Parfois, les films se permettent de simplifier la vie à tel point que ça en devient insultant pour les gens qui vivent, c’est-à-dire tous les gens concernés par la lecture de ce top, c’est-à-dire vous, à moins que vous ne soyez un chien qui parle (et lit le français) auquel cas merci de vous mettre immédiatement en contact avec la rédaction de façon à ce que l’on puisse programmer une interview. Mais parfois, les films compliquent à dessein l’existence de façon à faire survenir des situations dramatiques là où il ne devrait pas y en avoir. On appelle ça amplifier la situation. Ou mentir. Ou faire du buzz.

Le vol d'oeuvres d'art

Dans la plupart des films qui évoquent le vol d’oeuvres d’art, un esthète, façon type qui vole pour le plaisir des yeux mais certainement pas pour une raison aussi nulle que la thune, échafaude un plan complexe, lequel passera nécessairement pas une polka au milieu des lasers, pour piquer un tableau qui terminera affiché tranquillement dans un salon grandiose (on vous a dit qu’on ne faisait pas ça pour la thune, mais pour le geste).

Sauf que dans la plupart des cas, un vol de tableau, c’est un braquage comme un autre. En 2004, les deux types qui ont volé Le cri, de Munch, se sont contentées de sortir des flingues. Et d’autres ont tout simplement cassé des vitrines non électrifiées pour s’arroger plein de statuettes qui valent plein de thunes.

En réalité, les voleurs ne savent même pas combien ce qu’ils vendent vaut : ils doivent attendre la parution d’infos dans les journaux pour savoir le montant de leur butin. Bref, c’est beaucoup moins romantique que ce qu’on dit.

Un interrogatoire de flics

Ok dans les films, le suspect est là et ça tourne à l’affrontement de punchlines entre un flic chevronné qui a arrêté de fumer et un tueur en série qui ne s’en laisse pas compter. On restera là toute la nuit, comme dans Garde à vue, jusqu’à ce que l’un des deux craque et qu’on plie les gaules avec un dossier rempli.

Bon, c’est n’importe quoi. En réalité, il y a deux cas de figure : soit le mec parle, et dans ce cas c’est simplement une conversation avec un avocat qui est présent pour éviter au suspect de se mettre dans la merde. Soit le suspect ne parle pas et dans ce cas on n’insiste pas et on cherche des preuves matérielles pour plus tard. Quoi qu’il en soit ça peut être long, ça peut être chiant, mais ce n’est pas une partie d’échecs complexe, ou alors très rarement. C’est simplement un épisode administratif, en réalité, avec rapport et tout le toutim.

Les premiers moments d'une relation

Au cinéma, voilà ce qu’il se passe : je te rencontre, tu me rencontres, on s’aime tout de suite, on s’aime follement, mais y’a des galères et des malentendus, et puis en plus finalement tu décides de partir avec un/une autre et je dois courir sous la pluie à l’aéroport pour te prouver que je t’aime et alors tu reviens et on est heureux.

Dans la réalité, voilà ce qu’il se passe : on rencontre quelqu’un, on ne sait pas trop quoi en penser, on se voit en se trouvant sympa sans connaître la nature réelle de la relation, puis d’un coup on est dans une relation, on le sait plus ou moins, et alors on se dit qu’on est amoureux, ça on s’en rend compte parce que quand l’autre est pas là on aimerait le voir, puis peu à peu ça s’installe dans la routine et on peut pisser la porte ouverte. Pas d’obstacles, pas de problème, simplement le déroulé linéaire d’une relation spéciale.

L'espionnage pendant la guerre froide

N’en déplaise à James Bond et à Le Carré, les histoires d’espionnage pendant la Guerre Froide étaient super nulles. Il ne se passait rien, en réalité : des agents dormants essayaient de choper quelques infos ou de refiler des fausses informations dans un système à somme nulle où chacun remporte de toutes petites victoires pas très importantes et remplit énormément de dossiers chiants. Toutes les missions secrètes cool, c’était pendant la Seconde guerre mondiale, les gars, quand c’était vraiment important.

Arnaquer les gens

M. Ripley s’entraînant des heures devant la glace pour imiter le phrasé de l’homme qu’il a tué, DiCaprio multipliant les ruses pour arnaquer le monde autour de lui, des heures à fuir et à échapper à des arnaqués revanchards… Mais arnaquer les gens, en réalité, c’est le truc le plus simple du monde. Commençons par les faux : il y a fort à parier que la moitié des fiches de paie présentées aux agences immobilières sont fausses dans un contexte où trouver un appart est un enfer, de même que les garanties apportées aux employeurs quand on postule à un truc important… Mentir, c’est tout simple et la plupart des gens n’ont pas à se forcer pour y arriver. Il en va de même avec les petites arnaques. Et ceux qui en font profession réussissent généralement à disparaître très vite, bien avant que quiconque ne se rende compte de l’arnaque dont il a été l’objet. Îles Caïman, disparition.

