« Non mais t’as vu les derniers sondages ? Le Pen est remontée de ouf putain ! » Avouez, vous avez entendu cette phrase entre une et quinze fois ces derniers jours. Le Pen remonte, Zemmour s’approche du palier de la honte, Pécresse a touché le fond, mais creuse encore, Macron dégringole, mais reste en tête, Arthaud n’a pas passé la barre des 2% : OK. Tout ça, c’est bien beau, mais les « sondages », c’est un peu flou pour nous, en fait. On les voit partout, mais on ne comprend pas tout ! Alors bon, sympas comme nous sommes, on va essayer de répondre à quelques questions, manière d’y voir un plus clair dans la tambouille, à quelques jours des élections.

Qu'est-ce que c'est, un sondage ?

Par définition, un sondage est « une enquête statistique visant à donner une indication quantitative, à une date déterminée, des opinions, souhaits, attitudes ou comportements d’une population par l’interrogation d’un échantillon » (une partie des habitants). Les sondages d’opinion ne sont pas tout jeunes ! Les premiers remontent aux années 1850. Aux USA, en même temps que la diffusion de la presse d’opinion gonfle, les journaux organisent les « straw polls » (votes de pailles). Ils demandent alors à des habitants de leur retourner un coupon avec leur intention de vote et complète leur panel en allant directement dans la rue.

A quoi ça sert dans le cadre d'élections présidentielles ?

Il y a plus de 150 ans ou aujourd’hui, l’objectif est le même (contrairement à la méthode, qui a évolué) : mener des consultations électorales avant l’échéance politique officielle, afin de dessiner les tendances, de rendre compte de l’avis majoritaire en n’interrogeant qu’une partie de la population concernée. On aurait tendance à dire que ça ne sert finalement pas à grand-chose d’essayer de prévoir les résultats, mais en réalité, dans un cadre électoral, l’enjeu est énorme pour les candidats ! Publiées dans tous les médias, ces enquêtes peuvent influencer les votes, en disqualifiant un candidat présenté comme peu soutenu, ou en donnant de la force à un autre, affiché bon premier. D’après Anne Levade, juriste à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, il y a aussi un enjeu de transparence. Elle déclarait à Ouest France « Cette donnée participe presque à la transparence du processus électoral. Une interdiction des sondages rendrait la campagne comme une sorte de boîte noire où on ne sait pas ce qu’il se passe vraiment ».

Qui constitue le fameux "échantillon" ?

En somme : « Qui est interrogé » ? Eh bien, cet échantillon est censé être le plus représentatif possible de la population. Toujours dans le cadre des élections présidentielles, l’idée est de reconstituer une sorte de « France miniature » avec le même pourcentage d’hommes, de femmes, de personnes aisés ou à l’inverse, en difficulté financière, etc… que ceux propres à la France. Par exemple, sur un échantillonnage de 1000 individus, il faudrait que 137 personnes aient entre 18 et 29 ans, puisque 13,7 % de Français appartiennent à cette tranche d’âge. Vous suivez ? Chaque institut dispose en fait d’un panel, dans lequel il pioche pour créer ses échantillons. Notez que pour être interrogés, ces citoyens doivent se porter volontaires et disponibles au moment du sondage (ce qui, du coup, peut forcément créer un biais). Pour savoir à qui vous fier : on estime que dans le cadre des intentions de votes, il faut interroger au moins 1 000 personnes. En dessous de 500, les résultats seraient trop imprécis.

Qui les réalise ?

En France, il y a neuf principaux instituts de sondages, parmi lesquels l’Ifop, l’Ipsos ou le CSA. Dans ces sociétés, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, le sondage d’opinion n’est pas la principale source de revenus ! On estime que ces derniers participent, en moyenne, à hauteur de 5 % à 15 % au chiffre d’affaires total de ces entreprises.

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Il n'a pas souffert, promis

Où est-ce que c'est réalisé ?

Eh non, dans le cadre des présidentielles, ce n’est pas un employé, stylo à la main, qui vous questionne aléatoirement dans la rue ! Les sondages d’opinion se font par téléphone, et même en ligne. Bien que cette présence sur internet ait des avantages, comme la facilité d’accès et le fait que les sondés n’aient plus peur des jugements (confère dernier point), elle encourage également de nouveaux biais. Par exemple, Luc Bronner, journaliste pour le Monde, a expliqué comment il avait pu répondre plusieurs fois à un même sondage en multipliant les fausses identités, sans ne jamais être démasqué.

Combien de sondages présidentiels sont réalisés avant une élection ?

