Depuis quelques jours, les actualités en Chine font la Une de nos médias. Et pour cause : le soulèvement qui prend place dans ce pays, soumis à la censure et sous l’autorité d’un dictateur, a quelque chose d’inédit. Que se passe-t-il ? Pourquoi le peuple se soulève ? Quelles sont leurs revendications ? Quelle position adopte le gouvernement ? On va tenter de vous répondre !

Les manifestations sont liées aux restrictions sanitaires

Il faut dire que si pour nous, le temps des confinements et des couvre-feux n’est plus qu’un amer souvenir, en Chine, c’est toujours une réalité. Depuis près de 3 ans, le pays exerce une politique drastique du « zéro Covid ». Les habitants sont toujours soumis à des restrictions sanitaires sévères : un confinement strict au moindre cas positif, des tests PCR quotidiens, le port du masque constant,… 6 millions de personnes y sont actuellement confinés, par exemple.

Les révoltes ont commencé il y a déjà plusieurs semaines

Cela fait même plusieurs mois que des manifestations éclatent ici et là, dans différents secteurs et villes du pays, contre ces restrictions jugées trop sévères. Il s’agissait de révoltes localisées et rapidement enrayées.

... Mais c'est le 24 novembre 2022 que les tensions ont explosé

Le 24 novembre, Urumqi, capitale de la région ouïghour du Xinjiang, est secouée par un épisode dramatique : un incendie se déclare dans un immeuble. 10 personnes, dont plusieurs enfants, perdent la vie dans les flammes. Leur immeuble était confiné, et les secours ont mis près de deux heures à pouvoir y accéder. De leurs côtés, les victimes n’ont pas pu s’enfuir, la porte de leur escalier étant scellée. L’incendie met le feu aux poudres : les Chinois se soulèvent contre les restrictions sanitaires, les tenant pour responsable de la catastrophe. Le dimanche suivant des foules de manifestants bâtent le pavé dans plusieurs grandes villes, comme Pékin, Shangaï ou Wuhan. Répondant à un appel à la mobilisation lancé sur les réseaux sociaux (pourtant interdits ou censurés en Chine), ils ont pris de court les forces policières.

En Chine, manifester est illégal

Si en France, manifester est un droit, en Chine, c’est plus compliqué. L’article 35 de la Constitution chinoise de 1982 reconnaît pourtant la liberté de parole et énonce que les « citoyens de la république populaire de Chine apprécient la liberté de parole, d’assemblée, d’association, de défilé et de manifestation. » Cependant, en application, c’est un brin moins tolérant. Depuis le début des révoltes, de nombreuses arrestations ont été comptabilisées dans le Pays. Selon Hana Young, directrice régionale adjointe d’Amnistie international, « En Chine, il est quasiment impossible de manifester pacifiquement sans être harcelé et poursuivi. Les autorités font preuve d’une tolérance zéro face à l’opposition » . Face à la situation, L’ONU appelle la Chine à respecter le droit des manifestants pacifiques.

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Il n'a pas souffert, promis

... D'ailleurs, parmi les arrestations, on compte aussi des journalistes étrangers

Dimanche 27 novembre, un correspondant de la BBC a été arrêté à Shanghai, plaqué au sol et menotté par la police, alors qu’il couvrait l’événement. Il a ensuite été détenu pendant plusieurs heures avant d’être relâché. Selon la BBC, « Durant son arrestation, il a été battu et frappé par la police. ». Un journaliste pour RTS, chaîne de TV Suisse, a été menacé par des agents en plein direct.

(Source)

Les revendications se sont étendues

En plus de manifester leur ras-le-bol des restrictions sanitaires, les Chinois se soulèvent aussi contre le « gouvernement » en place. Les militants protestent contre la répression et la censure. Certains vont jusqu’à réclamer le départ du dictateur Xi Jinping, président de la « République populaire de Chine ». Une démonstration d’hostilité envers le régime et son président qui est plus que rare.

La page blanche, symbole de la lutte

Les protestataires brandissent des feuilles de papier blanches, symbolisant leurs revendications et la censure qu’ils subissent. Puisque leurs feuilles sont vierges, elles ne peuvent pas subir la censure. Enfin, ça, c’était sur le papier… Désormais, les images de pages blanches sont également censurées des réseaux sociaux chinois.

C'est un mouvement historique

La dernière fois que des émeutes avaient atteint cette ampleur, tant en termes d’étendue sur le territoire que de personnes mobilisées (plusieurs dizaines de milliers), c’était en 1989, avec les manifestations pro-démocratie de Tiananmen. Compte tenu des fortes censures et répressions que subit constamment le peuple chinois, toute forme d’opposition au gouvernement se fait rare. Si de petites révoltes éclatent de temps en temps, il est rarissime que ces dernières trouvent écho partout dans le pays.

Évidemment, la censure et la répression sont de mise

Manifestants appelés sur leur téléphone personnel et mis en garde, sommés de ne plus prendre part au mouvement ; arrestations à tour de bras ; palissades dressées pour bloquer l’accès à certaines rues et éviter les manifestations ; policiers qui obligent les passants à effacer toutes images des mouvements ; heurts violents entre protestataires et forces de l’ordre ; patrouilles et policiers placés à divers endroits des grandes villes pour enrayer les nouveaux mouvements ; toutes les informations, médias et témoignages sur le mouvement effacés et bloqués des réseaux sociaux ; censure médiatique… Le gouvernement sort l’attirail lourd pour intimider les foules, arrêter les meneurs, et réaffirmer le pouvoir dictatorial de Xi Jinping. Le principal organe de sécurité du pays a d’ailleurs appelé, ce mardi 29 novembre, à la « répression » des « forces hostiles ».

... Mais certains parviennent à contourner la censure

Comment des dizaines de milliers de personnes ont pu se réunir simultanément, aux quatre coins du pays, alors même que les réseaux sociaux chinois censurent tous les contenus protestataires, notamment depuis le drame du 3 juin 1989, où l’Armée populaire de Chine avait ouvert le feu sur des milliers d’étudiants ? Selon les témoignages, les manifestants ont répondu aux appels lancés sur les réseaux sociaux. Pour le maître de conférences en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Université Paris X-Nanterre, Zhao Alexandre Huang, pour TV5 Monde, « En tant que chercheur, on n’arrive pas à comprendre ce qu’il s’est passé, comment les gens se sont réunis, de manière occasionnelle et spontanée”. Il est probable que les militants aient eu recours à d’astucieux stratagèmes, comme des langages codés ou des images sans messages (les fameux carrés blancs) pour contourner ces interdits.

Quelles sont les retombées économiques d'un tel mouvement, à l'échelle mondiale ?

Selon le décryptage de Fanny Guinochet pour France Info, plusieurs pénuries sont à prévoir, notamment dans les secteurs de la tech (Apple pourrait perdre jusqu’à 10% de ses ventes au premier trimestre), et de l’automobile, les lignes européennes dépendant de beaucoup de composants électroniques fabriqués en Chine. De la même manière, l’inquiétude grandit du côté des fabricants de meubles ou de décoration, leur marchandise dépendant majoritairement du pays asiatique. En France, le mouvement social a déjà impacté l’économie. Le 28 novembre, toutes les bourses étaient déjà en repli, dont celle de Paris.

(Source : France Info)

Pour le moment, la Chine maintient sa politique « Zéro Covid », avec quelques infimes allégements ici et là. À Urumqi, par exemple, lieu de l’incendie déclencheur, la population peut de nouveau prendre le bus pour aller faire ses courses. Ouais, on est encore loin d’un retour à la « vie normale ». Les protestations se poursuivent dans le pays.