J’AIME LA BOUFFE J’AIME LA BOUFFE J’AIME LA BOUFFE J’AIME LA BOUFFE J’AIME LA BOUFFE MAIS PARFOIS c’est cher et on est triste et on se prend à rêver d’une vie au Moyen-âge où on aurait bouffé tout ce qu’on voulait de foie gras et de caviar sans qu’aucun banquier ne nous fasse chier.

Les canelés

Bordeaux, port négrier par excellence par lequel transitaient toutes sortes de denrées d’importation, recevait beaucoup de farine, à ne plus savoir quoi en foutre. En plus de ça, la tradition bordelaise voulait que l’on filtre le vin à travers du blanc d’oeuf et que l’on donne les jaunes à des soeurs qui s’occupaient des pauvres ; de la farine tombée du camion, des oeufs filées à des pauvres… Autant dire que l’origine du canelé est modeste. La marque en elle-même a été déposée très tardivement, vers 1980, et le produit que l’on connaît a été markété pour changer de cible sociale. C’est devenu un produit associé au luxe et au savoir-faire local.

Le caviar

Aujourd’hui, le caviar est un des trucs les plus chers du monde ; le kilo peut atteindre les 10.000 euros. Mais c’est très récent. En Europe, les oeufs d’esturgeon ont longtemps été broyés pour nourrir les cochons. En Russie, dont vient la tradition actuelle, on bouffait du caviar pendant le carême pour remplacer la viande. La chair des esturgeons était aussi utilisée à la Renaissance pour fertiliser les sols. Au XVIII° siècle, les tsars russes deviennent dingo-dingues du caviar et en pleine mode russophile en Europe occidentale, voilà que le caviar devient le comble du chic. On importe du caviar, on en mange partout, et on épuise les réserves en esturgeons. Et ça devient très, très cher.

Le homard

Jusqu’au XVIII° siècle, vous savez comment on surnommait le homard ? Le « cafard des mers ». Il y en avait partout en Atlantique et personne n’en bouffait. Pour tout dire, les seuls qui mangeaient du homard à tous les repas étaient les prisonniers parce que ça coûtait pas cher et que c’était humiliant. On le cuisinait mort et c’était dégueulasse. Mais à la fin du XIX° siècle, le train qui reliait les côtes est et ouest américaines en servait aux passagers (c’était pas cher). On a alors repensé l’image du homard en le faisant passer pour un plat exotique. Succès, imitation, surpêche, rareté, prix explosif.

La bouillabaisse

Pour bouffer une vraie bouillabaisse, aujourd’hui, faut se saigner. Ca peut aller taper dans les 50 euros pour la soupe de poissons. Or, la bouillabaisse était au départ un plat de pêcheurs qui faisaient bouillir leurs invendus dans de l’eau de mer. La récupération du plat par les grandes enseignes parisiennes puis la raréfaction du poisson ont fait le reste. Sans compter la griffe « savoir-faire ancestral » qui vaut son petit poids en or.

Le foie gras

Dès l’Egypte antique, on gavait les oies pour récupérer plein de trucs pratiques : de la bouffe bonne, du foie, et de la graisse avec laquelle on pouvait faire cuire des aliments. Ensuite, la pratique a perduré, notamment en Europe centrale où les juifs se servaient de la graisse pour faire cuire leur bouffe, puisqu’ils ne pouvaient pas mélanger le beurre et la viande. Puis, raréfaction, produit de luxe, terroirisation plus ou moins marketing, et tutti quanti.

Le saumon fumé

Fumer le saumon permettait de le conserver plus longtemps : ce sont les Indiens d’Amérique du Nord et les peuples du Nord de l’Europe qui, les premiers, ont mis au point le système. Ensuite, la première usine de fumage a été créée en Pologne au VII° siècle avant JC, puis le saumon fumé a commencé à être massivement consommé au Moyen-âge en Europe. C’est encore une fois la raréfaction du produit qui a généré son prix croissant, jusqu’à ce que les stocks soient un peu rééquilibrés et que le prix du saumon baisse.

Les huîtres

Un pêcheur habite sur la côte. Qu’est-ce qu’il a de pas cher, de toujours dispo et de facile à bouffer rapidement ? Des huîtres. Même si les puissants en ont toujours becté, les huîtres étaient au départ et avant tout un truc qu’on avalait rapidement quand on était à la mer et qui ne présentait aucun intérêt. C’était l’aliment de base des familles pauvres qui en bouffaient avec du pain. Et puis… On connait l’histoire.

La truffe

La production de truffe était infiniment plus importante au XIX° siècle. Ce n’était pas non plus un plat de pauvres, mais on n’en faisait pas tout un, de plat, pour en bouffer.

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Il n'a pas souffert, promis

J’AIME LES HUÎTRES BORDEL DE MERDE.

Source : Le Nouvel Obs