Il y a bien un moment où l'annulation pure et simple de l'abyssale dette grecque va devenir une solution envisageable. Ce sera en tout cas l'occasion de se souvenir que ce genre de pratique s'est déjà fait dans l'Histoire, et pas toujours pour de meilleures raisons que celle que peut avancer Tsipras. Quand on prête de l'argent avec un taux d'intérêt, c'est pour rémunérer un risque, et il faut savoir l'accepter. Que ceux qui exigent leur dû aux Grecs révisent leur Histoire, il suffit parfois d'un trait de plume pour repartir sur de bonnes bases. la preuve :

  1. Allemagne : annuler pour ne pas favoriser l'extrémisme 1953
    C'est l'exemple que les défenseurs du peuple grec signalent à chaque fois et qui devrait nous avoir servi de leçon : un peuple exsangue peut se tourner vers les idéologies les plus extrêmes, et la montée du nazisme dans les années 1930 doit aussi aux sanctions contre l'Allemagne à l'issue de la Première Guerre Mondiale. Du coup, en 1953, il sera convenu de réduire les dettes de l'Allemagne de plus de la moitié (de 39 à 14,5 milliards de Marks), histoire de laisser la population allemande reprendre sereinement son destin en main.
  2. Islande : annuler pour ne pas saisir 2014
    Ce sont ici la dette des particuliers qui a été effacée. L'Islande a été touchée de plein fouet par la crise de 2008 et beaucoup de ménages ne parviennent pas à rembourser leur crédit immobilier. Plutôt que d'adopter la stratégie américaine et saisir des logements dont il ne saurait quoi faire, le gouvernement annonce l'allègement de 24 000 euros des crédits immobiliers pour environ 100 000 foyers. Le FMI a gueulé, mais l'Islande s'en fout. Et l'UE n'a rien à dire puisque l'Islande n'est pas dans la zone euro (et ce n'est pas comme ça qu'ils vont y entrer).
  3. L'Angleterre (et la France) : annuler parce que les taux d'intérêt, ça n'est pas chrétien 1290
    C'est la première annulation de dette nationale de l'Histoire, elle est décidée par Edouard Ier en Angleterre qui décrète que les dettes dues aux juifs sont annulées. Hop, terminé, on n'en parle plus. La France fera de même sous Napoléon en 1802. Si vous cherchez une bonne raison d'annuler la dette grecque, sachez qu'à une certaine époque, on se contentait d'une mauvaise.
  4. Irak : annuler parce que la dette est "odieuse" 2003
    C'est bien beau d'envahir un pays comme l'ont fait les Etats-Unis, mais on récupère souvent (en plus du pétrole) un beau merdier de dettes. Du coup, on la qualifie de "dette odieuse", on considère que ce n'est pas le pays qui est endetté, mais uniquement ses dirigeants et on n'en parle pas trop, parce que ça pourrait donner des idées aux autres, l'Irlande, le Portugal ou la Grèce qui pourrait dire que l'Allemagne l'a forcée à contracter cette dette pour acheter des armements délirants (entre autres).
  5. Tiers-Monde : annuler parce que ça n'a plus aucun sens 2006
    Pour les 42 pays concernés par "l'Initiative pays pauvres très endettés" situés pour l'essentiel en Afrique Sub-Saharienne, le FMI a compris que l'endettement est contre-productif et doit accepter d'effacer tout ou partie de l'ardoise. Mais comme rien n'est gratos en ce bas monde, ils doivent se plier à "des ajustements structurels macro-économiques", comprenez une privatisation massive de tout ce qui relève encore de l'action publique. Parce que selon le FMI, un actionnaire vaut toujours mieux qu'un ministre.
  6. France : annuler parce que c'est encore le roi le patron 1307
    Une méthode à méditer pour Tsipras : Alors que les Templiers se sont constitué un joli pactole et détiennent un gros morceau de l'endettement de l'économie française, Philippe Le Bel s'approprie tous leurs biens. Et les crame, par-dessus le marché. Aujourd'hui, dans le cadre des négociations avec l'UE et le FMI, on ne crame plus les gens. Mais si on fait les cons, ça pourrait bien revenir.
  7. Angleterre : annuler parce qu'on est le mauvais cheval (et qu'on est roi, sinon ça ne marche pas)
    Les banquiers italiens qui ont financé l'offensive du roi d'Angleterre Edouard III à l'origine de la Guerre de Cent Ans ont compris ce qu'était la notion de "risque" dans la finance. Quand vient l'heure de faire les comptes, Edouard répudie ses dettes, les banques Florentines Bardi et Peruzzi font faillite, c'est le jeu.
  8. France : annuler dans le cadre d'un plan de relance 1598
    Quand Maximilien de Béthune, duc de Sully, devient ministre d'Henri IV, c'est pour faire le grand ménage dans les finances du royaume. Le Surintendant des Finances ne misera pas sur l'austérité bête et méchante puisqu'il diminuera l'impôt, divisera la dette par 3, embauchera des fonctionnaires à tour de bras et mènera une guerre sans merci contre la corruption. A ça, on ajoute un bon mariage de Henri IV avec Marie de Médicis, la fille d'un des gros créanciers du pays, et on est bon.

Sources : L'Express , le livre Vive la banqueroute ! : Comment la France a réglé ses dettes, de Philippe le Bel au général de Gaulle de François Ruffin et Thomas Morel, Hérodote, Solidarité et Progrès