Je sais pas si vous avez suivi l’affaire de cette blogueuse récemment mais pour ceux qui débarquent je vous explique : la jeune femme a accueilli chez elles 2 techniciens Orange et l’un deux lui a après envoyé un SMS pour lui dire qu’il la trouvait charmante. Déstabilisée, elle a fait part sur les réseaux de sa réaction (elle a prévenu la direction de l’employé) afin aussi de sensibiliser les gens sur une intrusion qui pourrait sembler anodine à première vue mais qui ne l’est pas. Sauf que bien sûr les passions se sont déchaînées des deux côtés et on a vu une jolie baston de misogynes patentés contre des social justice warriors fanatiques, et s’il y a bien un truc qu’on n’aime pas ici, ce sont les misogynes patentés et social justice warriors fanatiques. Parce qu’il vaut mieux essayer d’expliquer que d’insulter on va essayer de vous dire ce qui passe ou pas en drague, et pourquoi c’est le cas.

Pourquoi ne pas envoyer un message à une cliente quand on est un Uber ou un technicien Orange (ou un plombier)

Le mec qui lui a envoyé un SMS ne pensait sûrement pas à mal en dragouillant une cliente qu’il avait vue plus tôt dans la matinée mais il n’aurait pas dû. Certes on ne peut pas parler de harcèlement, le SMS était courtois, et c’est justement ce terme de « harcèlement » qui a fait tiquer pas mal de monde, mais oublions le vocabulaire : cet homme a utilisé des données professionnelles à but personnel, ce qui est formellement interdit.

Mettez-vous à la place de la jeune femme : un inconnu total qui connait votre n° de téléphone et votre adresse, qui connait même votre appartement, il y a plus rassurant comme situation. Non ce n’est pas une raison pour traiter l’agent de « harceleur », mais il est important aussi de rappeler que ce qu’il a fait est une rupture de la clause de confiance entre lui et sa cliente et qu’un rappel à l’ordre s’impose. Sûrement pas un licenciement, mais de l’éducation et de la sensibilisation. C’est exactement le même cas de figure pour un chauffeur Uber.

Pourquoi on ne dit pas "t'es bonne" à une meuf qu'on croise dans la rue

Ça peut paraître évident mais le harcèlement de rue (parce que là on part clairement sur du harcèlement) n’est pas du tout une technique de drague. Faire des réflexions sur le physique, siffler et même demander une « gâterie » et insulter une meuf qui ne vous répond pas, ce n’est pas de la drague. Oui c’est un peu drôle à dire, et ce le serait si le harcèlement de rue n’était pas si répandu.

Le problème c’est que si tout le monde est plus moins d’accord pour dire que ça ne se fait pas, le débat se cristallise ensuite sur la question plus épineuse de la « drague de rue ». Peut-on aborder quelqu’un dans la rue, avec les meilleures intentions du monde ? Pour beaucoup aujourd’hui, la drague de rue est « big no no » : on ne parle pas à une inconnue dans la rue, parce que les femmes en ont assez d’être importunées, sifflées, commentées et on le comprend. Mais là certains romantiques se disent « plus de belles histoires, plus de rencontres spontanées ? » Alors soyons clairs, aborder un ou une inconnu.e dans la rue n’est pas forcément du harcèlement, mais la frontière entre les 2 est ténue. Tout dépend du contexte, de la manière, des signaux envoyés également par la personne que vous voulez aborder. Comme cela est très bien dit dans cet article de Madmoizelle, le contexte est crucial dans une « rencontre de rue » :

« En résumé, draguer dans la rue n’est possible qu’à une seule condition : si la personne avec laquelle vous venez d’initier un contact parfaitement civil et respectueux change d’elle-même les termes de l’échange, et vous drague AUSSI. Si elle ne prend pas part à la danse, il convient de ne (vraiment) pas insister. »

Et puis pour rappel, on vous remet cette vidéo effarante mais malheureusement révélatrice du quotidien des femmes, histoire de bien faire la différence entre harcèlement et « rencontre spontanée et romantique en milieu urbain ».

Pourquoi les blagues salaces au bureau ne sont sûrement pas de la drague

Souvenez-vous par exemple de l’affaire Baupin, cet élu écologiste accusé de blagues salaces, de gestes déplacés, de femmes plaquées au mur et embrassées de force, eh bien sa défense était la suivante : « c’était de la drague, lourdingue certes mais de la drague ». Sauf que dans ce cas de figure ce n’est aucunement de la drague, puisqu’un seul des partis est consentant, et on part donc plus sur une base bien ferme de harcèlement et d’agression sexuelle (ce qu’est un baiser forcé).

Du coup la frontière est ici très claire : si vous tenez des propos salaces à une personne qui clairement n’apprécie pas et vous fait le savoir c’est du harcèlement. Si vous continuez à l’aborder alors qu’elle refuse le dialogue, c’est du harcèlement. Si vous vous imposez, si vous la suivez, c’est du harcèlement. (Et j’ai le regret de vous annoncer que si votre but est de passer pour un petit coquinou un peu libertin, ça ne fonctionne pas, vous passez au mieux pour un énorme lourdaud, au pire pour un agresseur.)

Finalement, l’enjeu crucial ici est le consentement : en acceptant de donner ses coordonnées privées et de laisser rentrer des inconnus chez elle, elle ne donnait en aucun cas son accord pour que ces informations soient utilisées dans un autre contexte que celui très clair de l’installation de la fibre (ou de la réparation de sa box, on s’en fout), et c’est le principal. Cela ne fait pas du technicien un « harceleur » et c’est aussi important de le relever, juste un mec qui n’a pas bien saisi la mesure de ce qu’il faisait. Par ailleurs, si l’on omet le nombre innombrable d’immenses tocards siffleurs et harceleurs de rue, si on vous parle à vous, jeune homme plein de bonne foi, sachez faire la part des choses, sentir quand une situation peut être ressentie comme une agression par la fille en face de vous, et quand il est préférable de s’abstenir. Je sais pas si c’est beaucoup plus clair, mais en tout cas ça nous semblait important d’en parler un peu.