Tout le monde n’a pas les meilleurs souvenirs du collège. Bien sûr, il y a l’apprentissage de la camaraderie, les premières amours, l’adolescence et l’âge bête, les premières bêtises ; mais il y a aussi ce corps qu’on ne comprend plus très bien, l’impression d’évoluer dans un monde hostile, la compétition adulte qui se mélange à la méchanceté de l’enfance, le vague sentiment que le temps se dilate à n’en plus finir. Et l’humiliation, l’humiliation permanente.

Quand t'étais le dernier choisi au foot

Ou au basket. Ou au handball. Ou dans l’équipe de ping pong. Ou n’importe où en fait. Être le dernier appelé, c’est se situer d’un côté de la cour ou du préau et voir tous ses compagnons peu à peu rejoindre une équipe en restant tout seul. La BO d’une telle scène, c’est du Barbara ou du Léo Ferré. Avec le temps, va tout s’en va ; sauf toi.

Quand on rendait les copies par ordre de note et que tu étais dans les derniers

Quand le prof commençait par les meilleures notes. Parce que quand il commençait par les pires, tu étais dans les premiers. Et là, toute la classe pouffait en te regardant pendant que tu découvrais l’étendue de ta nullité scolaire en même temps que les horizons bouchés que te réservaient l’avenir. Solitude in extenso.

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Il est parti à la ferme des liens cassés pour prendre des petites vacances, il est avec tous ses copains, ne t'inquiète pas.

Quand tu te prenais un stop par la fille/le garçon avec qui tu avais envie de sortir

« Thomas, je me trompe pas en disant que tu voulais sortir avec moi, avant les vacances, non ? » « Euh, ouais, un peu, ouais… » « Ouais je sais, c’est David qui me l’a dit. Bon, bah, j’ai réfléchi… » « Oui ? Et… » « Et en fait je me suis dit que t’étais trop bizarre, en fait, pour qu’on sorte ensemble. » « Ah OK, cool, pas de problème, d’accord. » « Voilà, on va en cour de musique ? »

Quand te faisais des rêves érotiques avec ta/ton prof

Sorte de souillure infinie au réveil. Impression d’avoir passé la nuit dans une décharge. Sentiment d’avoir été puni par la vie. Honte de croiser le regard de ses parents. Honte de croiser le regard de ses camarades. HONTE DE CROISER LE REGARD DU OU DE LA PROF.

Quand on te faisait des remarques sur tes chtars

Ils sont venus, ils sont tous là, même ceux du sud sur le menton, elle va exploser l’acné. Un genre de truc qui te prend par surprise : tout allait bien, tu étais un petit garçon et tout à coup c’est puruland, le monde de la fistule et du pus. Ton visage comme une calculette, l’utilité en moins. « T’es allé voir un dermato ? »

Quand tu prenais la parole en public et que d'un coup tu muais

En lisant un texte en cours de français, par exemple. En lisant un petit texte tout simple. « L’enfant avait REçu DIX BALLES daNs LA TÊtE. Le loGIS ETAit propre humble, PAISIBLE, honnÊTE… » D’un coup Victor Hugo parait moins fluide.

Quand tu as eu tes règles pour la première fois et que tu portais une jupe blanche

« Elle est marrante, ta jupe… C’est Desigual ? »

Quand le prof interceptait un mot de classe dans lequel tu exprimais ton ennui profond à ta voisine ou ton amour pour Jérémie

Exemple de mots provoquant la gène par ordre croissant :

– Elle pue la bique la prof ;

– Tu trouves pas que Jérémie il est trop beau ?

– Elle est bigleuse, je tricherai au contrôle.

– Je te parie que le prof, c’est trop un chaudard au lit ;

– J’ai de l’herpès vaginal.

Ensuite, le prof lisait devant tout le monde. Et on ne voyait plus ton acné en raison de la sueur abondante qui se déversait sur ton front.

Quand le prof remettait en question l'intégralité de ton intelligence parce que tu ne comprenais pas le concept de fraction

« C’est quand même pas compliqué, GALOUISE ! Vous avez vraiment l’intelligence d’un moineau ! Sauf que vous ne savez même pas voler de vos propres ailes ! »

Emoji pleurs.

Quand tu devais passer au tableau alors que tu n'avais rien compris à la leçon

La durée moyenne de l’épreuve était d’environ 2 minutes. La durée moyenne ressentie de l’épreuve était d’environ 6 heures. Il y avait une dilatation spécifique de l’espace-temps entre le moment où le prof posait une question et où il s’énervait, période durant laquelle muet de peur tu ne disais pas le moindre petit mot parce que tu n’avais même pas pu entendre la question tellement la peur t’envahissait, tellement tu te sentais vulnérable et ridicule, tellement tu aurais voulu te transformer en poussière pour partir au premier coup de vent.

Ça fait du bien quand ça se finit.