Mettons-nous d’accord : ici, nous n’évoquerons pas les films de Lynch, d’Antonioni et encore moins les délires métaphysiques imbriqués de Nolan. Non, ici, nous parlons de films relevant généralement du genre du thriller ou du moins de l’enquête dans lesquels la compréhension de ladite est absolument impossible au premier visionnage. Parmi tout ça, on trouve évidemment de très grands films – mais de très grands films qu’il vaut mieux revoir pour les comprendre réellement.

La Taupe

Alors c’est l’histoire d’un mec… Enfin non. C’est l’histoire d’une taupe. Au MI5. Ou au MI6. Je confonds toujours. Attends, attends. Non, c’est un mec qui cherche une taupe. Et c’est Gary Oldman. Mais au début, y’a un mec qui est mort en Allemagne. Ah et en fait il est pas mort. Oh tiens, mais c’est Benedict Cumberbacht avec des cheveux blonds… ? Attends il joue qui déjà ? Ah ? Et là, ah bah ouais… Colin Firth. C’est le méchant, forcément. Ouais. Bon.

Cela dit, le deuxième visionnage est beaucoup plus clair.

Get Carter (version 71)

Je dis version 71 parce que je n’ai pas vu celle des années 2000 avec Stallone. Mais en gros si on comprend bien, Michael Caine est un vilain, il revient à Newcastle pour venger la mort de son frère et se retrouve à chercher le responsable de sa mort. Seul hic : il y a 72 personnages qui ont des prénoms proches et dont on parle en les mélangeant en continu et en simultané. « T’as pas vu Eric ? Et Alfred ? Et Cyril ? Et tu sais si Margaret était avec Doreen au moment des faits, Cynthia ? » Toutes les 2 secondes, un nouveau personnage, qui n’est jamais présenté. Sans compter sur les montages en parallèle.

Cela dit, c’est très bien, hein, dans le genre thriller imbitable.

Conversation secrète

Mettons-nous d’accord : c’est peut-être mon film préféré de la terre de l’univers. Mais reconnaissez que c’est pas non plus facile facile à comprendre : un spécialiste de l’écoute est chargé par un inconnu d’enregistrer une conversation entre un homme et une femme ; or, la conversation est anodine, donc il essaie de comprendre ce qui pouvait intéresser son commanditaire et conclue que celui-ci veut faire assassiner sa femme. Là, on part en mélange entre fantasme et réalité. Et c’est à peu près à ce moment-là qu’on se retrouve avec une séquence d’une demi-heure dans un genre de salon de l’enregistrement sonore et de la surveillance façon Porte de Versailles, sans aucun lien avec l’histoire. Ensuite, des intermédiaires font intermédiaire pour d’autres intermédiaires et on ne sait plus qui est qui.

Inherent Vice

Le film adapté du bouquin de Pynchon est absolument incompréhensible au premier visionnage. Genre de néo-noir dans un Los Angeles 70ies complètement défoncé, il est à l’image de son héros : décousu. Une intrigue bizarre (une ex-copine d’un détective privé disparaît et il part à sa recherche, mais en fait elle n’a pas disparu, mais en fait si, entre temps un saxophoniste accro aux amphets est déclaré mort mais en réalité il n’est pas mort parce qu’il se fait passer pour quelqu’un d’autre auprès du groupe avec lequel il jouait auparavant, mais ses membres sont tellement stones qu’ils ne le reconnaissent pas…), des scènes surréalistes, notamment celle où Josh Brolin se met à hurler en japonais, des digressions par milliers… Il faut vraiment aimer le film noir. Mais au deuxième visionnage, cela devient beaucoup plus clair – enfin autant qu’on puisse le dire.

Le Grand sommeil

Alors là, c’est peut-être le classique le plus indéchiffrable de l’histoire. Même Chandler, à l’origine du bouquin, n’y comprenait rien. Même Howard Hawkes, qui a fait le film, n’y comprenait rien. Idem pour les producteurs. Mais putain Bogart est tellement classe : que voulez-vous ?

Zodiac

Ok donc Fincher s’est dit : on va suivre l’enquête sur un tueur en série à travers le regard d’un dessinateur de presse. Bizarre ? Peut-être. Mais le plus bizarre, c’est de choisir une enquête qui n’a pas été résolue, en fait. Parce que du coup, bah… On suit des pistes. Ah tiens ! Une piste ! Ah elle donne rien. Oh ! Une autre piste ! Ah non, elle ne donne rien non plus. Si on en suivait une troisième… ? Ah ouais… Rien non plus. Bon. C’était quoi l’histoire déjà ?

Blade Runner

Attendez, je vais pas commencer à dire du mal du meilleur film noir futuriste de tous les temps (avec un peu sa suite). Mais reconnaissez que c’est quand même un drôle de truc, cette histoire. A peine le temps de comprendre l’univers dans lequel humains et réplicants cohabitent, mais où des humains sont payés pour traquer les réplicants et les tuer qu’on a une histoire d’amour naissante entre un robot et un humain, à moins bien sûr que l’humain en question ne soit un robot, ça on ne le sait pas vraiment, mais de toute façon entre temps il y a douze mille scènes avec des personnages qu’on ne connaissait pas encore qui interviennent un peu en dehors de l’histoire, un peu dedans, en parlant de manière alambiquée.

Gosford Park

Agatha Christie sans le plaisir. C’est une des rares plantades de Robert Altman, ce film : 15 invités, autant de domestiques, et c’est parti pour Dix petits nègres mais sans aucune intrigue. Discussions aux cuisines, discussions dans la salle, vannes de vieilles dames, satyre sociale… Il est où le meurtre qui est censé donner un peu de piquant au huis-clos ? Je me suis planté de film ? C’est du Ken Loach, en fait ?

Charade

Il se trouve que j’adore Stanley Donnen et que ça me fait beaucoup de mal de dire que Charade est incompréhensible. Mais, comme son nom l’indique et plus encore, il s’agit probablement d’un des films les plus à tiroirs de l’histoire de la terre. On dirait les 8 salopards avec moins de punchlines. 6 méchants se succèdent dans une sorte de méli-mélo incompréhensible. Cary Grant et Audrey Hepburn sont géniaux de cabotinerie, mais on ne comprend strictement rien à leurs personnages, d’autant que Cary Grant ne cesse de mentir sans que le spectateur comprenne s’il ment à son intention ou à celle de sa partenaire à l’écran. Alors ça, c’est intrépide ; mais absolument abscons. Et génial, pourtant.

Chinatown

Encore un néo-noir, encore un film opaque. Nicholson est engagé par une femme pour suivre son mari qu’elle pense infidèle. Mais le mari en question est le type le plus rangé de la terre et finit par trouver la mort. Alors là, on atterrit dans une histoire de marché public d’approvisionnement des eaux. Et on se rend compte que la femme en question n’était pas la femme du mec qu’il devait suivre. Mais comme le mec est mort, la vraie femme du mort engage Nicholson pour qu’il mène l’enquête. Là, on croise des magnats d’industrie et des cons en tout genre, des coups de battes dans la gueule et des petites filles abusées. On regarde, on adore, on est bien, mais on cesse toute tentative de compréhension de l’histoire dans son ensemble illico.

Rien ne sert de comprendre, il faut citer à point.