Le 5 décembre aura marqué les esprits par l’ampleur de la mobilisation. Entre les manifs, les casseurs et les luttes pour choper un vélo, on aura vécu de beaux moments. Et la reconduction de la grève laisse entendre que celle-ci pourrait durer. Mais pour le moment, le mouvement actuel ne fait pas partie des plus importantes grèves de l’Histoire française. Sans remonter à l’an 1200 et sans rentrer dans trop de détails histoire de ne pas dire de conneries, on vous livre ici le palmarès des grèves françaises les plus marquantes, les plus longues, les plus suivies. Et les grèves les plus longues du monde vous sont racontées ici.

Les grandes grèves de 1947

Au sortir de la guerre, la situation n’est pas gégène en France et le plan Marshall n’est pas encore arrivé. L’inflation est énorme et le rationnement toujours de rigueur. La régie Renault se mobilise fin avril pour demander une amélioration des conditions de travail et, très rapidement, le parti communiste, alors très puissant, s’en mêle. Et comme le plan Marshall arrive, les communistes démissionnent du gouvernement et le PC est très très très vénère. On bascule dans la guerre froide et dans la grève chaude, avec 3 millions de grévistes pour un total de 23,5 millions de journées de travail perdues. Et on envoie les CRS. La grève reprend de plus belle en novembre après la victoire du RPF aux élections et gagne les mines, notamment dans le Nord. Le tout se termine doucement fin décembre.

La commune de Paris (et les autres communes françaises)

Du 18 mars au 28 mai 1871, Paris se dote d’un gouvernement autogéré suite à la défaite française contre les Prussiens et au siège de Paris. Est-ce une grève ? De fait, on ne bosse plus comme avant et on se mobilise pour défendre la commune. D’inspiration libertaire et solidaire, le gouvernement de la commune se prépare à la riposte des Versaillais, le gouvernement Thiers réfugié à Versailles. Bref, on connaît tous l’histoire qui a duré 2 mois. On sait moins que les Lyonnais et les Marseillais aussi se sont dotés d’une commune similaire, paralysant largement le pays si l’on considère qu’un pays qui ne produit pas est paralysé.

L'année 1968

150 millions de journées non travaillées pour toute l’année 1968. On résume trop souvent les événements de 68 à ce qu’il s’est passé à Paris aux mois d’avril, mai et juin, mais les grèves de 1968 concernaient tout le territoire. La grève générale est décrétée le 14 mai et touche de nombreux secteurs dans l’automobile (alors industrie reine) avant de s’étendre dans toute la France. Le mouvement prendra fin avec la razzia gaullistes aux législatives anticipées organisées pour casser le mouvement.

Les grandes grèves de 1936

En mai et juin 1936, une grève générale est décrétée dans le pays. Après la victoire de la SFIO aux élections législatives et un peu contre-intuitivement, les usines Bréguet du Havre se mettent en grève suite à des licenciements d’ouvriers qui avaient refusé de travailler le 1er mai, jour de la fête du travail. Les grèves gagnent tout le pays. Des rassemblements rameutent plusieurs centaines de milliers de personnes en souvenir de la Commune de Paris, les usines sont occupées et des comités de grève montés. Une fois le gouvernement investi, des accords sont passés pour mettre fin aux occupations d’usine.

La révolte des vignerons de 1907

Cet épisode méconnu de l’histoire contemporaine a commencé par une récolte catastrophique dans les vignes du midi de la France, à laquelle s’ajoute une crise de surproduction et la concurrence des vins étrangers. Les petits producteurs sont ruinés et entraînent dans leur chute une partie de la population (commerçants, négociants en vin) qui s’accordent pour démarrer une grève fiscale dans la commune de Baixas : la ville suspend l’impôt. La grève débouche sur d’immenses manifestations (jusqu’à 800.000 personnes à Montpellier le 9 juin 1907) qui vont durer jusqu’en juin. Cependant, le gouvernement Clémenceau lance un ultimatum et, celui-ci n’étant pas respecté, il décide de mater la révolte dans le sang. Fin juin, la troupe assiège plusieurs villes dont Narbonne. La crise se résoudra grâce à une exonération d’impôts des vignerons sur leurs récoltes de 1904, 1905 et 1906. Bientôt, le basculement dans la guerre résoudra le problème de surproduction.

Les grèves de 1953

9,7 millions de journées de travail perdues lors de ces grèves de l’été 1953 et essentiellement suivies par les fonctionnaires. C’est déjà l’âge du départ en retraite des fonctionnaires qui pose question : avec des finances amoindries par le coût des guerres de décolonisation, le gouvernement décide par décret-loi de repousser cet âge de deux ans. Evidemment, les fonctionnaires se mobilisent et la grogne, commencée aux PTT, gagne finalement tous les secteurs. Les décrets-lois sont adoptés mais des négociations commencent avec les syndicats. Elles aboutiront, grâce à la CGT, à un accord satisfaisant aux alentours de la rentrée.

Les grandes grèves de 1995

Entre 1995, le nombre moyen de jours de grève a été 6 fois supérieur à celui des années 82-94. La plan Juppé visait à réformer le système des retraites et la sécurité sociale : au total, pendant les deux mois de novembre et décembre, on a recensé des grèves et des manifestations dans quasiment toutes les grandes entreprises privées et publiques. Outre la grève des transports, très visible, les rassemblements ont mobilisé jusqu’à deux millions de personnes. Au final, le gouvernement retirera sa réforme des retraites, engendrant la fin du mouvement.

La grève des mineurs du bassin houiller d'Alès de 1981

Cette grève, si elle n’est pas la plus massive, a été toutefois la plus longue d’Europe : du 5 mai 1980 au 10 juin 1981, les mineurs du bassin houiller d’Alès ont occupé la mine Ladrecht-Destival suite à la décision prise par l’exploitant de fermer la mine. Le record tient encore quant à la durée de cette grève.

La grande grève des PTT de 1974

3,37 millions de journées de grève. La victoire de Giscard laissait entrevoir aux employés des Postes un début de privatisation du service : dès lors, les fonctionnaires se sont massivement mobilisés contre cette idée, entraînant avec eux tous les défenseurs du service public dans son ensemble. La grève prend fin en décembre lorsque Jacques Chirac propose aux syndicats de discuter de revalorisations salariales.

Les grèves de 2003

La dernière grande grève, contre le plan Fillon de réforme des retraites. Pas de grève générale mais d’importantes mobilisations, notamment dans la fonction publique, chez les enseignants et les cheminots. C’est en lâchant un peu de lest que le gouvernement réussira à profiter de l’érosion du mouvement, lequel prendra fin à l’été.

Par ici les tweets sur la grève du 5 décembre. Grève-toi et marche.