Balkany est un petit joueur. Un tout petit joueur. Un petit CM1 qui serait regardé de haut par des sixièmes. Parce qu’avec ses affaires d’exil fiscal et de détournement de fonds, il est loin de jouer dans la cour des grands en ce qui concerne le scandale d’Etat. Si le bon vieux temps des scandales Dreyfus ou Panama a pris fin, la V° république continue d’être agitée régulièrement par des affaires à son sommet, et ce malgré une transparence accrue. De là à dire qu’il serait temps de passer à la VI° il n’y a qu’un pas. Tiens, je l’ai franchi.

L'affaire Elf

L’affaire Elf, c’est un système de corruption internationale et d’enrichissement personnel mis en oeuvre avec la bienveillance du pouvoir au nom des intérêts français en Afrique. Le trio dirigeant d’Elf composé par Loïc le Floch Prigent, Alfred Sirven et André Tarallo manipulait des caisses noires et touchait des rétrocommissions selon un système d’immense opacité visant à arroser les dirigeants des pays africains où le géant français menait des prospections pétrolières. Sans rentrer dans le détail de ce système EXTRÊMEMENT OPAQUE grâce auquel des dirigeants comme Omar Bongo touchaient trois fois de l’argent qui transitait sur des comptes un peu partout dans le monde, on peut toutefois affirmer qu’il s’agissait de la plus grande affaire de corruption organisée au coeur même de la plus grande entreprise française, une entreprise publique par ailleurs. Le Floch Prigent assure d’ailleurs que le système, en vigueur avant sa nomination à la tête de l’entreprise, était adoubé par le pouvoir. Tous les protagonistes ont été condamnés à de la prison ferme et Elf démantelé suite à une instruction qui aura duré plus d’une décennie. L’affaire était si tentaculaire qu’elle avait des ramifications politiques et impliquait notamment des personnalités de haut rang comme Charles Pasqua ou Roland Dumas, alors président du Conseil constitutionnel et qui aurait eu recours aux fonds occultes de l’entreprise dans le cadre de l’affaire des frégates de Taïwan.

Les frégates de Taïwan

L’affaire des frégates de Taiwan est une affaire d’Etat : Thomson CSF, entreprise publique, devait fournir à Taïwan des frégates militaires. 500 millions d’euros ont été versés aux autorités chinoises et taïwanaises pour permettre à la transaction de se réaliser, en 1991. Or, une partie de cette somme a été reversée sous forme de rétrocommissions à des dignitaires français via un système opaque, ce qui est parfaitement interdit. Cinq personnes proches de l’affaire (ingénieurs chez Thomson, agents des services secrets ayant travaillé à Taïwan, employés de la banque ayant servi d’intermédiaire pour le versement des commissions) ont été retrouvées mortes, suicidées par défenestration. Parmi elles, on compte Thierry Imbot, un agent de la DGSE qui suivait à Taïwan les dossiers économiques français. Quelques jours avant sa mort, Imbot s’était acheté un appartement à Paris et avait pris rendez-vous avec un journaliste à qui il avait promis des révélations sur l’affaire des frégates. Ça ne ressemble pas à un suicide.

L'attentat de l'Observatoire

En 1959, Mitterrand souffre d’un gros déficit de popularité. Celui qui mettra en 1965 le Général de Gaulle en ballottage lors de la présidentielle est dans la merde. Il décide de monter un gros coup pour essayer de faire remonter sa cote : un attentat bidon perpétré contre lui. L’attentat, qui se déroule avenue de l’Observatoire, est perpétré officiellement par l’extrême-droite, mais les investigations ont prouvé que Mitterrand et Pesquet, cerveau de l’attentat, s’étaient rencontré à plusieurs reprises avant l’événement. Tant l’un comme l’autre avaient besoin de revaloriser leur image et les deux hommes se seraient mis d’accord pour simuler un attentat. L’événement réussit tout de même à attirer les projecteurs sur Mitterrand qui s’imposa de ce fait comme le principal leader de la gauche alors que le PC entamait sa lente (très lente) chute dans les urnes.

L'affaire Karachi

Sous le gouvernement Balladur, en 1994, la France est tout feu tout flammes sur le marché international de la vente d’armes. Mais la concurrence est rude et, pour convaincre l’Arabie Saoudite et le Pakistan d’acheter des sous-marins et des frégates, les autorités françaises font appel à des intermédiaires grassement payés, lesquels reversent illégalement une partie de leur commission à leurs bienfaiteurs : et voilà comment de l’argent détourné de la vente d’armes par la France s’est retrouvé dans les comptes de campagne d’Edouard Balladur pour la présidentielle 1995. Comme Balladur était promis à gagner, pas de problème ; sauf que Balladur a perdu et que Chirac lui en a beaucoup voulu d’y être allé. Après avoir décidé de cesser le versement des rétrocommissions, Chirac se retrouve face à une drôle de situation quand une bombe explose à Karachi, dirigée contre des scientifiques français. Une vengeance. Et qui était ministre du budget et directeur de campagne de Balladur ? Un certain Sarkozy…

L'affaire Markovic

Cette affaire tellement complexe qu’on ne va pas la traiter de bout en bout, mais pour faire simple, voilà l’histoire : Markovic était un semi-truand serbe que Delon avait engagé comme homme à tout faire quand Pompidou était premier ministre. Markovic eut la mauvaise idée de coucher avec Nathalie Delon, alors mariée avec l’acteur, et Delon le renvoya. Et Markovic fut retrouvé mort dans un coffre de bagnole quelques jours plus tard. Delon a un temps été soupçonné du meurtre, mais d’autres pistes ont émergé : Markovic menait en effet apparemment un lucratif commerce de chantage en menaçant des personnalités, y compris politiques (les Pompidou furent sous le feu des projecteurs) de divulguer des photos compromettantes (entendez de cul débridé ou de partouzes). Sauf que les photos compromettantes montrant Pompidou et son épouse en pleins ébats étaient des faux… Mais les opposants au futur président se servirent de l’affaire pour essayer de le discréditer et l’affaire Markovic empoisonna très très longuement l’héritage du gaullisme.

