Nouveau coup d’éclat dans le gouvernement Borne : après les multiples accusations contre Abbad et Darmanin, c’est désormais Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État chargée du Développement, de la Francophonie et des Partenariats internationaux qui est accusée de viols. Des faits qui auraient été commis sur deux femmes, dans le « cadre médical », lorsque la politique était gynécologue. Mercredi 22 juin 2022, le parquet de Paris confirme l’ouverture d’une enquête. Il lui est notamment reproché d’avoir effectué des gestes médicaux incluant des pénétrations vaginales ou rectales sans avoir demandé le consentement de ses patientes. On parle de viols mais également de « violences gynécologiques »… Une notion encore trop peu traitée, qu’on va essayer de vous expliquer en quelques points.

Qu'est-ce que les violences gynécologiques ?

L’Institut de Recherche et d’Actions pour la santé des Femmes définit les violences obstétricales et gynécologiques (VOG) comme un « ensemble de gestes, paroles et actes médicaux qui vont toucher à l’intégrité physique et mentale des femmes ». De son côté, le Haut Conseil à L’Egalité parle de « gestes, propos, pratiques et comportements exercés ou omis par un.e ou plusieurs membres du personnel soignant sur une patiente au cours du suivi gynécologique et obstétrical (…) Ils sont le fait de soignant.e.s — de toutes spécialités — femmes et hommes, qui n’ont pas forcément l’intention d’être maltraitant.e.s. Ils peuvent prendre des formes très diverses, des plus anodines en apparence aux plus graves”.

Qu'entend-on par "violences verbales et psychologiques" ?

Les violences sont verbales lorsque le praticien manque de tact, se permet des réflexions déplacées ou de mauvaises blagues. Elles sont psychologiques lorsque le professionnel fait preuve d’un manque d’empathie particulièrement important. C’est le cas des propos portant des jugements sur la sexualité du/de la patient(e), sur la tenue, le poids, la volonté d’avoir des enfants ou le refus d’en avoir, la culpabilité, notamment lors d’IVG, etc. Le déni de traitement est également considéré comme une VOG.

Et les violences physiques ?

Gestes brusques entrainant de fortes douleurs, souffrances minimisées ou ignorées, actes effectués à chaque visite alors qu’ils ne sont pas nécessaires (touchers vaginaux ou échographies vaginales, par exemple), non-utilisation de l’anesthésie quand elle est nécessaire… On parle d’actes non appropriés et/ou non consentis. Quand il y a pratique gynécologique physique sans consentement, on dépasse le cadre de la violence gynécologique pour basculer dans celle de la violence sexuelle.

Comment les reconnaitre ?

Comme beaucoup d’autres formes d’abus, les violences obstétricales ou gynécologiques ne sont pas toujours faciles à reconnaitre. Les gestes banalisés, les paroles à doubles interprétations, les « consentements » imposés… ne rendent pas la distinction entre « acceptable » et « violences » aisée. Certaines femmes ne seront pas touchées par une phrase, alors qu’elle raisonnera comme un profond traumatisme chez d’autres. Dans tous les cas, quand il y a un doute, c’est qu’il y a eu au moins une gêne, et donc… Potentiellement une violence. Certaines questions peuvent vous aider à passer de l’interrogation à la certitude comme : mes demandes ont-elles été respectées ? Me suis-je sentie infantilisée, rabaissée ou jugée ? Est-ce que j’ai été informée de l’acte ? A-t-on demandé mon consentement ou me l’a-t-on imposé ? Ma douleur a-t-elle été prise en compte ou minimisée ?

On entend souvent parler du "non-respect de la loi Kouchner", qu'est-ce que c'est ?

La Loi Kouchner de 2002 est relative aux droits des malades, à la qualité du Système de Santé et au droit à la protection de la santé. Son objectif : répondre aux attentes des malades et améliorer les droits des patients, notamment en cas d’erreur ou de faute médicale. Elle prévoit notamment que les patients doivent avoir un consentement libre et éclairé, quantd aux actes et traitements qu’ils reçoivent. Cela sous-entend que les médecins ont un devoir d’information. Ils doivent notamment être transparents sur les différents traitements possibles, les actes médicaux proposés, leur nécessité ou leur urgence éventuelle, leurs conséquences directes et celles en cas de refus, leurs risques fréquents ou graves normalement prévisibles, les alternatives,…

Que faire si ça nous arrive ?