Mourir

Dans les films, les mecs se prennent des bastos, souffrent atrocement, disent des derniers mots emplis de sagesse tandis qu’ils entrevoient la lumière et finissent enfin par clamser après avoir lutté longtemps.

Dans la vie, quand tu te prends une bastos dans le ventre, tu as tellement mal que tu tombes dans les pommes. Ensuite, soit tu es soigné, soit tu es mort. Dans tous les cas tu ne luttes pas comme un dingue, tu subis, c’est comme ça. C’est assez facile, de mourir.

Ecrire un tube

Genèse d’un tube au cinéma : travail toute la nuit, alcool, cigarettes, accouchement dans la douleur et tout le toutim. Le lendemain, le producteur tombe des nues : ça va faire un tabac !

Mais écrire un tube, en fait, c’est pas SI dur. De nombreuses études se sont penchées sur les traits communs entre les chansons qui marchent le plus et impriment le plus l’esprit des auditeurs. Si les arrangements en eux-mêmes peuvent avoir un lien avec l’époque, l’écriture, elle, se ressemblera presque toujours. Des mélodies simples, un message pas compliqué et universel : il serait presque possible de fabriquer un générateur de tubes par genre. Ensuite, l’arrangement donnera un genre à tout ça, mais ça c’est le boulot de l’arrangeur, qui est à la fois un peu artiste et un peu technicien. Puis l’enregistrement et le mastering, un boulot de technicien aguerri et HOP dans la boîte. Et ce n’est qu’une fois le truc produit jusqu’au bout qu’on se dira : OK ça va marcher parce que ça va marcher. Mais une mélodie et du texte, en soi, ce n’est rien qu’une mélodie et du texte.

Faire un film

Le réalisateur est au bout du rouleau : il reprend en permanence son script qui ne lui plaît pas, doit gérer avec les égos des comédiens qui ne se supportent pas les uns les autres, quand il n’y a pas des problèmes de dépassement de budget, d’assurances récalcitrantes, de studios méchants et/ou de meurtre sur le plateau.

Ca arrive ; mais la plupart du temps, le réalisateur, c’est un manager, en réalité. Il supervise tout et ne fait rien vraiment. Il dit « oui », il dit « non », il demande des trucs, il regarde, il choisit. Mais les cadres sont assurés par des professionnels, de même que la prise de son, de même que la lumière, de même que le montage… Ce qui ne veut pas dire que TOUT LE MONDE peut y arriver, mais que c’est un genre de boulot comme un autre où l’artistique passe par une foule de détails qui n’ont rien de l’accouchement créatif ; et que gérer une équipe de tournage revient à gérer une équipe de comptables quand on dirige une boîte d’experts-comptables.

Ecrire un livre

Re-rebelote : accouchement impossible de l’oeuvre d’une vie au cours de nuits d’ivresse, de taillage, retaillage, ratures incessantes et douleurs, douleurs, douleurs. Puis démarchage d’un éditeur – mais l’oeuvre est tellement novatrice qu’elle ne trouvera jamais preneur. Plus tard, une fois l’auteur mort, on se rendra compte que c’est un génie.

C’est n’imp’. Personne n’écrit un bouquin en pensant qu’il s’agit d’un chef d’oeuvre et, écrire un livre, c’est comme mener n’importe quel projet : on se fait un plan de travail, puis on avance un peu tous les jours. A la fin, ça peut être réussi ou raté, mais c’est fini, c’est fait, ça existe. Et si c’est pas trop nul, il est généralement possible de trouver un éditeur, au moins un petit éditeur – même si la plupart du temps, ce sera trop nul quand même. Il existe des génies méconnus, mais pas de génies totalement inconnus, du moins s’ils avaient conscience de leur génie.

La soirée de Noël

Au cinéma, elle sera la catharsis d’un dysfonctionnement familial qui aboutira à la confession d’une homosexualité, d’un viol survenu enfant, à des invectives infernales, beaucoup de moments de malaise, une tentative de suicide et bien sûr quelqu’un qui se retrouvera le nez dans la bûche.

En réalité, la soirée de Noël, c’est un dîner. Les gens n’ont pas forcément énormément de choses à se dire, mais l’affaire ne dure pas 3 heures, donc ça passe : on parlera de trucs un peu artificiels et nuls en attendant les cadeaux et en s’arsouillant de pinard, on attendra, on attendra, puis on ira se coucher et rien d’intense ne se sera passé. A moins que l’on vive dans un film danois, cela va de soi.

Par contre, trouver une arme, c’est beaucoup plus dur dans la vie qu’au cinéma.

Sources : Cracked