On le dit et le répète : mentir, c’est mal. Mais il faut reconnaître que certains menteurs s’en sortent plutôt pas mal, et jusqu’à inscrire au marqueur indélébile leur nom dans les manuels d’Histoire. Entre une mauvaise vérité et un excellent mensonge, il vaut parfois mieux opter pour le mensonge ; les preuves ne manquent pas pour étayer cette thèse.

Robert Ripley

Touche-à-tout magnifique, Ripley, né en 1890, a réussi le tour de force de devenir l’une des personnalités les plus prisées des Etats-Unis. Fondateur de Believe it or not ! (croyez-le ou pas), une franchise ultra-lucrative couvrant la presse écrite, télévisée et radiophonique ainsi que plein de publications littéraires, il y racontait des milliers d’histoires pas toutes vérifiables mélangeant la réalité et le mensonge. Anecdotes, récits de voyage, narrations de faits divers à la Pierre Bellemarre, Ripley a passionné l’Amérique pendant un demi-siècle sur la seule base du grand n’importe quoi. Parmi les rencontres qu’il décrit dans ses publications, on trouve des cyclopes ou des golfeurs dépourvus de bras. Mais la vérité n’avait pas tellement d’importance au regard de l’entertainment. Résultat, l’empire Ripley continue, encore aujourd’hui, de rapporter un pognon absolument considérable.

Crédits photo (Domaine Public) : Press release says "From Ripley Office".

Bernard Lavilliers

Si l’on se réfère à tout ce qu’il a raconté, Bernard Lavilliers a appris la guitare dans des favelas de Rio de Janeiro, avant de conduire des camions façon Salaire de la peur sur des routes escarpées en plein cœur des Andes ; tout cela se passait entre deux séjours dans des mines de cuivre aux confins de l’Amazonie, entre deux voyages en bateau à destination du Moyen-Orient, entre deux séjours en prison pour collusion avec le grand banditisme. Le problème, c’est que tout ce que Lavilliers a raconté pour fabriquer sa légende est absolument, complètement et définitivement faux. Lavilliers a appris la guitare à Paris avec des Brésiliens, certes, et n’est pas vraiment sorti d’Europe avant les années 80, alors que sa carrière était déjà bien entamée et qu’il pointait au portillon des quarantenaires. Légende fabriquée par le manager de Lavilliers qui a bâti sa réputation et dont l’intéressé a le plus grand mal à s’extraire aujourd’hui tant elle est constitutive de sa célébrité.

Crédits photo (CC BY-SA 3.0) : Thesupermat

Blaise Cendrars

Baroudeur manchot et métaphysique, Blaise Cendrars a passé sa vie à décrire des choses qu’il ne faisait qu’imaginer. Voyage en transsibérien, chasses en Afrique, Cendrars n’a rien fait de tout ça. Il n’a pas plus cherché d’or dans le far-west ou descendu le fleuve Congo. Bercé de littérature d’aventures et de poésie, Cendrars s’est efforcé toute sa vie de maintenir l’ambiguïté sur sa production littéraire et sa vie, faisant le récit, à l’écrit comme à l’oral, d’aventures merveilleuses qu’il n’avait jamais vécu. Et c’est précisément parce qu’il ne les avait jamais vécues qu’elles en deviennent merveilleuses, car elles correspondent parfaitement à l’idéal romantique qu’il voulait leur insuffler. Toute la production de Cendrars, parce qu’elle est mensongère, est unique et personnelle et c’est en cela qu’il est l’un des plus grands poètes du XX° siècle. Bien ouej.

Crédits photo (Domaine Public) : Jindřich Štyrský

Hérodote

Considéré comme le père de l’Histoire, Hérodote en avait une conception assez personnelle. Ses récits n’épousent pas tout à fait la réalité des faits et empruntent souvent à l’exagération pour correspondre aux thèses défendues, celles de la grandeur grecque. En bref, Hérodote est une figure historiographique ultra-contestée, ce qui ne l’empêche pas d’être encore cité comme le père de l’Histoire 2500 ans après sa mort.