Le SAC et la tuerie d'Auriol

Le Service d’action civique était un objet hybride. Outil de propagande du gaullisme censé assurer le service d’ordre des manifestations gaullistes, il était aussi une sorte de club très select dans lequel se retrouvaient de nombreux voyous qui usaient et abusaient de leur petite carte pour faire des affaires louches en toute tranquillité et avec la bénédiction d’édiles locaux corrompus. Tout ça a duré un bon moment, jusqu’à la tuerie d’Auriol. Ce jour-là, en juillet 1981, le chef de la section locale du SAC est abattu ainsi que toute sa famille par d’autres membres du groupe qui le soupçonnent de vouloir les trahir. 6 morts dont plusieurs enfants en bas âge. Mitterrand décide alors de dissoudre le SAC.

Les écoutes de l'Elysée

A son arrivée au pouvoir en 1981, François Mitterrand décide de repenser complètement les services secrets. Pour contrecarrer le SDEC, ancêtre de la DGSE et inféodé au gaullisme, Mitterrand met sur pied la cellule antiterroriste de l’Elysée, une structure qui lui répond directement à lui et à lui seul. En plus des bavures commises par ces francs-tireurs pas très armés pour leur mission (je vous invite à vous renseigner sur l’affaire des Irlandais de Vincennes), c’est à cette cellule que le président confie la mission de placer sur écoute un très grand nombre de personnalités des mondes politique, journalistique ou du cinéma dans le seul et unique but de garder secrète l’existence de sa fille illégitime, Mazarine, qu’il a eue avec Anne Pingeot. Plus de mille personnalités ont ainsi été espionnées par l’Elysée entre 1983 et 1986, date à laquelle Jacques Chirac est devenu premier ministre. Le procès des protagonistes de l’affaire a eu lieu en 2004.

Le scandale UraMin

En 2006, il ne faisait mystère pour personne que Sarkozy allait être élu président de la république l’année suivante. Anne Lauvergeon, qui dirigeait alors Areva (une entreprise stratégique et en grande partie publique), décide alors contre l’avis de toute sa direction d’investir dans une société canadienne, UraMin, qui affirme détenir plusieurs mines d’uranium en Afrique. Sauf que cette société est totalement bidon et les mines soi-disant extraordinaires taries. Areva débourse quand même 1,8 milliard d’euros pour acquérir les droits d’exploitation des mines avant de se rendre compte, une fois sur place, qu’il n’y a rien à en tirer. Au total, le temps qu’Areva lâche l’affaire, l’entreprise aura perdu 3 milliards d’euros et aura été renflouée par l’Etat pour éviter une faillite. Et Lauvergeon de perdre sa place.

Une des erreurs les plus coûteuses de l’histoire politique française.

Les plombiers du Canard enchaîné

En décembre 1973, le Canard enchaîné déménage. Un soir qu’il passe par hasard devant les fenêtres de ses futurs bureaux, un des collaborateurs du journal est étonné de voir de la lumière à l’intérieur. Il monte, sonne, et pose des questions : les personnes sur place assurent qu’ils interviennent au nom du bailleur en qualité de plombiers. Sauf que les travaux sont officiellement terminés depuis une semaine. Le collaborateur tique, appelle son patron et la police. A l’arrivée de cette dernière, les plombiers sont partis. Mais après inspection, on constate que les nouveaux bureaux sont truffés de micros.

Très rapidement, le Canard révèle l’affaire en la surnommant la Watergaffe. Les plombiers en question s’avèrent être des agents de la DST venus pour installer des micros afin de surveiller les journalistes du Canard et identifier leurs sources dans les hautes sphères étatiques. Le ministre de l’Intérieur, Raymond Marcellin, serait le commanditaire direct de l’affaire. Seul hic, la justice, sous pression, rendra une ordonnance de non lieu suite au dépôt de plainte du Canard.

L'affaire Yann Piat

Députée frontiste du Var, Yann Piat avait quitté son parti d’origine pour rejoindre l’UDF au début des années 1990. Elle était une figure de proue de la lutte anti-corruption sur la Côte d’Azur et dénonçait notamment la collusion entre les milieux mafieux et la classe politique locale. Ça agaçait : le 25 février 1994, deux motards ont ainsi criblé de balles la voiture dans laquelle se trouve la députée et Yann Piat est morte.

Les enquêteurs, d’abord tentés de privilégier la piste mafieuse, écrouent le patron d’un bar de Hyères ainsi que deux hommes de main et basta cosi. Mais la plupart des observateurs estiment qu’une deuxième équipe est intervenue et que le commanditaire de l’assassinat était plus sûrement issu des rangs politiques de la Côte d’Azur. Outre l’engagement de Yann Piat contre les pratiques mafieuses de la classe politique locale, ce sont les gesticulations de la victime autour du projet de construction d’un aéroport à Hyères qui auraient motivé son assassinat.

Yann Piat a ainsi rejoint la cohorte de personnalités politiques assassinées sous la V°.

On aurait pu faire un top 100.