C’est le nouveau phénomène inquiétant qui agite les soirées françaises depuis quelques mois : les agressions à la seringue. En Bretagne, à Valence, Paris, Toulouse, Montpellier, Périgueux, Grenoble… Et dans des dizaines d’autres villes françaises, les témoignages de victimes affluent. Que contiennent ces seringues ? Comment réagir ? Quels sont les vrais risques ? On essaie de vulgariser un peu le phénomène pour mieux le comprendre.

Plusieurs symptômes doivent vous alerter

Le scénario est presque toujours le même : les victimes racontent avoir remarqué des traces de piqûres, souvent entourées d’un hématome, sur leurs jambes, leurs bras ou leur cou, à l’issue d’un événement regroupant beaucoup de monde (festival, concert, ou encore soirée par exemple). S’ensuit parfois des étourdissements, voire des malaises, des nausées, bouffées de chaleur, ou même amnésie. La personne touchée peut présenter « un comportement inhabituel ou une sensation d’ébriété trop rapide au regard des consommations ».

Il est possible de vous faire piquer sans vous en apercevoir

Si les symptômes sont similaires d’une victime à l’autre, ils ne sont pas toujours présents. Certaines personnes ne ressentent aucun effet, ni même la piqûre en elle-même. Il est donc important, après n’importe quelle soirée festive, de bien vérifier chaque recoin de son corps, pour détecter une éventuelle piqûre et réagir en conséquence.

Plusieurs centaines de plaintes ont ont été recensées

En France, entre mars 2022 et le 16 juin de la même année, 808 plaintes ont été déposées et 1098 victimes recensées. Des chiffres communiqués par la Direction générale de la police nationale au Figaro. Selon le journal, le Morbihan est le département français le plus touché, notamment à cause des dizaines de cas recensés lors du festival « Insolent » fin avril. Le Var et l’Hérault sont aussi particulièrement concernés par le phénomène.

Les hommes sont autant concernés que les femmes

D’après la note de synthèse dressée par la Direction générale de la Police nationale le 7 juin 2022, les agresseurs ne font pas de distinctions entre hommes et femmes. Ils piquent, lâchement et par derrière, sans se soucier du sexe de la victime.

Ces piqûres cachent encore bien des mystères

Le 21 juin 2022, la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, déclarait au micro de France Inter que ces piqûres restent une énigme, « puisqu’il n’y a ni contamination, ni produits qui sont prélevés, ni agression à l’issue de ces piqûres. Mais elles existent vraiment. ». En effet, les piqûres sont bien réelles, mais aucune victime n’a fait état d’actes « d’agression sexuelle ou de vol consécutifs à la piqûre », assure la DGPN. Les motivations des agresseurs restent bien floues.

Contrairement à ce que l'on pense, aucune piqûre n'a encore été associée à du GHB

C’est l’Office anti-stupéfiant (Ofast) qui est chargé de centraliser “le nombre de faits et les éléments qualitatifs”. D’après la DGPN, “Lorsque les actes sont signalés, des prélèvements sont réalisés en priorité » avant même le dépôt de plainte. Pour le moment, les analyses réalisées n’ont révélé aucune trace de GHB. Il faut cependant considérer une variable importante : la recherche de toxique est compliquée par les délais. Le GHB disparaît de l’organisme rapidement (en quelques heures). De plus, certaines substances injectées sont naturellement déjà présentes dans le corps. C’est le cas de l’insuline ou l’adrénaline. De fait, elles peuvent passer inaperçues dans les analyses.

Les autorités n’excluent pas l’hypothèse selon laquelle ces piqûres sont réalisées simplement pour faire peur, sans qu’aucune substance ne soit injectée.

Comment réagir ?

Il faut agir en plusieurs étapes. D’abord, la plus importante de toutes : votre sécurité. Dès que vous percevez que quelque chose ne va pas : ne vous isolez surtout pas. Prévenez. Allez voir vos amis ou le personnel de l’établissement, et ne restez pas seul.

