Le sexe, c’est sympa. C’est à la fois toujours pareil et jamais la même chose. Au moment d’échanger ses miasmes, au moment d’assembler les sexes, on ne sait jamais vraiment à quoi s’attendre. Coup de dur ou coup de mou, tout ne dépend pas que de nous, heureusement. Les partenaires changent, les envies aussi. On ne fera pas l’amour pareil en couple ou avec un plan cul. Sisi, il y a des différences, promis juré craché vomi.

L'approche

Plan cul : « Et tandis que les médailles d’Imperator font briller à sa taille le bronze et l’or… » Gainsbourg en arrière-fond dans une ambiance sexychic. On prétendra que le vin est meilleur qu’il n’est pour donner à l’ambiance un ton très grand château. 22 heures : l’heure du crime et d’arrivée de l’autre. On se donne du courage l’un l’autre, les approches sont voilées. Il y aura des dessous et un peu de malaise. On y va doucement.

Couple : « Oh putain la flemme de débarrasser. Ça te dit je me lave les dents vite fait et on baise mais rapide parce que demain je me lève tôt ? »

Le déshabillage

Plan cul : On parlerait bien volontiers d’effeuillage si on donnait dans la métaphore arboricole. C’est que ce déshabillage-là se pratique à deux voix, l’un s’occupant de l’autre, doigt légèrement glissant le long d’une bretelle ou du torse quand la chemise s’envole. Douceur et sauvagerie, les pores se redressent, on parlerait bien volontiers de chair de poule si on donnait dans la métaphore aviaire. A genoux sur le lit, les ceintures sautent, les agrafes se dégrafent, nudité relative et lumière tamisée. Le sexe avant le sexe.

Couple : « Putain je te préviens j’ai un trou dans ma culotte et je suis pas épilée, hein. » « T’inquiète je m’en fous, attends je dégage mon bas de pyjama. Il fait froid, non ? Tu veux pas que je foute le chauffage ? Ah t’es toute nue déjà ? Cool. »

Les préliminaires

Plan cul : Faut pas non plus déconner, on se connait pas assez pour que je mélange ma bave et sa cyprine ou qu’elle accepte de prendre mon smegma dans sa bouche. On s’en tiendra aux attouchements, mais l’objectif est performatif, hein. On est là pour se rendre service, mais le service est minimal.

Couple : Yeux fermés tellement qu’on connait. Les pianistes savent où est le mi. Les zones érogènes, tu sais faire. On donne dans la sexy routine. C’est émotionnel, la routine, pas de surprise au tournant, on reproduit ce qui marche en bon ouvrier qualifié. Intensité du mordillage, durée impartie à chaque étape jusqu’à descendre jusqu’au sexe, où mettre sa langue, où mettre ses doigts. Yeux fermés, tellement qu’on connait.

Que dire ?

Plan cul : Pas tout à fait à l’aise pour les chuchotements obscènes, pas tout à fait prêt à y renoncer. Le cul entre deux chaises : si on ne peut pas se montrer un peu vulgaire avec un plan cul, avec qui le ferait-on ? On dira des choses sales sans verser dans le gros mot.

Couple : Que dire quand tout a déjà été dit ? Fini le commentaire, on a refermé le livre et même qu’on a lu les notes de bas de page. On se tait : télépathie tronquée, chacun entend ce qu’il veut, chacun se faisant son film dont l’autre est un acteur.

La performance

Plan cul : Il faut tout donner, tout faire voir. Le plan cul, c’est un fil à moitié déchiré, c’est peut-être la dernière baise avant l’apocalypse abstinente. Il faut tout donner parce que la reproductibilité, rien n’est moins sûr. Forcément, ça insécurise. On tente des choses, mais c’est pas la sécurité on est bien trop centré sur soi, on foire un peu, toujours à la lisière entre ne pas jouir et jouir trop tôt. Ça s’éternise, ah non : ça ne dure pas assez. On sait plus. On a peur.

Couple : « Si je tiens cette moyenne, elle devrait jouir dans 2 minutes, 2 minutes trente. Si je contracte un peu, je peux tenir le rythme encore 45 secondes. Ensuite, il faudra changer de position sinon je jouirai trop tôt. Si j’arrive à pousser le curseur jusqu’à 1 minute 30, je pourrai me laisser aller. »

Expérimentations

Plan cul : L’espace des possibles. On n’est pas là pour se juger l’un l’autre. On est là pour jouer. Si ça ne plaît pas, on mettra ça sur le compte de la méconnaissance du corps de l’autre ; si ça plaît on passera pour des tsars du sexe. De l’intérêt des sparring-partners.

Couple : Les mécaniques rodées ne déçoivent jamais ; pourtant, elles s’usent, faut en changer. A la faveur d’un échange alcoolisé on a glané des informations sur ce qu’aiment les filles, sur ce qu’aiment les mecs, on tente, la peur au ventre. Ne surtout pas se faire juger. Excitation du changement, performance enhansed, c’était bien.

Les pensées

Plan cul : « Ce que c’est chouette le sexe! » « Ce que c’est chouette le sexe ! »

Couple : « Putain mais elle a pris des seins, non ? » « Putain mais il a pris du bide, non ? » « Ce que c’est chouette le sexe ! » « Ce que c’est chouette le sexe ! »

Le plaisir

Plan cul : « Faisons l’amour avant de nous dire adieu ». Sentiment d’urgence mais léger malaise. 8/10 (les endorphines nous rendent généreux).

Couple : Petite baise rapidou ou baise événementielle, tout change, tout varie. On fluctue entre le 2/20 et la perfection, de toute façon il y aura une prochaine fois. Inutile de tout donner toujours.

Où jouir ?

Plan cul : Dans la capote ou là où on peut. Il y aura un rire gêné de part et d’autre au moment de l’essuyage. Il terminera à la poubelle, enfermé dans du silicone ou essuyé sur du sopalin, adieu les spermatozoïdes, nous n’aurons pas d’enfants ensemble.

Couple : De toute façon qu’est-ce qu’on s’en fout ? Le sperme n’est plus événementiel. Au pire les draps s’en souviendront – je ferai une machine plus tard.

L'après

Plan cul : « Bon bah c’était cool ! T’auras ton métro à cette heure-ci non ? Je vais me mettre une série, moi. »

Couple : « Ah putain c’était cool. Bon. On se met un épisode ? »

« Cherche plan tête sans prise de cul hihi ! »

Tuez-les.