Avant d’accueillir les bobos de tous horizons, certains arrondissements de Paris comme le XIè, le IIIè ou encore Vè, portaient en leur sein des zonzons, depuis disparues. Si aujourd’hui la seule prison dans Paris reste celle de la Santé, à la grande époque, on a pu compter jusqu’à une douzaine de pénitenciers intra-muros. Visite guidée de ces prisons oubliées qui, pour certaines, ont connu plus de beau monde que la terrasse du Café de Flore à l’heure de pointe.

La Bastille (aujourd'hui place de la Bastille, étonnant non ?)

On commence direct par la plus connue. A l’origine forteresse pas franchement réputée pour son efficacité, la Bastille, construite à partir de 1370, devient finalement une prison dès le XVème siècle, d’abord occasionnellement, puis, le siècle suivant, définitivement. Et mieux valait être un prisonnier bien-né plutôt que le péquenaud du coin. Les bourgeois et les nobles bénéficiaient en effet du même repas que le gouverneur, mais aussi d’un petit meublé en guise de cellule et pouvaient même amener un domestique avec eux si ce dernier était d’accord (genre il avait le choix). Parmi les people de l’époque qui y ont passé un peu de temps à l’ombre, on peut citer Montaigne, Voltaire, Beaumarchais, le marquis de Sade et surtout le mystérieux homme au masque de fer dont la légende s’est emparée depuis longtemps.

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Prison de l'Abbaye (aujourd'hui boulevard Saint-Germain)

Cette prison est restée dans l’histoire pour un épisode particulièrement violent des Massacres de Septembre 1792, soit une suite d’exécutions sommaires des prisonniers par les révolutionnaires un petit peu trop énervés à cause de l’invasion prussienne. Stanislas Maillard, au doux surnom de Tape-Dur, fut chargé par la commune d’y mettre un terme. Mais Stan était farceur, du coup, au lieu de calmer le jeu, il aurait plutôt encouragé une cinquantaine de barjots à trucider plus de 300 personnes. Ambiance.

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Prison de la Force (aujourd'hui rue Mahler)

La prison de la Force fut d’abord un hôtel particulier du même nom, dont le dernier propriétaire fut Jacques Nompar de Caumont, duc de la Force, ce qui est clairement le titre de noblesse le plus classe du monde. Durant sa courte activité (1780-1845), la bâtisse se spécialisait dans la détention de gens du spectacle s’étant fait des ennemis « puissants » (coucou la censure), de déserteurs et de jeunes gens emprisonnés sur demande de leur famille. Certains de ces pauvres bougres auront pu y croiser Choderlos de Laclos, auteur des Liaisons Dangereuses, qui y fit un court séjour.

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le Grand Châtelet (aujourd'hui place du... du...? Châtelet bravo bien joué)

C’est un peu la taulière de ce top. Ses origines remontent au IXème siècle, alors que le lieu était encore une forteresse. Sa spécialité ? Des cellules particulièrement atroces, nommées les Chaînes, les Boucheries, Barbarie… et plus spécialement la Fosse, en forme de cône renversé, où les détenus, qui n’y tenaient ni debout ni couchés et avaient constamment les pieds dans l’eau, y étaient descendus par un système de poulie ; et Fin d’Aise, qui était remplie d’ordures et de reptiles. Espérance de vie dans ces deux cellules : de 15 jours à un mois, sachant que le détenu payait (oui, en argent) chaque nuit passée dans la prison. Aujourd’hui, à la place de l’ancienne prison s’élève le théâtre du Châtelet, lieu funeste où a lieu tous les ans une forme moderne de torture : la cérémonie des Césars.

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Les Madelonnettes (aujourd'hui rue de Turbigo)

Ou Ordre des filles de Marie-Madeleine, dont le but à la base était d’aider les prostitués ou, je cite, « les victimes de la séduction qui avaient fait un retour sur elles-mêmes » (mais bien sûr…). Finalement, les frangines se disent qu’un couvent c’est bien, mais qu’une prison c’est mieux. Jusqu’à la destruction de l’établissement vers 1865, le lieu a donc accueilli alternativement des femmes et des hommes, dont le marquis de Sade (encore lui). Les Madelonnnettes auront suffisamment marqué leur époque pour que plusieurs écrivains les intègrent à leur oeuvre : Balzac, Dumas et même Victor Hugo dans Les Misérables.