Ensuite, tout dépend de votre état. Si vous vous sentez mal, que vos symptômes sont lourds ou que vous ne vous n’êtes plus maître de vous-même, rendez-vous aux urgences sans attendre, ou composez le 15 ou le 18. Si vous le pouvez, n’allez pas aux toilettes avant votre prise en charge. Vos urines pourraient permettre de détecter certaines substances s’il y a eu injection.

Si vous n’avez aucun symptôme si ce n’est la trace de piqûre, contactez la police pour qu’elle vous prenne en charge, recueille votre plainte et lance l’enquête nécessaire.

Si vous pouvez, penser à retenir des preuves

Bien sûr, cela dépend une nouvelle fois de votre état. Mais si vous êtes en mesure de le faire, relevez tout ce qui pourrait faire avancer l’enquête et aiderait à confondre votre agresseur. Par exemple, prenez votre trace de piqûre en photo, et relevez l’heure. Cela pourrait aider à l’enquête.

Il n’est pas question que de GHB

Médicaments psychoactifs, drogues illicites ou maladies : par piqûre, toutes sortes de substances peuvent être injectées. Même si vos souvenirs sont limpides et que vous n’avez pas eu l’impression d’avoir été drogué, des examens sont nécessaires. Si l’agresseur pique plusieurs personnes avec la même seringue, il peut également contaminer les victimes entre elles, avec leurs sangs respectifs.

Attention aux légendes urbaines et intox

Le phénomène fait, à juste titre, très peur. En revanche, il faut aussi réussir à faire la part des choses au milieu de cette psychose. On n’entend souvent que le phénomène est lié à une tendance sur les réseaux sociaux, invitant les utilisateurs à piquer un maximum de personnes possibles. En réalité, aucun challenge de ce type n’a été identifié en ligne. En revanche, rien n’exclut la possibilité que cela se fasse sur Snapchat, où les messages sont éphémères et les preuves difficiles à trouver.

De même, la transmission du VIH fait depuis toujours l’objet de nombreuses légendes urbaines. On se souvient sans peine de celle, circulant dans les années 2010, et mettant en garde contre des seringues infectées au VIH sur les fauteuils des salles de cinéma. C’était faux. Si on vous raconte que la sœur d’un pote s’est fait piquer au VIH en soirée, n’y croyez pas sans preuves. Ces rumeurs participent à la psychose générale, mais sont rarement avérées.

Qu'en est-il du VIH ?

En revanche, si la psychose prend, c’est parce que le VIH, tout comme l’hépatite B et l’hépatite C, peut effectivement se transmettre par l’aiguille. En revanche, la durée de vie à l’air libre du virus ne dépasse pas quelques minutes, selon Sida Info Service. De cette manière, l’idée d’une injection de VIH préparée est peu vraisemblable. Toutefois, en cas de piqûre, un dépistage VIH sera quand même indispensable. Comme évoqué plus haut, si l’agresseur pique plusieurs personnes avec une même aiguille, ces derniers peuvent se transmettre des maladies. Si une personne séropositive est piquée, que son sang fini sur l’aiguille, et que cette dernière fini dans les muscles d’une autre : il y a risque de contamination. Pour que cela arrive, il faut qu’il y ait contact de sang à sang, et que l’aiguille utilisée soit creuse. On ne se laisse donc pas envahir par les angoisses véhiculées par les légendes urbaines, mais on ne minimise pas les risques et on va chercher l’aide médicale en cas de piqûre.

Et puisqu’un truc bien flippant n’est pas suffisant, ou vous rappelle aussi l’importance de surveiller vos boissons et celles de vos proches en soirée. Les témoignages de drogue au GHB dans les verres ne cessent également de croître.

Pour toute question, contactez le 0 800 23 13 13. » Drogues info service » est disponible de 8 heures à 2 heures, 7 j/7. Les appels sont anonymes et gratuits depuis un poste fixe.

Source : Le Monde, France bleu, Le Huffpost