On n’a pas changé VRAIMENT de décennie, mais on a changé comptablement de troisième chiffre quand on écrit la date et ça suffit à justifier que l’on veuille faire le bilan. Il y a eu des choses bien pendant les années 2010 – pour moi, c’étaient celles de la vingtaine, de la jeunesse, de l’insouciance, du redressement fiscal… Il y a eu des choses bien mais il n’y a pas eu QUE des choses bien, faut reconnaître. Et même, à bien y regarder, on a assisté à des fails tellement grands qu’ils nous semblent lointains, presque vaporeux, comme s’ils avaient toujours été des fails et n’étaient jamais passé par l’étape préalable de projets pleins d’avenir.

Les Google Glass (2012-2019)

Annoncées comme le produit le plus révolutionnaire du monde, grâce auquel nous allions entrer de plain-pied dans la post-humanité augmentée, les Google glass ont fait pschitt. Dès 2012, des prototypes étaient présentés à toutes les conférences. C’était le futur qui toquait à la porte. 8 ans plus tard, rien. Les Google Glass sont réservées à des entreprises partenaires de Google et n’ont jamais été implémentées sur le marché, faute d’utilité ou d’une efficacité suffisante. Le programme n’a cessé d’être mis en marche puis en stand-bye sans aucune lisibilité pour les éventuels consommateurs. Et il y a fort à parier qu’on n’en entendra plus jamais parler.

Crédits photo (CC BY 2.0) : Antonio Zugaldia

Le champion's project de l'OM (2016)

Le nom claquait : Frank McCourt, venu au secours d’un OM en perdition pour concurrencer le PSG et faire rayonner Marseille sur la scène européenne. C’était en 2016 et les Qataris faisaient dans leur froc. 3 ans et demi après, on rigole. Si l’OM réussit des performances honorables en championnat et a même été capable de se hisser en finale de la Ligue Europa, niveau champion’s project on repassera. D’autant que les confrontations avec le PSG ont largement tourné à l’avantage de ce dernier, intouchable en championnat et toujours porteur d’espoirs en Europe.

L'Accord de Paris (2015)

On était prêt à le dire : c’était là le seul truc bien qu’aurait fait Fabius de TOUTE sa vie. 195 délégations signant ensemble un accord pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et enfin agir sur le climat, acceptant des dispositifs contraignants en cas de non-respect des engagements ; surtout, la présence en signature des Etats-Unis, plus gros pollueurs de la planète et de la Russie. Tout le monde main dans la main. Mais l’élection de Trump et le changement d’équilibre des forces dans le monde a éteint tout espoir de changement ; les US se sont retirés de l’accord et désormais on compte sur une fille de 16 ans pour changer le monde.

Nicolas Hulot à l'écologie (2017-2018)

Un serpent de mer depuis Chirac : un jour, on l’annonçait, Nicolas Hulot prendrait la tête d’un super ministère de l’environnement et là les choses bougeraient radicalement. Mais Hulot n’accepterait de s’engager qu’avec la certitude que sa parole porterait et qu’il bénéficierait d’une marge de manoeuvre réelle pour mener à bien des réformes en profondeur. Une nouvelle tête, Macron, et la promesse d’un changement de cycle auront suffi à l’en convaincre ; pour rien. Après un an d’exercice, Hulot claquait la porte du ministère en direct sur France Inter devant une Salamé ravie, dénonçant l’impuissance du ministre de la Transition énergétique face à l’influence des lobbies. Le tout pour être remplacé par un éphémère de Rugy bientôt empêtré dans le homardgate.

Le Windows phone (2010-2017)

On allait voir ce qu’on allait voir. Tout heureux de pouvoir concurrencer Apple et son iPhone hors de prix, Windows annonçait en fanfare l’arrivée sur le marché de son propre OS pour Smartphones ; mais la place à prendre était déjà prise puisque Google n’avait pas attendu le début des années 2010 pour lancer Android. Entre un système très limité, des designs discutables et un manque de résultats commerciaux, Windows abandonnera le projet 7 ans plus tard, laissant ses Windows Phonos orphelins (mais ils n’étaient vraiment pas nombreux).

Google+ (2011-2018)

Lancé en 2011 pour concurrence Facebook, Google+ a fermé ses portes en 2018 après avoir vécu une agonie pénible pour tout le monde. Illisible, incompréhensible, sans aucune valeur ajoutée par rapport à ses concurrents, le réseau social qui n’en était pas un n’a tout simplement jamais attiré un seul utilisateur pendant plus d’une demi-seconde. En vrai, il y en a eu 250 millions, mais on doute qu’ils étaient actifs.

Le tennis français (RIP petit ange)

Fin 2008, Tsonga était 6ème mondial, Gilles Simon 7ème, Monfils 14ème. Ils avaient 20 ans et « les nouveaux mousquetaires », que Gasquet complétait, avaient toutes les chances d’aller gagner des Grands Chelems. 12 ans plus tard, on a assisté à une lente déliquescence, une douce chute, seulement sauvée par quelques demis : Gasquet à Wimbledon et l’US, Monfils à Roland et à l’US Open, Tsonga à Wimbledon, en Australie et à Roland. Aujourd’hui, Tsonga envisage de mettre un terme à sa carrière en raison d’une nouvelle blessure ; Monfils, 10ème mondial, est sur courant alternatif depuis 15 ans, Gilles Simon est retombé dans les profondeurs du classement, Gasquet est à nouveau blessé et n’a plus de cheveux ; quant aux petits nouveaux (Paire, 30 ans désormais, Pouille, 25 ans), ils n’auront rien pu faire pour redorer le blason. On n’a pas attendu grand’chose de Mannarino ou de Chardy et on avait raison. Et la relève, aujourd’hui, ne fait pas rêver. Pourtant, ce serait pas compliqué pour un Français de gagner Roland Garros en nous écoutant un peu.

Justice League (2017)

Il fallait clouer le bec à Marvel et à ses putains de crossovers de légende. DC aussi était capable de mettre ses super-héros en commun dans un même film, porté par son justicier-phare, Batman. Sauf que le film était une merde. 300 millions de dollars de budget pour un échec critique et semi-commercial qui a conduit Ben Affleck à s’auto-critiquer pour sa prestation en tant que Batman. Gros fail.

Le Fyre Festival (2017)

C’est un docu Netflix qui a attiré l’attention du monde sur ce supermegafail aux airs d’escroquerie géante. Des organisateurs montent un genre de pyramide de Ponzi pour faire venir des influenceurs à un festival qui n’aura pas lieu : pas de logement, pas de line up, pas de bouffe, pas d’eau : rien. Un échec grandeur nature jouissif à observer, car les festivaliers péroxydés tirent drôlement la gueule quand ils repensent aux milliers de dollars qu’ils viennent de dépenser pour assister à cet événement unique.

L'Europe politique

Quand l’Europe politique est-elle morte ? A la suite du traité de 2005 ou lors des ouvertures successives à de nouveaux pays ? En tous les cas, son arrêt de mort a été signé en 2016 à l’occasion du Brexit, séisme sans précédent dans l’histoire de la construction européenne puisqu’un pays décidait de son plein gré de sortir de l’union. Le Brexit, une série trop longue et clairement ennuyeuse. Depuis, les populismes n’ont fait que croître dans toute l’Europe et l’euroscepticisme a de beaux jours devant lui. Entre Orban et Salvini, qui ne devrait pas tarder à revenir au pouvoir, nul doute que nous assisterons dans les années à venir à l’effondrement progressif d’un rêve d’union politique et sociale.