ALEEEEEEERTE ! on vient de franchir la barre fatidique des 8 milliards d’humains sur terre ! PANIQUE À BOOOOORD ! ON EST TROP NOMBREUUUUUX ! ON VA TOUS MOURIIIIIIIIIR !

OK alors de une, oui on va tous mourir c’est un fait indéniable. De deux, calmez-vous bordel vous me foutez la chienne quand vous êtes comme ça.

Huit milliards d’humains c’est beaucoup, aucun doute là dessus. Mais on a vite fait de tout mettre sur le dos de cette croissance démographique quand on parle de dérèglement climatique. En réalité c’est un peu plus complexe. Avant toute chose, faisons un petit rappel : on était un milliard en 1800 et entre 1950 et 2019 la population mondiale a tout simplement triplé. Mais si la croissance démographique est un sujet central, il ne se pose pas forcément dans les bons termes. Voilà pourquoi dans ce top on dit les termes.

Petit point sur Malthus, Paul Erlich et les papas de la théorie anti-nataliste

Thomas Malthus c’est un chic type qui a écrit au XVIIIe siècle un texte assez fondamental, Essai sur le principe de population. Dans cet ouvrage il fait un constat très simple : « le pouvoir multiplicateur de la population est infiniment plus grand que le pouvoir qu’a la terre de produire la subsistance de l’homme ». Un raisonnement assez avant-gardiste qui trouvera quelques échos plus contemporains dans le rapport Meadows en 1972 sur les limites de la croissance.

L’erreur de Malthus toutefois, c’est d’être totalement passé à côté de l’agriculture moderne (qui en était encore à ses balbutiements) qui allait permettre de nourrir le plus grand nombre. Toujours est-il que la pensée malthusienne a fait du chemin (souvent à tort et à travers) jusqu’à la publication du livre du biologiste Paul Ehrlich en 68 La bombe P dans lequel il défend une politique anti-nataliste. Selon lui, si la planète poursuite cette même croissance démographique on atteindrait les 60 millions de milliards d’ici 9 siècles (perso je sais déjà pas ce que je vais faire samedi prochain donc dans 9 siècles…).

La population ne va pas s'accroître éternellement

OK depuis deux siècles notre population ne cesse de croître (1 milliard en 1800, 2,5 millards en 1950) mais n’en déplaise à Ehrlich (cf. le point du dessus) ça ne risque pas de rester éternellement ainsi.

Parmi les démographes on table plutôt sur trois scénarios :

Le plus extrême suppose qu’on atteindra un pic de 15 milliards d’humains en 2100, cela dans le cas où l’accès aux soins continue de gagner du terrain et en maintenant le taux de reproduction actuel. L’ONU table plutôt sur un pic en 2050 suivi d’une décroissance, tandis que d’autres encore attendent une forte baisse de fécondité qui réduirait la population à 4 milliards d’ici 2100.

Dans tous les cas, il y a un moment où la démographie se stabilise puis décroît. En d’autres termes, la population finit toujours par se réguler par elle-même et oui ça ne se fait pas dans de très bonnes conditions (pandémies, famines, guerres, rien de tel pour remettre la croissance démographique dans les clous, YAY).

Contrôler les naissances n'a jamais donné rien de bon

L’exemple le plus emblématique est bien sûr celui de la Chine et de la politique de l’enfant unique qui a été menée de 1979 à 2015 dans le pays. Non seulement cet autoritarisme démographique a engendré de nombreux dégâts : des stérilisations forcées, des abandons ou encore des avortements sélectifs afin d’éviter d’avoir une fille. Sur ce dernier point, ça a même eu de graves conséquences car il y a désormais moins de filles que de garçons en Chine. A l’heure actuelle on compte 1,7 enfants par femme en Chine et un vieillissement massif de la population.

Les pays les plus touchés par la surpopulation sont aussi ceux qui ont la plus faible empreinte carbone

On va faire un calcul très simple : pour contenir les effets du dérèglement climatique on estime que chaque être humain sur la planète peut avoir une empreinte de 2 tonnes d’équivalent carbone (en France on en est à 10 tonnes, au Niger à 100 kilos). Toutefois, contrairement à une idée reçue il n’y a pas de lien entre le niveau d’émission d’un pays et sa démographie (par exemple la Chine et l’Inde qui ont plus ou moins la même population, l’Inde émet pourtant 4 fois moins que la Chine).

Une démographie change sur une très longue échelle de temps, or en ce qui concerne le dérèglement climatique il faut plutôt se magner le derche

L’inertie de la démographie rend son questionnement quelque peu caduc. Les enjeux du dérèglement climatique sont tels qu’il nous reste à peine quelques années pour rectifier le tir et espérer avoir une planète encore habitable d’ici la fin du siècle. Donc même si on limitait le nombre de naissances mondialement maintenant (un acte légèrement totalitaire vous en conviendrez) les changements démographiques à l’échelle globale ne se feraient sentir que dans plusieurs décennies et dans de faibles proportions.

