Sans me lancer dans l’éternel débat qui tente de statuer sur le fait que la suite d’un film est toujours moins bonne que l’original, car on trouve plusieurs contre-exemples probants, il y a quelque chose d’assez intéressant derrière cette manie des studios de vouloir surfer sur la vague d’un succès. C’est d’ailleurs le propos d’une scène du film « Scream 2 » qui est assez bien écrite dans laquelle les exemples du « Parrain 2 » et de « L’empire contre-attaque » sont cités. Si une suite n’est pas forcément signe de médiocrité, on trouve parfois des exemples de scénarios écrits dans l’urgence afin de continuer un succès qui ont finalement donné un tout autre film.

The Hateful Eight (2016)

À la base, le huitième film de Tarantino devait être la suite de Django Unchained, ou plutôt une histoire annexe. Comme le révèle le principal intéressé, il ne souhaitait pas faire une suite au film juste pour faire une suite mais « j’aimais l’idée de faire plusieurs histoires (sous forme écrite) qui pourraient suivre les aventures de Django ou peut-être remonter le temps et montrer plus d’aventures du tandem Django/Schultz ». Le titre « Django in The White Hell » était donc celui du projet et le personnage de Samuel L. Jackson était censé être celui de Django. C’est finalement en cours d’écriture qu’il décide de changer ses plans puisque d’après lui, un personnage aussi héroïque que Django n’avait rien à faire dans une histoire non-héroïque centrée sur des personnalités aussi immorales. Au final le film s’en sort très bien sans la présence de Django et le côté Agatha Christie chez les cowboys fonctionne à merveille.

Minority Report (2002)

Le film de Steven Spielberg était à la base censé être une suite de Total Recall de Paul Verhoeven avec ce bon vieil Arnold Schwarzenegger dans le rôle titre. Les deux scénarios étant adaptés de nouvelles de Philip K. Dick, l’idée originelle des studios était de lier les deux histoires dans le même univers. C’était même David Cronenberg qui était pressenti pour réaliser le projet mais finalement les droits d’adaptations ont été récupérés par la Fox après que le studio Caroloco Pictures ait fait faillite. Du coup pas de femmes à trois seins dans Minority Report et on a finalement eu droit à une adaptation assez réussie et a un bon film de Spielberg qui, quand il s’applique, est toujours capable de faire de très belles choses.

Solace (2015)

Ok, alors croyez le où non, mais le chef d’œuvre de David Fincher « Se7en » a bien failli avoir une suite sobrement intitulée « Ei8ht ». L’idée de base (et quelle idée) était de réutiliser le personnage de William Somerset (Morgan Freeman) à la place de celui d’Anthony Hopkins et de le faire enquêter sur une nouvelle affaire de serial killer. Le souci c’est que la diégèse de Solace amène un petit côté « fantastique » qu’on ne retrouvait pas du tout dans le réalisme froid et implacable de Se7en. Le studio a donc décidé d’abandonner cette idée et de sortir simplement un film qui n’était pas lié à la première œuvre. Et c’est probablement mieux comme ça.

Ghost of Mars (2001)

Pour les fans du personnage de Snake Plissken (Kurt Russel), protagoniste des films « New York 1997 » et « Los Angeles 2013 » du génial John Carpenter, vous ignoriez peut-être qu’un troisième volet avait été prévu et devait s’appeler « Escape from Mars » (les titres originaux des deux premiers étaient « Escape from New York » et « Escape from LA »). La dimension fortement dystopique était encore présente, et c’est à cause de l’échec au box-office de « Los Angeles 2013 » que Carpenter a changé son idée d’en faire une trilogie. C’est finalement « Ghost of Mars » qui sort en 2001 avec Ice Cube dans le rôle titre et qui fait un véritable flop, laissant derrière lui un projet qui aurait pu être prometteur. Ceci étant dit, le personnage Snake Plissken a quand même inspiré l’un des meilleurs personnages de jeux vidéos au monde avec Snake de Metal Gear Solid, et c’est déjà une excellente chose à laisser derrière soi.

E.T. (1982)

L’un des plus gros succès de Spielberg a bien failli être la suite de l’un de ses précédents films « Rencontre du troisième type ». L’idée d’E.T. est inspirée de l’enfance de Steven Spielberg qui s’était imaginé un ami extra-terrestre pour surpasser la période difficile du divorce de ses parents, une anecdote qui apporte d’ailleurs une vision tout à fait différente à l’oeuvre. Mais au moment où il l’écrit, il souhaitait également faire une suite à son succès de 1977 et ce, principalement pour que les studios ne s’en chargent pas personnellement en ruinant son oeuvre comme il estimait qu’ils avaient fait avec « Les dents de la mer ». Cette suite devait alors raconter l’histoire d’une famille terrorisée par des aliens et devenir un mélange de science-fiction et d’horreur, ce qui donnera probablement le terreau de sa vision de « La guerre des mondes » un peu plus tard. C’est finalement grâce à Melissa Mathison, scénariste associée, qu’on a eu le film que l’on connait car elle a convaincu Spielberg de garder son idée d’E.T. telle qu’elle après avoir pleuré à la lecture du scénario.

