Alors ça y est, on y est, alors ça y est. On le savait que ça allait arriver, on le savait mais on n’osait y croire, il y avait cette prescience de la vie éternelle, celle-là que les autres n’avaient pas eue mais qu’on aurait, nous, puisque seulement conscient de nous-mêmes, nous devions probablement faire partie des élus. Alors ça y est, on y est, et pourtant on n’y est déjà plus, on n’est plus, tout simplement. Le reste, ce sera de l’anecdotique, on ne le verra, pas on n’en saura rien. Et tant mieux.

La température refroidit

Le premier truc qui lâche, c’est le cerveau. Tac : plus d’activité cérébrale. Ensuite, en l’absence de circulation, on se retrouve pas une température corporelle qui passe de 37,5 à la température ambiante, comme un vin qu’on laisserait traîner, à raison d’une baisse d’un degré par heure pendant 24 heures. Pour l’instant, ça ne fait pas trop peur, on se dit juste qu’on doit avoir très chaud maintenant qu’on est très froid.

Les cellules s'acidifient et meurent

La deuxième étape est un peu moins marrante. Sans apport en dioxygène, les cellules ne tiennent pas le coup. Leur PH diminue, et voilà qu’elles deviennent acides-acides et subissent des réactions chimiques internes qui libères des produits toxiques. Peu à peu, nos cellules, fidèles cellules, qui ont toujours été là pour nous, meurent.

Peu à peu, on s'auto-digère

Alors on libère de l’enzyme à gogo ; les enzymes digèrent les cellules pour s’en émanciper au fur et à mesure de la décomposition générale desdites cellules. Le phénomène commence d’abord dans le foie et dans le cerveau, mais gagne bientôt tous les organes. Pshhiiiiiiiit.

La peau se décolore

Du coup, les cellules sanguines n’échappent pas à la règle. Elles ne marchent plus très bien ; on peut le dire, elles ne marchent plus du tout. Elle se répandent et, peu à peu, la peau se décolore pour prendre cette jolie petite couleur « je n’ai jamais vu le soleil » qui a fait les belles heures de l’aristocratie au XVI° et des croque-morts de tout poil.

Le corps se raidit

Donc, niveau cellule, ça ne fonctionne plus très bien, niveau fraîcheur on est optimalement en Sibérie interne et niveau enzyme, on est une multinationale qui produirait en Chine. Et niveau souplesse, ça va être coton pour la partie de badminton qu’on avait prévue, dans la mesure où la rigor mortis s’installe. Raideur infinie qui se répand depuis les paupières jusqu’au cou avant de gagner les bras et les jambes. En fait, les muscles se raidissent en l’absence de la production des deux protéines qui leur fournissent de l’énergie quand on est vivant. Les articulations se bloquent. On est aussi souple qu’une porte blindée.

Les bactéries prolifèrent

Et c’est là que ça devient vraiment vraiment sympa. On sait que notre intestin est blindé de bactéries, hein ? On pense même que leur activité a un lien direct sur nos états mentaux ; bah quand on est mort, cette activité n’est absolument plus contrôlée par le système immunitaire : du coup, les bactéries gagnent tout le corps, depuis l’intestin vers tous les organes en décomposition. Les bactéries ingèrent l’intestin puis les vaisseaux sanguins et tutti quanti : le foie, la rate, le coeur, le cerveau… Au bout de 58 heures, les bactéries sont partout.

Et l'on se putréfie

Ces bactéries qui ne nécessitent pas d’oxygène pour e développer bouffent tous nos tissus et dégagent du méthane ou de l’ammoniac qui s’accumulent dans notre corps et le font gonfler de manière zarbi en plus de le décolorer, comme quand l’extraterrestre de Men in Black se met dans le corps du type qu’il a tué. La peau devient noire, bleuâtre, morte.

Et l'on se fait bouffer par des mouches

Et notre cadavre fouette sa mère. Or, qui adore les odeurs de merde ? Les mouches. Tous les gaz dont on a parlé attirent les mouches comme des mouches. Elles viennent, elles s’installent en nous, nous bouffent un peu et déposent leurs oeufs partout. Quelques heures plus tard, que deviennent les oeufs ? Des larves ! On parle quand même de 250 oeufs par mouche pour une éclosion 24 heures plus tard. Les larves mangent notre chair, croissent, se multiplient. Ensuite, les larves deviennent à nouveau des mouches et on recommence. Puis il y a tout un écosystème qui se met en place : les mouches attirent les coléoptères qui ont envie de les bouffer, mais aussi des guêpes, des araignées, tout ça tout ça, l’intégralité de cette assemblée se nourrissant de nos tissus. Puis quand les pique-assiettes ont terminé leur taf, ils se taillent chercher une autre bonne poire un peu morte. Et nous, il nous reste des os et c’est tout.

On devient de l'engrais

Ensuite, toute l’eau que l’on a libérée, ainsi que les gaz (azote, phosphore, potassium, magnésium) commencent par endommager la végétation dans l’entourage immédiat du corps. Mais à terme, tout l’écosystème mobilisé et tout ces petits gaz finissent par enrichir la terre et par encourager la poussée de la végétation. Un engrais pas trop cher, en somme.

On s'emmerde

Et pendant ce temps-là, nous, on s’emmerde. L’éternité, c’est long ; surtout vers la fin.

On se sent en paix, maintenant, pas vrai ?

Source : Sciencepost