Parce que vivre de sa plume est absolument impossible et l’a à peu près toujours été sauf coup de bol immense, les écrivains les plus célèbres ont vécu des années de galère. Et c’est peu dire qu’ils galèraient : parce que quand on doit écrire le soir alors que la journée on s’est tapé toute une ville à dératiser, il faut avoir la foi. Ils l’avaient.

Colette était danseuse de music-hall

Avant de devenir l’auteure préférée des profs de français de troisième et des élèves qui en sont amoureux, Colette était danseuse de revue au Bataclan et au Moulin-Rouge. Entre 1906 et 1912, elle livrait donc des pantomimes orientales dans des tenues légères tout en publiant à l’occasion des bouquins quand elle le pouvait, inspirés, ou non, par sa vie de bohème. Avant de devenir directrice littéraire du Matin et de laisser tomber la danse à poil.

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William Burroughs, ambiance dératisation

Avant de se lancer dans une carrière littéraire faite de poésie bizarre, de beat generation et surtout de drogues dures, Burroughs a fait des petits boulots mais pas genre au McDo : d’abord détective privé, il a surtout exercé la très noble profession de dératiseur à Chicago, dont il se servira par la suite dans Le Festin nu.

Herman Melville, douanier au port de New York pendant 20 ans

Pendant 20 ans, donc, incapables de trouver un éditeur pour ses bouquins, Moby Dick compris, Herman Melville a donc inspecté les cargaisons des bateaux qui accostaient à New York pour un salaire ridicule, sans jamais avoir d’augmentation ou de promotion. Il travaillait dans une sorte de petite guérite noire où ça puait la mort et s’occupait à dépérir en pensant à sa carrière littéraire ratée. Après sa retraite, en 1885, Melville s’est mis à écrire un dernier roman qui ne sera finalement publié que dix ans après sa mort. Bonne ambiance.

Quand Mark Twain écrivait des truc pornos

En 1876, Mark Twain, qui avait les poches aussi percées que la peau de Marilyn Manson, a besoin d’argent. Il prend un nom d’emprunt et écrit une nouvelle intitulée 1601 pour un magazine à gros tirage et qui met en scène Francis Bacon, William Shakespeare et la reine Elizabeth qui discutent à propos de prouts, de poils pubiens et de mecs qui ont quatre couilles. Le truc est tellement absurde que Twain niera l’avoir écrit jusqu’en 1906, année de sa mort. Aujourd’hui, c’est collector.

Quand Steinbeck faisait le guide touristique

En 1928, Steinbeck qui n’était pas encore le grand Steinbeck mais s’apprêtait à publier son premier bouquin, bossait comme guide touristique près du Lac Tahoe. C’est là, d’ailleurs, qu’il a rencontré sa femme, avec laquelle il lancera une usine de mannequins en plastique vouées à la faillite. Steinbeck ne connaîtra le succès qu’au milieu des années 1930, comptant sur l’argent de papa et maman pour subvenir aux besoins de sa famille.

Stephen King bossait dans une laverie

N’arrivant pas à faire publier son premier roman et ayant une famille à nourrir, Stephen King se préparait à devenir prof et, en attendant son affectation, il travaillait pour 1 dollar de l’heure dans une laverie industrielle qui lui permettait de payer les frais de la caravane dans laquelle il vivait avec sa femme et son premier enfant. Une fois nommé prof, il continuera à bosser dans la laverie en parallèle, du moins jusqu’à la publication de Carrie qui lui apportera succès, gloire et argent.

Salinger, animateur de soirées sur des croisières

En 1941, Salinger accepte un boulot de directeur des animations sur un paquebot de croisière dans les Caraïbes. Il s’agit de divertir les gens qui s’emmerdent en leur chantant des chansons. Mais alors que sa première nouvelle doit sortir dans le New Yorker, tout est remis en cause par l’attaque de Pearl Harbour. Salinger est mobilisé et envoyé en France où il rencontre Hemingway et décide de poursuivre ses activités littéraires qui le mèneront à publier L’Attrape-cœurs en 1951.

Saramago était serrurier

Parce qu’il venait d’une famille super pauvre, Saramago n’imaginait pas devenir écrivain. Après un genre de CAP serrurerie, il répare les portes des gens pendant 10 ans avant de devenir dessinateur technique en métallurgie. Ce n’est qu’au hasard des rencontres et des envies qu’il deviendra l’écrivain que l’on connaît. Et qui gagnera le Prix Nobel de littérature.

Lamartine était garde du corps de Louis XVIII

Super BG et de haute stature, Lamartine ne foutait rien de sa vie jusqu’à ce que ses attributs physiques lui vaillent d’être incorporé à la compagnie du duc de Noailles, au service de Louis XVIII, tout juste réinvesti sur le trône après la débâcle napoléonienne. Lamartine protégeait donc le roi vieillissant mais ne se foulait pas. Les témoignages de l’époque laissent entendre qu’il passait l’essentiel de ses journées peinard à méditer, écrire et manger seul.

Kafka, des assurances à l'absurdité du monde

L’histoire est connue : petit employé d’une compagnie d’assurance, confronté quotidiennement à la bureaucratie et à ses aberrations, Kafka s’est autant nourri de sa vie civile pour écrire ses livres qu’il en a souffert. Le musée qui lui est consacré à Prague est éloquent à ce sujet : on peut y voir le bureau sur lequel bossait Kafka ainsi que les lettres très alambiquées qu’il envoyait à ses supérieurs tantôt pour suggérer une amélioration dans la procédure, tantôt pour se faire porter pâle parce qu’il n’en pouvait plus d’aller au bureau tous les jours s’emmerder comme un rat mort.

Tout peut mener à la littérature.

Sources : Edilivre, Unicheck, Huffpost, Cracked