Crédits photo (CC BY-SA 3.0) : Marsyas

Frank Abagnale

On connaît l’histoire de Frank Abagnale depuis qu’elle a été adaptée par Spielberg dans Attrape-moi si tu peux. Arnaqueur de génie, menteur, voleur, faux pilote à 16 ans, superviseur médical usurpé à 18, avocat sans diplôme, séducteur patenté, il finit par se faire gauler ; mais c’est là que son parcours devient génial parce que plutôt que de croupir derrière les barreaux, Abagnale se démerde pour se faire embaucher comme consultant par le FBI sur les affaires de fraudes. Avant de fonder une boîte qui rapporte du blé. Et de devenir un genre de figure d’escroc admirée partout dans le monde.

Crédits photo (CC BY-SA 4.0) : Abagnale & Associates (Work for Hire)

George Psalmanazar

George Psalmanazar (ce n’est pas son vrai nom), débarque soi-disant en Ecosse à la fin du XVII° siècle depuis sa soi-disant ville natale de Formose (aujourd’hui Taïwann). Il y a beaucoup de soi-disant dans cette histoire. Recueilli par un pasteur tout content de convertir un païen, il se met à arpenter le continent en prétendant être le tout premier natif de Formose à fouler le sol européen. Il arrive à Londres en 1703 et se met à raconter n’importe quoi, rencontrant tous les seigneurs d’Angleterre et brillant par les anecdotes totalement inventées qu’il distille sur son île natale. Il écrit ensuite un livre sur Formose, invente une langue, un alphabet, des anecdotes. Il ne fut jamais vraiment découvert.

Crédits photo (Domaine Public) : Antérieur à 1763

Jeffrey Papows

CEO de Lotus Corp, une énorme entreprise de vente de logiciels, Jeffrey papows avait réussi à obtenir son poste à la faveur d’un CV exceptionnel. Orphelin, devenu pilote de chasse dans la marine avec des états de service exceptionnels, docteur en ingénierie, ceinture noire de taekwondo, rescapé d’un grave accident d’avion ayant entraîné la mort de son copilote, de quoi impressionner tout le monde.

Sauf que tout était faux. Absolument tout. Y compris la partie sur ses parents morts. Un mensonge qui avait permis à Jeffrey Papows de devenir l’une des 500 plus grandes fortunes des Etats-Unis.

Janet Cooke

Journaliste émérite, lauréate du prix Pulitzer pour son reportage « Le monde de Jimmy » publié dans le Washington Post et relatant la vie d’un jeune héroïnomane, détentrice d’un CV incroyable, polyglotte, Janet Cooke avait plutôt tout pour elle. Sauf que son reportage a peut-être eu un peu trop de succès. En effet, personne n’a jamais pu retrouver la trace de ce fameux Jimmy, pas même le gouvernement américain. Mais devant les doutes qui affleuraient, Janet Cooke a fait l’erreur d’en rajouter une couche sur son CV. Ce qui a mis la puce à l’oreille de ses supérieurs, lesquels ont fini par la démasquer en l’interrogeant en français, une langue qu’elle parlait soi-disant parfaitement.

N’empêche qu’elle a eu le Pulitzer.

Marilee Jones

Doyenne des admissions du prestigieux MIT, Marilee Jones avait réussi à choper ce poste unchopable grâce à ses 3 diplômes allant de polytechnique à médecine. Son travail était à ce point reconnu qu’elle a obtenu le prix d’excellence du MIT en gage de félicitations. S’ensuivirent des publications à succès. Mais, dénoncée par un anonyme, Jones s’est fait choper. Elle n’avait en réalité aucun diplôme. La supercherie a quand même duré 28 ans. On en fait, des choses, en 28 ans.

Benjamin Franklin

L’inventeur du paratonnerre était un menteur patenté. Toutes les expériences qu’il a décrites sur la nature des éclairs étaient totalement bidon. Du reste, il avait aussi la passion du n’importe quoi : en 1782, il a publié un journal entièrement faux dans lequel il relatait la découverte de scalps d’adolescents dans le grand Ouest. Le but de la manoeuvre était d’attiser la peur envers les Indiens d’Amérique, ce qui ne manqua pas de marcher quand toute la presse tomba dans le panneau.

Il y a des rues au nom de ce mec-là.

Crédits photo (Domaine Public) : After Joseph-Siffred Duplessis

Un petit mensonge, de temps en temps, ça ne peut pas faire de mal.

Sources : Listverse, Medium.com, Les Echos, Libération