On dit des trucs sans toujours savoir pourquoi on les dit. On les dit parce qu’on les a entendus, on les répète tels qu’on les a entendus, et parfois on se trompe. On ne pousse pas des cris d’orfèvre, pour sûr, et personne n’oblige personne à mourir une fois qu’il a vu Venise. C’est la dure loi de l’ouïe qui déconne, celle du téléphone arabe. On fait comme on peut.

Voir Venise et mourir

L’expression, à l’origine, n’avait rien à voir avec Venise, mais avec Naples. On disait, dans l’Italie du XVII°, « Vedere Napoli poi Morire« , « Voir Naples et mourir ». Sauf que l’histoire montre qu’elle n’avait rien non plus à voir avec la mort. En effet, les origines de l’expression remontraient à un viticulteur sicilien qui, désireux d’améliorer sa production, aurait demandé à son fils d’aller voir ce qu’on faisait sur le continent, notamment à Naples et à Mori, une petite ville de la province de Trente. « Vedi Napoli et Mori » serait donc la formule originelle de Voir Venise et mourir. Le glissement vers Venise a été popularisé par le film Mort à Venise.

Parler français comme une vache espagnole

Les origines de l’expression, apparue pour la première fois en 1840, ne sont pas sûres sûres. L’explication la plus classique viendrait d’un glissement du mot basque vers vache. Et c’est vrai qu’au XVII° siècle, les Basques espagnols ne parlaient pas ultra-bien français, il faut bien le reconnaître. Basque est devenu vache, et l’expression a continué à être usitée sans vouloir dire quoi que ce soit.

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Il n'a pas souffert, promis

Anguille sous roche

Rien à voir avec l’anguille. La mention du poisson zarbi émanerait en réalité d’une incompréhension de l’ancien verbe « guiller », issu du francique, et dont la signification renvoyait à l’idée de tromperie. L’expression apparaît dès 1532 chez Rabelais, mais est probablement plus ancienne. Toujours est-il qu’il faudrait dire « Il y a tromperie sous roche », et ne pas faire tout un fatras avec la poiscaille.

En boucher un coin

Allez savoir comment on a pris la bouche pour un coin. Mais l’expression, à son apparition au XIX° siècle, voulait bien dire « fermer la bouche d’étonnement ». Du coup, on devait probablement dire « en boucher un joint » ou autre joyeuseté de ce genre, mais les gens ont commencé à répéter « en boucher un coin » et ça n’a strictement aucun sens.

Prendre des vessies pour des lanternes

On devrait en réalité dire « prendre du vent pour des conneries ». C’est que le mot lanterne, autrefois, signifiait « des bêtises, des conneries », tandis que dans l’expression « vendre vessie », le mot renvoyait à l’air, au vent, en raison de ce qui gonfle la vessie. On vendait vessie comme on vendait du vent, et on prenait du vent pour des conneries. Bref, on se faisait avoir.

L'abbaye de Monte-à-regret

L’expression désigne la guillotine ou la potence, soit des endroits assez peu cool. Mais si le sens semble préservé (c’est vrai qu’on y monte plutôt à regret, sur la potence), sa signification première renvoyait à l’expression à regrès, synonyme alors d’à reculons. Or, le condamné était souvent invité à monter sur la potence face à la foule, en reculant, avant de se faire passer la corde au cou.

Pousser des cris d'orfraie

L’orfraie est un oiseau qui ne pousse absolument aucun cri. L’expression vient donc d’un glissement entre ladite orfraie et la chouette effraie, connue pour ses hurlements nocturnes. Quant aux orfèvres, ils ne poussent aucun cri pendant qu’ils fabriquent leurs bijoux.

Un délice de chat de boucher

Et c’est vrai qu’on aurait tendance à penser que le chat du boucher se garde les meilleurs morceaux. Sauf qu’en réalité, l’expression vient d’une incompréhension entre un convive ayant déclaré qu’il considérait le repas qui lui était servi comme « un délice de chaque bouchée » et son interlocuteur, qui nourrit par la suite le dicton populaire. Et voilà comment un chat se retrouve à mieux bouffer que tout le monde.

Le signifiant et le signifié. J’ai entendu ça, un jour, en cours de français. Je répète comme un imbécile.