Fayot, mouchard, poucave, balance, vendu, collabo, Judas… les noms d’oiseau ne manquent pas pour désigner les honnêtes citoyens, lanceurs d’alerte à leur façon, qui n’hésitent pas à prévenir les autorités des larcins dont ils sont témoins. Mal-aimés par la culture populaire, ces indics n’en sont pas moins choyés par les autorités qui vont même dans certains pays jusqu’à les récompenser.

La Chine

Dès 2016, les autorités chinoises ont lancé plusieurs applications mobiles permettant aux citoyens de dénoncer des infractions, des textes illégaux et toute personne qui « affecterait la stabilité sociale de la nation ». Pour chaque dénonciation, les utilisateurs cumulent des points qui peuvent être utilisés pour l’achat de produits électroniques, le paiement de trajets en VTC, ou s’abonner à des sites de streaming musical. Top 10 des pays qui encouragent officiellement la délation, avec un « d ».

Les États-Unis

Sur les 30 dernières années, les USA auraient versé près d’un milliard de dollars de prime suite à des dénonciations, avec une moyenne de 1,5 millions de dollars par fayotage ! Il existe même à New-York une prime pour les délateurs qui filmeraient des automobilistes laissant tourner le moteur de leur voiture à l’arrêt, ou ceux garés sur des places réservées ou des couloirs de bus. Montant de la récompense : 25 % de la contravention. De quoi inspirer des vocations, un militant écologiste aurait ainsi déclaré avoir empoché 9000 dollars grâce à 120 signalements !

La Corée du Sud

Inspirée de sa voisine nordique, la Corée du Sud a fait de la délation une base du vivre ensemble. Il existe même des écoles de la délation qui forment les futurs mouchards professionnels à espionner leurs congénères. Plus de 300 infractions donnent ainsi droit à une prime de l’État en cas de dénonciation. Un jet de mégot dans la rue ? 20€ dans la poche ! Un travailleur non déclaré ? 300 balles ! En moyenne, les « baveux » touchent 20 % de l’amende que doit payer chaque contrevenant. La méthode fonctionne tellement bien qu’elle a été déclinée pour les mesures sanitaires pendant la crise de la Covid-19 : des bons d’achat de 75 euros étaient promis aux délateurs les plus efficaces !

La Grande-Bretagne

Quand ce n’est pas la presse type the Sun qui offre plusieurs dizaines de milliers d’euros pour toute information sur un fait divers sordide, des associations financées par des dons récompensent elles-aussi les délateurs pour des affaires de drogue, arnaques à l’assurance et autres délits moins médiatiques. Chaque signalement est ainsi vérifié par des employés de l’asso avant d’être remonté aux services de police compétents. Il est également possible de balancer son voisin qui se balade en Porsche alors qu’il est au RSA (même si ce « revenu » n’existe pas au UK), et toucher entre 10 et 15 % de l’argent récupéré par les services fiscaux.

Le Canada

A Vancouver, les autorités ont mis en place un système de récompense au sein des écoles et universités. Lorsqu’un délit a lieu (vol de gomme, bagarre…) au sein de l’établissement ou que ce dernier concerne un de leurs étudiants, une annonce est diffusée officiellement à l’ensemble des élèves, les incitants à partager anonymement toute information qui permettrait de coincer les responsables. A la clé, des récompenses de 25 à 50$ par info !

L’Espagne

Depuis 2014, les Espagnols peuvent signaler aux forces de l’ordre via l’appli mobile AlertCops, des délits tels que vol, agression, viol, violences machistes, un délit de haine (racisme, antisémitisme, homophobie…), une radicalisation, un harcèlement scolaire, du vandalisme, ou encore l’occupation illégale de logement. A chaque fois, l’application demande à l’utilisateur s’il est victime ou témoin et lui propose de joindre une vidéo ou une photo à l’alerte. La communication se fait ensuite par téléphone ou par messagerie instantanée.

La Nouvelle Zélande

Le pays le plus heureux du monde est souvent vanté pour avoir su mettre en place des mesures efficaces pour faire face à la crise sanitaire (même si le fait d’être sur une île avec une densité de population digne de l’Ardèche en décembre aide pas mal). Une réussite qui s’explique aussi par la mise en place par la police d’un site de délation des personnes ne respectant pas les gestes barrières. L’initiative rencontra un tel succès que le serveur explosa dès son ouverture après seulement quelques heures !

Le Danemark

Au pays des blondinets, il ne fait pas toujours bon d’avoir une tête de sudiste. En 2017, la ministre danoise de l’immigration a imaginé une opération de délation collective qui exhortait ses con-citoyens à dénoncer aux autorités toutes les personnes ne parlant pas le danois qui travailleraient dans des restaurants ou des boutiques sous couvert de chasse à l’immigration illégale. Plus lucratif cette fois, la délation d’évadés fiscaux peut également au Danemark rapporter gros. L’État aurait ainsi versé il y a quelques années plus de 800 000 euros à une source responsable d’une fuite classée depuis parmi les « panama papers ».

L’Italie

La crise de la Covid a réveillé en Italie de vieilles tentations. Comme celle de dénoncer son voisin à des fins peu glorieuses comme ce fut le cas à la fin des années 2010 dans plusieurs villes lombardes tenues par la Lega Nord (parti populiste d’extrême-droite) qui incitaient les habitants à traquer les immigrés clandestins. Cette fois, pas de trace de racisme mais l’idée de garder un œil sur ses voisins dès fois qu’ils badineraient un peu trop avec les gestes barrières. Outre des affiches dans la rue interpellant amicalement les passants d’un « Ton voisin est peut-être positif : surveille-le ! », les Italiens ont également eu le droit à des applications mobiles permettant à la population de signaler les contrevenants à la police municipale. D’ailleurs, les délateurs ont depuis leur petit surnom : « la police des balcons » !

La France

En France, depuis la Seconde Guerre Mondiale, dénoncer son voisin risque davantage de faire de vous un coupable qu’un héros. Sauf si c’est pour balancer à l’État un compatriote qui tenterait d’embobiner le fisc, dans ce cas, vous aurez même droit à une belle récompense. Quelques rares initiatives locales apparaissent cependant, comme celle de la Mairie de Montgeron dans le 91 qui invita en avril 2020 ses habitants à signaler à la police, les personnes ne respectant par les gestes barrière anti-covid. Initiative qui fut balayée par les autorités, la jugeant inapplicable faute de preuve et de flagrant délit.