Les familles endeuillées en font parfois l'expérience : dans la douleur de la perte d'un proche, paradoxalement, se créent des choses positives. Tout devient futile face au drame qui s'est joué, et rien ne doit gâcher cette unité sincère qui se révèle dans les moments difficiles. Après les événements épouvantables qui se sont déroulés hier à Paris, les réactions en France et dont le monde ont été dignes, unanimes, et quelque chose s'est soudé dans cette épreuve. Pour que cela dure un peu et que ce drame soit de ceux qui construisent une nation, certains débats vont être à proscrire, au moins dans les prochains jours :

  1. Les questions sur le dispositif de sécurité qui entourait Charb et ses collaborateurs
    Quand on est un supporter un peu con et que son équipe prend un pion, c'est souvent la faute du gardien de but, jamais la faute de l'équipe adverse.
  2. Les interrogations sur le fait que les mecs étaient connus des services de renseignement
    Quand ce n'est pas la faute du gardien de but, c'est la faute de l'arbitre.
  3. La question sur la pertinence de la publication des caricatures de Mahomet
    Comme si le massacre de 12 personnes étaient un argument capable de nourrir la réflexion sur cette affaire et qu'on pouvait changer d'avis après ce drame. Les caricatures ont fait débat, mais ce qui vient d'arriver ne doit pas rentrer dans ce débat, on n'a pas le droit de dire "ça devait arriver".
  4. Le lien avec le dernier Michel Houellebecq
    Quand on dit "pas d'amalgame", c'est aussi à ça qu'on pense : il ne suffit pas de taper "Islam" comme mot-clé et de relier tout ce qui tombe comme résultat.
  5. Les tweets qui disent "bien fait"
    Il y en a, on s'en doute, entre les débiles qui pensent pouvoir troller tranquille de chez eux, ceux qui sont trop jeunes, ou trop cons, pour mesurer la portée du drame qui s'est déroulé ce 7 janvier 2015 et ceux qui pensent qu'on peut rire de tout, même avec des vannes pas drôles. Mais s'il vous plait, que les médias s'abstiennent de mettre ces tweets en lumière, que l'on ne donne pas d'importance en pensant relayer un débat qui n'existe pas.
  6. Les comparaisons avec les morts d'ailleurs
    Effectivement, on parle moins ces jours-ci des migrants abandonnés sur un cargo dans la Méditerranée ou des victimes de l'Airbus d'AirAsia, pourtant plus nombreuses. Mais ce n'est ni un concours ni des mathématiques, et on ne veut pas entendre ce cynique comparatif du "mort/kilomètre" un jour comme aujourd'hui.
  7. La question de la nationalité des assaillants
    Ca a été dit très vite par les premiers témoins, "ils parlaient très bien français". Est-ce que le drame serait plus facile à digérer si les mecs avaient un passeport étranger ? Est-ce que ça rassurerait tout le monde si on pouvait déclarer la guerre à un pays du Golfe pour se passer les nerfs ?
  8. L'évolution de la popularité de François Hollande
    Malheureusement, on y coupera pas, et certains spécialistes nous diront que "les mauvais chiffres du chômage ont été contrebalancés par l'attentat contre Charlie Hebdo, le Président en ressort renforcé avec 3 points supplémentaires d'opinions favorables". Apparemment, certaines personnes interrogées détestaient le Président mais ont réalisé qu'il était plutôt sympathique comparé aux terroristes.
  9. La question de savoir si ça fait le jeu du FN
    Peut-on accepter que ce drame puissent être "une bonne chose" pour un groupe politique, quel qu'il soit? En tout cas, si c'est le cas, on ne préfère ne pas le savoir.
  10. Les commentaires des commerçants qui trouvent que cette histoire leur a plombé les résultats des Soldes
    "Déjà, avec la crise, ce n'était pas terrible, mais là, avec cet attentat et le froid, c'est encore pire... On aura vraiment eu un mois de janvier de merde!"... Ça, par exemple, c'est indécent.

Au moins aujourd'hui, soyons Charlie.