Le cas de la série Die Hard

Alors accrochez-vous car pour la série Die Hard c’est plein de rebondissements. Le premier film est l’adaptation du roman « Nothing Lasts Forever » qui était la suite d’un autre roman « The Detective » déjà adapté en film avec Franck Sinatra et devait donc être à la base la suite de ce premier film. Finalement on décide d’en faire un film « nouveau » puis, fort de son succès, on réalise rapidement le deuxième volet « 58 minutes pour vivre ». Concernant le 3ème film de la saga « Une journée en enfer », le scénario retenu était à la base destiné à un film avec Brandon Lee, le fils de Bruce Lee, tragiquement décédé dans un accident sur le tournage de « The Crow ». Dans le même temps, deux scénarios sont proposés pour faire la suite de Die Hard, le premier dont le nom de projet était « Troubleshooter » sera refusé et deviendra « Speed 2 : Cruise Control » et qui sera un échec cuisant. Le second, également refusé deviendra « L’arme fatale 4 » avec Jet Li et Chris Tucker. Complexe tout ça.

Predator (1987)

Petite exception de ce top pour le film Predator qui en réalité n’est pas vraiment la récupération d’un scénario de suite refusé, mais possède une genèse tout aussi intéressante si ce n’est davantage. Si je vous dis que cette histoire de militaires qui combattent des extra-terrestres chasseurs ultra-puissants vient d’une blague vous me croyez ? Maintenant si je vous dis que cette blague est liée à un potentiel 5ème volet de la série Rocky, vous me croyez toujours ? Eh bien c’est le cas, puisqu’après Rocky IV, plusieurs personnes d’Hollywood plaisantent sur le fait que si un jour un cinquième film sur le légendaire boxeur devait être fait, il devrait se battre contre un extra-terrestre pour que ce soit un combat égal. Il n’en fallait pas plus pour quelques scénaristes qui ont commencé à écrire en partant de cette vanne un scénario intitulé « Hunters » qui deviendra finalement Predator.

Colombiana (2011)

Vous vous êtes déjà demandé ce qui arrivait après le film à Mathilda, la gamine tueuse interprétée par Nathalie Portman dans « Léon » de Luc Besson ? Non ? Bon, moi non plus. Mais Luc Besson, si. C’est le projet de base d’un scénario sobrement intitulé « Mathilda » (oui parce que Luc Besson appelle 90% de ses films par des prénoms : Léon, Lucy, Angel-A, Nikita, Arthur et les minimoys, Jeanne d’Arc, Anna…). Besson garde alors le scénario sous la main en attendant que Nathalie Portman prenne de l’âge puisque le film est censé montrer le personnage adulte. Le souci c’est qu’entre temps Besson monte son propre studio et que la compagnie Gaumont l’a un peu mauvaise et décide de garder le scénario. Finalement il réussit à produire le film mais ne le réalise pas, le nom de l’héroïne est alors changé et c’est Colombiana qui arrive sur nos écrans.

Soldier (1998)

Ce film d’action du dimanche avec Kurt Russel n’est pas un immanquable à mon humble avis (principalement parce que je ne suis pas un immense fan de son réalisateur Paul W. S. Anderson à qui on doit la série de films Resident Evil). Quoi qu’il en soit, le scénario de ce film a été écrit par David Webb Peoples, également auteur du scénario (adapté d’un roman de K. Dick) de l’excellent « Blade Runner » de Ridley Scott. Eh bien figurez vous que « Soldier » est supposé être la suite de ce dernier. Effectivement, les super-soldats se battent contre des ennemis (les « replicants »), une allusion à la fameuse « Tennhauser Gate » est glissée dans les dialogues et on voit une voiture « Spinner » dans une scène. Bon, en vrai ça s’arrête là puisque l’ambiance d’enquête « néo-noire » de Blade Runner est ici remplacée par de l’action à la con, mais voilà, ça se passe dans le même univers quand même. Ça fera probablement relativiser les fans les plus sceptiques sur la « vraie » suite au film réalisée par Denis Villeneuve.

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Il n'a pas souffert, promis

Roger Rabbit (1988)

Le chef d’oeuvre de Robert Zemeckis est entouré de pas mal d’anecdotes intéressantes, comme le fait que l’acteur Bob Hoskins est qui a vrillé sur le tournage à force de parler à des toons « absents » ou qu’il est en réalité basé sur une histoire vraie (le scandale des tramways des années 1930). Le scénario de Roger Rabbit s’inspire de trois sources différentes : la première est ce scandale des tramways, la seconde un roman avec des personnages de Toons beaucoup plus adulte « Qui a censuré Roger Rabbit » et la troisième est le scénario qui est censé être le troisième volet de la « Chinatown series ». Le premier film « Chinatown » de Roman Polanski montre une enquête de Jake Gitty (Jack Nicholson) dans le quartier de Chinatown et empreinte énormément de codes au « film noir » des années 30-40 (codes qu’on retrouve également dans Roger Rabbit dans le personnage du détective privé désabusé). Chinatown avait eu une première suite intitulée « The Two Jakes » réalisée par Nicholson lui-même mais qui avait fait un flop. Du coup ce scénario de troisième volet n’est pas accepté pour continuer la série et on décide de le retravailler et hop… Un film pour enfants devenu culte.

Bon ça en fait des suites avortées et retravaillées. Et franchement quand on regarde bien il y en a quelques unes qui font envie (et beaucoup qui font peur. Vous pouvez aller voir les suites qui ont failli exister et les suites qui sont meilleures que l’original, c’est vraiment cool également.

Sources : Screenrant, Ranker, Cracked.