La vie n'épargne pas le fan de sport : moqué par ses congénères pour son addiction, il se verra régulièrement affublé de qualificatifs peu flatteurs comme "gros beauf", "sale bourrin" ou "deux neurones". Et pourtant, ses détracteurs soupçonnent-ils que sous cette carapace de bonhomie populaire se cache un esprit très supérieur à la moyenne, capable d'exceller dans la plupart des disciplines académiques ? Amateurs du monde entier, unissons nos forces et exigeons enfin une régularisation de notre condition : la lecture quotidienne de L’Équipe devrait octroyer à tout individu une équivalence Bac+5 dans de nombreux domaines prestigieux. Pourquoi ? Parce qu'un fan de sport, ça sait ça :

  1. Reconnaître n'importe quel hymne national après deux mesures
    Avouons le : si l'Homme n'avait pas eu la bonne idée d'inventer les compétitions sportives, les hymnes nationaux auraient disparu depuis belle lurette. Parce qu'un hymne, ça se joue une fois le jour de la fête nationale et le reste du temps avant un match de l'équipe nationale. Il y a donc peu de chance que le sportophobe ait été exposé dans sa vie à une autre musique que celle de sa mère patrie. Demandez à votre femme de vous siffloter Fratelli d'Italia pour voir : voilà, vous avez compris.
  2. Maîtriser l'art des sciences statistiques
    Parce qu'un fan de sport, c'est aussi un type capable de foutre son réveil à 4h du matin pour suivre le tirage au sort des éliminatoires des Championnats du Monde de Volley et de calculer en temps réel au fil dudit tirage, et ce malgré la fatigue, la probabilité pour l’Équipe de France d'éviter l'ogre brésilien jusqu'en finale afin d'assurer sa qualification pour la prochaine édition. Il en faut des neurones pour réaliser cette prouesse intellectuelle.
  3. Appeler les habitants de n'importe quelle ville par leur vrai nom
    Vous décidez de partir en week-end avec Jean d'Ormesson. Au programme, un road trip bien costaud qui vous mènera de Béziers à Manchester en passant par Châteauroux et Reims. A votre avis, qui de vous deux saura s'attirer les faveurs des autochtones en leur servant du bitterois, du castelroussin, du rémois ou du mancunien au détour de vos conversations ? Il fait moins le malin, le Jeannot.
  4. Relater de tête l'Histoire des civilisations du bassin méditerranéen
    Qui se souviendrait de la grande civilisation phocéenne si l'Olympique de Marseille n'offrait pas l'occasion à chaque journaliste sportif d'opérer un name dropping subtil dans chacun de ses articles ? Le quidam moyen connait-il le passé francophile de la Turquie alors qu'il n'a sûrement pas eu droit à l'inévitable reportage sur le prestigieux lycée français de Galatasaray que l'amateur de sport se cogne en préambule de chaque match d'une équipe française contre le club éponyme ? Bouffer du sport, c'est aussi bouffer de la culture.
  5. Établir un diagnostic médical pertinent sur simple observation des images d'un accident
    En ces temps difficiles où les hôpitaux agonisent par manque de médecins, le Monde gagnerait à faire confiance au sportif du dimanche qui, depuis son canapé, est capable d'identifier une rupture des ligaments croisés, une double fracture tibia-péroné ou un déchirement des ischio-jambiers et d'en déduire l'indisponibilité de la malheureuse victime.
  6. Citer au moins trois villes de n'importe quel pays
    Notez le petit sourire confiant de votre camarade intellectuel qui vous assure connaître toutes les capitales du monde. Comme vous êtes de bonne composition, laissez le jubiler et s'auto-convaincre qu'il fait partie des esprits les plus brillants de notre beau pays. Même si vous savez très bien que sa fierté de savoir placer Kiev en Ukraine en prendrait un sacré coup s'il apprenait qu'en plus de la capitale, vous pouvez aussi citer Kharkov, Donetsk, Dnepropetrovsk, etc...
  7. Prononcer des langues imprononçables
    Tendez une liste de noms triés sur le volet à votre voisin qui moque votre addiction à la chose sportive et laissez le se démerder pour prononcer des blazes comme Ole Gunnar Solskjær, Dado Prso ou Žydrūnas Ilgauskas. Bonne poilade en perspective.
  8. Gérer une entreprise dans un respect total des règles du contrôle de gestion
    Tout fan d'une équipe de foot (certains plus que d'autres) aura un jour ou l'autre le malheur de voir son club de cœur rattrapé par les affres de la crise financière. Son amour du sport devra alors être mis de côté et notre cobaye se plongera avec passion dans un suivi quotidien des audiences de la Direction Nationale du Contrôle de Gestion, en charge d'éplucher les comptes des clubs en difficulté financières. Et ça, à la longue, ça vaut tous les MBA du Monde...
  9. Analyser les relevés météorologiques avec plus d'aisance que Joël Collado
    Quel sport junkie n'a jamais dévoré les bulletins micro-météorologiques émis lors de la quinzaine de Roland Garros, évaluant par lui-même la prochaine fenêtre de tir envisageable pour une reprise des matches au sec ? Le même individu se muera, l'hiver venu, en nivologue émérite capable d'analyser la constitution des couches neigeuses afin de pronostiquer le meilleur fart à choisir pour remporter la descente de Kitzbühel. Et pour peu que notre ami suive le Vendée Globe, vous pourriez lui filer les clés de Météo France les yeux fermés.
  10. Faire des rimes dignes de Racine
    La presse sportive est passée maîtresse dans l'art de jouer avec la langue française afin de servir à ses lecteurs des titres que ni Corneille ni Desproges ne renieraient. Le fan éclairé, nourri au jeu de mot pendant l'essentiel de sa vie, pourra de facto soutenir une conversation en alexandrin sur le sujet de votre choix. Classe.

Alors, il fait tout de suite moins rigoler, le gros beauf, hein ?