La vie est ainsi faite que les goûts changent. D’abord on aime des trucs sucrés et dégueus, puis, peu à peu, les papilles se raffinent et on finit par manger des choses que la personne que nous étions à 3 ans n’aurait jamais imaginé ingurgiter. Comme, en même temps, elle n’existe plus, cette personne, elle n’a qu’à bien bien aller se faire foutre.

Le café

D’abord, on en prend une sorte de gorgée pour jouer aux adultes et on fait une grimace affreuse. Ensuite, vers 18 ans, on se rend compte qu’on en a besoin pour travailler. Ensuite, on en boit 50 par jour et on se pique de s’y connaître en café. Ensuite, on fait une crise cardiaque.

Le vin

D’abord, on en prend une sorte de gorgée pour jouer aux adultes et on fait une grimace affreuse. Ensuite, vers 18 ans, on se rend compte qu’on en a besoin pour s’amuser. Ensuite, on en boit un litre par jour et on se pique de s’y connaître. Ensuite, on fait une crise cardiaque.

Les sushis

D’abord, on se dit qu’on goûtera jamais à du poisson cru. Ensuite, vers 12 ans, on se rend compte que c’est bon et que ça fait moins grossir qu’un kébab. Ensuite, on en mange tous les lundis parce que c’est un rituel. Ensuite, on se transforme en poisson nous-mêmes.

Le whisky

D’abord, on en prend une sorte de gorgée parce qu’on nous a dit que c’était bon et raffiné et on fait une grimace affreuse, vu que c’est du William Lawson. Ensuite, vers 30 ans, un connard nous offre une bouteille de whisky japonais et on peut pas s’empêcher de la sortir pour crâner devant les invités. Ensuite, on en boit un petit tous les soirs on se pique de s’y connaître en whisky. Ensuite, on fait une dépression à 50 ans dans son fauteuil club.

Le foie gras

D’abord, on en mange un peu à Noël, et on trouve ça pas horrible, mais trop fort. Ensuite, vers 14 ans, on se rend compte que c’est fabriqué en tuant des animaux et on boycotte. Puis on attend Noël pour en remanger, après tout c’est Noël, on a le droit. Puis ensuite on en mange dès qu’il y a une occasion. Ensuite, on prend 50 kilos et on meurt d’un infarctus. Le mieux c’est de ne jamais commencer cet aliment infernal, fruit de torture animale.

Les huîtres

D’abord, on trouve ça vraiment ignoble et sans goût. Ensuite, on aime un peu ça, mais quelqu’un a l’intelligence de dire que ça ressemble à un mollard. Ensuite, on apprend que c’est vivant et c’est décidé, on en mangera plus. Ensuite, vers 25 ans, on se rend compte que c’est quand même vraiment bon avec du vinaigre aux échalotes et on se dit qu’on aimerait en manger tout le temps. Ensuite, à 40 ans, on se prend à rêver de week-ends à la mer avec des huîtres et du vin blanc. Ensuite, on en mange une pas fraîche et on meurt d’intoxication alimentaire.

Le chocolat noir

D’abord, il est hors de question de manger un truc aussi amer alors que le chocolat au lait existe. Ensuite, vers 18 ans, il n’y a plus de Kinder Bueno au frigo et on prend un carré de chocolat noir. Ensuite, on en prend avec son café. Ensuite, on boit 50 cafés par jour et on se fait subséquemment une tablette de chocolat noir entière. Ensuite, on a un goût amer dans la bouche, mais on est dépendant.

L'argent

D’abord, on se dit que c’est vraiment un truc à la con qui rend les gens fous. Ensuite, on commence à voir des gens qui en ont plus que nous, et ça nous rend fou. Ensuite, on essaie d’en gagner un maximum en ayant toujours l’impression de ne pas en gagner assez. Ensuite, on meurt en se demandant ce qu’on a bien pu faire de sa vie.

Jacques Chirac

D’abord, on se dit qu’en fait il est vraiment trop nul et que Balladur est mieux. Ensuite, on vire sa cutie, mais on regrette absolument tout de suite et on se plaint pendant 12 ans que Chirac c’est l’enfer. Ensuite, on élit Sarkozy et on regrette Chirac. Ensuite, il meurt, puis en fait il meurt pas et on se demande pourquoi on a autant d’empathie, puis ensuite il meurt vraiment.

La mort

D’abord, on se dit que ça existe pas. Ensuite, on se rend bien compte que ça existe et on n’aime pas ça du tout et ça fait flipper. Ensuite, pour oublier que ça existe, on boit du vin et du café, on mange du foie gras, des huîtres et du chocolat, on est vieux, fatigué et on tombe malade. Ensuite, on a mal et on attend la mort pour que la douleur s’arrête.

Le goût, ça ne fait que s’améliorer. Sauf pour les fraises Tagada et le jus du thon.