Plus facile à dire qu’à faire, mais il faut en parler. Sortir du silence. Personne ne doit subir de tels actes et la honte doit changer de camp. Si en parler à vos proches est trop intime et difficile pour vous, divers groupes de victimes se créent sur les réseaux sociaux. Si vous avez besoin d’un soutien psychologique, vous pouvez vous rapprocher d’associations, de la Pmi de votre ville ou d’un spécialiste (psychologue ou thérapeute). Certaines femmes optent aussi pour des techniques telles que l’EFT, l’hypnose, l’EMDR ou l’ICV.

Au-delà de vous libérer tout en libérant la parole, vous pouvez porter plainte. Pour cela, il est possible d’adresser une réclamation à votre Agence Régionale de Santé, saisir le conseil de l’ordre des médecins, des gynécologues ou des sage-femmes, ou saisir le défenseur des droits. Pour obtenir réparation financière pour préjudice, c’est la Commission de Conciliation et d’Indemnisation qu’il faut saisir.

Il est aussi important de changer de praticien. Encore une fois : plus facile à dire qu’à faire, surtout une fois votre confiance envers cette profession entamée. Heureusement, il existe quelques techniques pour trouver un professionnel recommandable et respectueux : le bouche-à-oreille auprès de vos amies ou de votre cercle familial, ou des sites/blog comme Gynandco, recensant des professionnels respectueux et inclusifs.

Qu'en est-il en matière pénale ?

Du point de vue pénal, « l’infraction spécifique de violences obstétricales » n’existe pas. En revanche, ces violences, tombent quand même (dieu merci) sous le coup de la loi pénale. Les infractions de harcèlement sexuel, agression sexuelle ou de viol peuvent être retenues. Dans ce cas de figure, on retient aussi qu’elles sont commises par une personne abusant de l’autorité qui lui confère sa fonction, comme étant une circonstance aggravante.

De plus, chaque acte gynécologique ou obstétrical correspond généralement à un article de loi, pouvant venir du code pénal ou de celui de santé publique.

Qu'encourent les coupables ?

Tout dépend quel motif de violence, stipulé dans le code pénal ou dans le code de santé, est retenu. Le site « Témoignages violences obstétricales » énumère les différents articles de loi qui peuvent être retenus et sanctions qui peuvent être encourues, selon le type et le degré de violence. En théorie, un professionnel de santé coupable de tels actes encourt jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle et 150 000 euros d’amende. Dans les faits… Voilà, vous voyez où je veux en venir.

Combien de violences gynécologiques sont recensées en France ?

Aussi étonnant que ça puisse paraitre : il est assez difficile de trouver des données chiffrées sur la question. En 2018, le Haut Conseil à L’Égalité entre les femmes et les hommes réalise une enquête et communique quelques chiffres concernant l’année 2016. On y lit notamment qu’un accouchement sur 5 donne lieu à une épisiotomie, mais que seule 1 femme sur 2 a reçu des explications sur le motif de l’acte médical. 6% des femmes se déclarent insatisfaites du suivi de leur grossesse ou accouchement (c’est environ 50 000 femmes sur 2016). 3,4% des plaintes déposées auprès des instances disciplinaires de l’Ordre des médecins la même année concernent des agressions sexuelles ou des viols commis par des médecins.

Depuis quand la parole se libère-t-elle ?

C’est en 2014, avec l’apparition du hashtag #PayeTonUtérus, que des milliers de témoignages inondent la toile. Oui, c’est relativement récent. A la suite de ça, en 2018, le HCE publie un rapport rendant compte de l’ampleur du phénomène. Des Documentaires, comme « Paye (pas) ton gynéco » de Nina Faure (2018), dénonce ces violences. Fin 2021, plusieurs patientes et étudiants en médecine se sont exprimés publiquement pour dénoncer les actions d’Emile Daraï, gynécologue spécialiste de l’endométriose dans le 20e arrondissement de Paris.

Et puisque aujourd’hui on a décidé d’être un peu sérieux, vous pouvez aussi lire ce top sur les violences faites aux femmes pendant le confinement, ainsi que celui sur les petits conseils pour leur venir en aide. Ça peut sauver des vies. Vraiment. On rappelle aussi que pour dénoncer des violences reçues ou constatées, vous pouvez appeler le 3919. De jour comme de nuit, 7j/7j.

Sources : Femmes actuelles, SO CUP, l’embrasse coeur, Le Huffpost, l’AIVF