En revanche une chose est sûre c’est qu’au train où nous allons une partie de la zone planétaire part d’ores et déjà condamnée par des canicules longue durée, un littoral grignoté par la montée des eaux et des catastrophes climatiques à répétition. La croissance de la population c’est donc la perspective d’une croissance des victimes du dérèglement climatique et de réfugiés climatiques (au vu du traitement inhumain qu’on réserve déjà aux réfugiés à l’heure actuelle, on peut douter de la qualité de l’accueil qu’on leur réservera dans quelques décennies).

Les recommandations de gestion démographiques ne peuvent pas être les mêmes pour tous les pays

Voilà pourquoi la question est aussi complexe et qu’on ne peut pas la torcher aussi grossièrement. Il faut notamment prendre en compte un élément clé : la croissance démographique est liée à la pauvreté.

Plus un pays se développe (avec l’éducation des filles et leur accès aux études notamment), plus rapidement il fera sa transition démographique (comprenez : plus on fait des études moins on fait de gosses). On remarque ainsi que la plupart des pays industrialisés ont un faible taux de natalité (en dessous du seuil de renouvellement des populations) et seront donc exposés à un déclin démographique.

La croissance démographique ne doit pas tant être vue comme une explosion de la natalité mais plutôt comme une baisse de la mortalité

Et ça c’est une bonne nouvelle. En gros si on est plus nombreux c’est pas tant qu’on fait plus d’enfants qu’avant c’est surtout qu’ils meurent moins, que les mères meurent moins, qu’on a des médicaments (le Doliprane franchement c’est cool pour la gueule de bois) et des super EHPAD (faux) pour vivre vieux.

Une récente étude montrait qu’un enfant qui nait aujourd’hui en France devrait pouvoir vivre 90 à 93 ans. On peut par ailleurs estimer que plus on est nombreux plus on a de cerveaux pour trouver des solutions justement concernant le fait qu’on est plus nombreux. Ce sont des hypothèses qui tendent parfois vers le solutionnisme technologique et la géo-ingénierie mais cet argument mérite d’être posé.

Bref paradoxalement la croissance démographique est l’illustration des progrès de la science, du recul de la pauvreté et de l’enrichissement global des habitants de la planète. Et c’est là que le bât blesse…

Ce n'est pas tant la démographie qui pose problème que nos modes de vie

SALUT JE M’APPELLE JEAN-FONCE DES PORTOUVERTES.

Oui bon vous l’aurez compris c’est un peu tout le sujet de ce top. On n’est pas là pour dire que 8 milliards c’est pas beaucoup on est tranquille frérot. Mais si on remet un peu en question l’angoisse de la surpopulation c’est aussi parce que le problème ne semble pas se poser de manière aussi simpliste. Le problème étant plutôt de l’ordre de nos modes de vie actuels beaucoup trop émetteurs de gaz à effets de serre (rien à voir avec les problèmes digestifs des cervidés).

L'angoisse de la surpopulation peut rapidement nous mener sur la voie du nationalisme le plus abject

Attention je ne dis pas que parler de surpopulation fait de nous un gros facho. Je dis juste que les gros fachos aiment beaucoup parler de surpopulation surtout quand elle n’est pas chez eux. Eh oui les amis, si vous voulez faire un bon nationaliste, il faut privilégier les naissances bien de chez vous plutôt de d’accueillir les immigrés, un peu de bon sens !

Voilà pourquoi Zemmour a critiqué l’avortement en France car celui lui, cet acte dramatique nous a fait passer à côté d’un « mini-baby-boom » fortement bénéfique pour notre beau pays. En revanche pour ce qui est de l’accueil des immigrés c’est NO WAAAAAY comme en témoigne cette délicieuse citation « La crise démographique nous mène soit à une république islamique, soit à une guerre civile ». Et que dire de Victor Orban qui mène également une politique nataliste en Hongrie dans l’objectif de lutter contre l’immigration ?

Bref, les théories d’extrême droite de par le monde n’hésitent pas à se vouloir natalistes pour leur pays et très dénatalistes pour les autres des fois qu’ils auraient l’idée de venir chez nous polluer autant que nous. Faut pas pousser dis donc.

A l'heure actuelle, on pourrait nourrir 12 milliards d'humains sur la planète

AH. Interessant. Mais du coup comment se fait-il que 10 % de la population mondiale ne mange pas à sa faim ? Je vous le donne en mille c’est à cause d’une (très) mauvaise répartition des richesses. Toujours cette sombre histoire d’inégalité qui revient sur le tapis hein.

En tout cas, si les ressources de la planète sont bel et bien limitées, elles pourraient être mieux réparties à l’heure actuelle. Bref ce serait sympa que les 10% des plus riches de la planète qui consomment 20 fois plus d’énergie que les 10 % des plus pauvres nous laissent un peu de quoi becter. Enfin sinon VOUS AVEZ QU’À LE DIRE SI ON DÉRANGE EN FAIT ?

Bon après si ce top vous a convaincu de ne pas faire d’enfants, quelque part je considère que c’est un peu votre cadeau de Noël pour moi.

Sources : C Politique « Sommes-nous trop nombreux sur terre ? », Le Monde « Réduire la population contribuerait à l’atténuation du réchauffement climatique » , Slate « Vous n’avez rien compris à la pensée de Malthus »