mieux sur la durée. Edison a fini par adopter le carbone et il est resté célèbre, alors que Swan non. Ça ne les a pas empêchés d’être copains et de monter la Edison and Swan Electric Light Company Limited. La belle histoire.

On peut aussi noter qu’en 1835, James Bowman Lindsay avait conçu une première ampoule, mais elle était apparemment un peu naze. Il n’empêche que ça lui donne plus ou moins la paternité de l’invention.

Crédits photo (CC BY-SA 3.0) : KMJ

La poubelle

« L’inventeur de la poubelle ? Ben c’est Eugène Poubelle ! » Ahahahahahahahah PAS DU TOUT DU TOUT VOUS VOUS TROMPEZ. En 1833, ce bon vieux Eugène était Préfet de la Seine, et comme il trouvait que Paris était un peu dégueulasse, il a obligé les gens à mettre leurs ordures dans des contenants munis de couvercles, en leur demandant de trier les déchets au passage. Avec l’usage (pas toujours respecté d’ailleurs), les gens ont fini par appeler ces réceptacles des « poubelles ». Mais Eugène Poubelle n’a pas inventé le fait de mettre des ordures dans un contenant. Beaucoup l’avaient déjà fait avant, mais personne n’a jamais eu envie de le revendiquer.

Le cinématographe

On attribue cette machine capable de filmer et de projeter des images aux frères Auguste et Louis Lumière. C’est à la fois vrai et faux (sinon ça serait trop simple). Ils ont vraiment été les premiers à concevoir cette technologie, mais ils ont racheté le nom « cinématographe » à Léon Bouly, un gars qui affirmait avoir déjà conçu un type de cinématographe mais qui n’a jamais prouvé à personne que sa machine marchait.

Au-delà de ce rachat de nom, les frères Lumière se seraient largement inspirés d’une autre invention, le kinétoscope, qui n’était autre que le bébé de… Thomas Edison. Certains considèrent même le kinétoscope comme la première trace du cinéma. Bref, personne ne sera jamais d’accord de toute façon.

Le cinématographe en projection (Institut Lumière, Lyon)

Le vaccin

Si on tape « inventeur du vaccin » sur la toile (je dis « la toile » si je veux, ok ?), on tombe sur Louis Pasteur. Or, Pasteur, un homme très bon au demeurant, n’a pas inventé le vaccin, mais un type de vaccin « artificiel », qui consiste à inoculer des bactéries un peu « atténuées » à un animal pour que son système immunitaire apprenne à combattre ces bactéries et soit prêt à combattre une vraie invasion de bactéries bien fraîches du même type. Pour imager ça, c’est un peu comme s’entraîner à la boxe contre des sacs de frappe pour après pouvoir se battre plus facilement contre une vraie personne (sauf que, dans le cas de la boxe, si on ne fait que du sac de frappe, on va se faire éclater dans un vrai combat.)

Pasteur a donc inventé le principe du vaccin moderne. Mais le premier vaccin, c’est Edward Jenner, un médecin anglais, qui l’a inventé/découvert en 1796. A l’époque, la variole faisait des ravages en Europe. Et la variole, c’est une maladie pas drôle du tout. Jenner avait remarqué que les fermiers, qui étaient au contact des vaches, ne tombaient jamais malades de la variole. En fait, les germes qui passent d’une espèce animale à une autre sont atténués ; la variole venant des vaches malades était donc moins forte et préparait le système immunitaire à affronter la « vraie » variole. Bon, après, la suite est cra-cra : Jenner a conseillé aux gens de s’introduire du pus de vache malade dans le sang par scarification pour se protéger (le plus fou, c’est que ça marchait vraiment.)

Au voleuuuur !

Et regardez-moi toutes ces femmes qui se sont fait voler leur invention.