Crédits photo (creative commons) : Charles Marville

Prison Mazas (aujourd'hui boulevard Diderot)

Une prison conçue d’après le modèle américain, c’est-à-dire avec des cellules individuelles, nouveauté très en vogue au milieu du XIXè siècle. Située juste en face de la Gare de Lyon, c’est cette localisation qui causera justement sa perte : en vue de l’exposition universelle de Paris en 1900, elle est détruite en 1898, pour éviter que les visiteurs arrivant par cette gare n’aient, comme première impression de la capitale, la vision d’une prison. En quarante-huit années de service, de 1850 à 1898, le lieu aura quand même vu passer Georges Clémenceau, Arthur Rimbaud ou encore Victor Hugo.

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Prisons de la Roquette (aujourd'hui rue de la... wait for it... Roquette !)

Cet ensemble pénitentiaire se composait de la Petite Roquette, d’abord prison pour mineurs (les « vauriens ») puis pour femmes, et la Grande Roquette où logaient les assassins. Mais c’était aussi un « Dépôt de condamnés », où transitaient les futurs bagnards avant leur départ vers la Guyane ou la Nouvelle-Calédonie, et, surtout, où croupissaient les condamnés à mort. Pour rendre le quartier encore plus sympa, les autorités déplacent en 1851 la guillotine juste devant la porte de la Grande Roquette. La raison ? Rendre plus humain la dernière matinée des condamnés en les faisant marcher seulement vingt pas jusqu’à l’échafaud au lieu des 5 km qui séparaient jusque-là la prison du lieu d’exécution. Beaucoup plus humain en effet.

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Prison Saint-Lazare (aujourd'hui rue du Faubourg Saint-Denis)

Cette léproserie devenue prison était spécialisée dans l’accueil des épouses et des jeunes débauchés enfermés sur demande de leur famille, des aliénés, et autres prêtres indisciplinés. C’est aussi dans cette prison, qui comportait un hôpital, que les prostituées subissaient régulièrement la visite médicale obligatoire (ce qui ne devait pas beaucoup aider les prêtres indisciplinés). Côté VIP, l’endroit a accueilli la communarde Louise Michel et l’espionne Mata-Hari, sans oublier le mec qui aurait pu écrire le Petit Futé des prisons parisiennes, le marquis de Sade. Après sa fermeture, la prison devient un hôpital jusqu’en 1998, puis après réhabilitation, la médiathèque Françoise Sagan inaugurée en 2015.

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Prison Sainte-Pélagie (aujourd'hui rue de la Clef)

Tantôt prison pour hommes, tantôt pour femmes, Sainte-Pélagie était d’abord réservée aux affaires de moeurs et aux dettes. Elle recevait aussi fréquemment des chansonniers parisiens, à tel point que les mecs avaient créé dans leur cellule la goguette des Biberons, c’est-à-dire un petit groupe sympa où on déconne et on chante. Cette prison a même inspiré un poème à Gérard de Nerval qui y fut « pensionnaire », tout comme Vidocq. Autre prisonnier célèbre : notre grand champion du jour, le marquis de Sade, pour qui Sainte-Pélagie fut la dernière étape avant l’asile où il finit ses jours.

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Tour du Temple (aujourd'hui mairie du IIIè arrondissement)

Construite par les Templiers en 1240, la Tour du Temple doit sa célébrité au fait qu’elle fut la dernière demeure de Louis XVI et de la famille royale avant qu’ils ne soient tous zigouillés les uns après les autres à grands coups de guillotine. La Tour étant devenue un but de pèlerinage pour les monarchistes, Napoléon Bonaparte, qui n’était pas dans le même délire, fait démolir l’édifice dès 1808.

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