Non, parce qu’on a un peu l’impression d’en voir des nouveaux tous les jours en ce moment… Ah ? C’est largement le cas ? En période présidentielle, les sondages se multiplient et le nombre d’enquêtes réalisées grandissent de quinquennat en quinquennat (ou de septennat en septennat, si on remonte plus loin dans le temps). La Commission des sondages estime à 560 le nombre de sondages réalisé dans le cadre des élections de 2017, 409 en 2012, 293 en 2007 ou encore, 193 en 2002. En 50 ans, ce nombre a été multiplié par environ 40 !

Est-ce que le sondage fait bien état de toutes les réponses des sondés ?

Eh bien, non. Pas vraiment. Certains instituts écartent les réponses des personnes qui ne sont pas sûres et certaines de leur intention de vote. En clair, certains sondeurs demandent à l’interrogé d’estimer la certitude de son vote sur une échelle de 1 à 10. Tous ceux qui ne répondent pas 10 ne sont pas comptabilisés.

Comment sont encadrés les sondages en période électorale ?

Ils sont très encadrés. Les instituts sont soumis à des obligations strictes (listées dans le point suivant). Ils doivent également être déclarés à la Commission des sondages, et ceux, avant toute publication. Parmi les interdits : publier, diffuser ou commenter n’importe quel sondage d’opinion, peu importe le moyen, la veille et le jour même de l’élection. La loi votée en 1977 fixait cette interdiction à une semaine avant le déplacement aux urnes, mais a été réduite à ces deux jours en 2002.

Quelles indications doivent obligatoirement apparaître sur un sondage ?

La loi de modernisation des règles applicables aux élections et à l’élection présidentielle du 25 avril 2016 étend la liste des obligations fixées par la loi de 1977. Désormais, toute première publication ou diffusion d’un sondage doit être accompagnée du nom de l’organisme de sondages, de l’acheteur ou éventuel commanditaire, du nombre de personnes interrogées, de la date des interrogations, du texte intégral de toutes les questions posées, d’une mention précisant que tout sondage peut présenter une marge d’erreur, de la marge d’erreur elle-même, et enfin, d’une mention indiquant le droit de chacun à consulter la notice. Des éléments à vérifier, donc, avant de considérer les résultats présentés.

C'est quoi, "la marge d'erreur" ?

Comme son nom l’indique si bien, « la marge d’erreur » correspond au niveau d’incertitude d’un sondage. Cette marge se situe normalement entre 1 et 3. Forcément, plus la marge d’erreur est importante, moins le sondage et fiable, et vice-versa. D’ailleurs, cette marge d’erreur ne considère que celles liées à l’échantillonnage. Il faut alors garder à l’esprit que d’autres éléments (confère point suivant) peuvent également biaiser les résultats.

Par exemple, si un candidat est crédité à 20% des intentions de vote, avec une marge d’erreur de 2 et un niveau de confiance de 99% : il faut comprendre « ce candidat à 99% de chance de recevoir entre 18% et 22% des votes ».

Bonus : est-ce que c'est fiable ?

Je pars du principe que, si on se demande, c’est que non, right ? Les sondages se veulent un maximum représentatif, mais il existe une multitude de biais qui peuvent fausser les résultats, et donc, les prévisions. Par exemple, comme évoqué au point 2, la question des sondés : le fait de se porter volontaire et non pas d’être choisi aléatoirement est une variable non négligeable. De la même manière, les sondés sont des humains qui peuvent répondre ce qu’ils veulent : c’est moins le cas depuis que la démarche se fait en ligne, mais tout de même, il arrive que quelques habitants mentent sur leurs intentions de peur d’être jugés. La liste des raisons pour laquelle un sondage n’est pas à 100 % fiables est bien longue, mais si on devait l’illustrer d’un seul exemple : Le Pen, au deuxième tour en 2002, pourtant annoncé perdant par tous les sondages.

Nous terminerons par cette phrase de Loïc Blondiaux, professeur politique à France info : « En aucun cas, le sondage n’est capable d’anticiper une réalité qui adviendra. Même à un ou deux jours de l’échéance, il n’y a aucune garantie qu’un mouvement de dernière minute ne viendra pas le contredire. » En somme, un sondage est une sorte de photo des intentions à un moment donné, mais ne constitue pas une réelle prédiction. C’est plus clair ? Oui ? Top. Maintenant, plus qu’à choisir votre candidat… Ouais, là aussi, c’est compliqué ! Si vous êtes un peu à la masse, sachez qu’on vous a résumé leurs programmes en quelques mots.