28 Mars 2014, je suis au Point Zéro, un petit bar chatoyant de la rue Paul Lelong dans le deuxième de Paname. J'attends patiemment l'homme que le monde entier vénère, mais dont personne ne connait le visage. Un peu excité, car il m'a fallu plus d'un an pour réussir à convaincre Jean Jacques Internet de nous accorder un bref entretien, je sirote un demi en terrasse. Puis il arrive, pile à l'heure, en nu-pieds et Ray-Ban un sourire au coin des lèvres. Le jeune homme respire l'assurance et la réussite. Il faut dire que son business commence sacrément à bien tourner. Rencontre avec le type qui a changé vos vies et la nôtre :

Salut Internet ou Jean Jacques, on ne sais pas trop comment vous appeler en fait ?
Vous pouvez m'appeler Internet. Mes amis m'appellent Jean Jacques, voire Gigi, mais pour l'instant on va rester sur Internet si vous le permettez.

Mais c'est bien normal. Vous buvez quelque chose ?
Un coca-mentos. La dernière fois que je me suis mis une cuite, j'ai inventé Skyblog pour me marrer, depuis je fais gaffe.

Comment fait-on pour être aussi célèbre tout en restant discret ?
L'important c'est de ne pas se donner aux médias. Je n'ai jamais eu besoin d'eux. Je me suis même construit contre eux. Après m'avoir beaucoup craché dessus au début, ils savent qu'ils ont besoin de moi aujourd'hui, du coup ils changent de ton. C'est marrant comme la roue tourne. Moi mon attitude reste là même : discrétion et sérénité. Je n'accepte donc de me montrer que quand c'est vraiment sérieux. C'est pour ça que j'ai accepté votre invitation.

Merci Jean Jacques, sérieux ça fait zizir
Je vous prierais de rester distant par contre. On n'a pas inventé MySpace ensemble mon vieux, tenez vous un peu. Je vous prierais de continuer à m'appeler Internet

Veuillez m'excuser, je suis juste très perturbé de vous voir en vrai
C'est normal, ça fait ça à tout le monde...

"Je me suis tenu au courant de ce qui se faisait et j'ai amélioré certains concepts"

Internet... c'est norvégien comme nom ?
Mes lointains, lointains ancêtres viennent de Scandinavie, mais je suis né aux États-Unis...

Commnent Luc TV a pris votre expansion. On peut dire que vous lui avez pris quelques trucs au début non ?
C'est vrai qu'évidemment j'ai grandi avec le boulot de Luc. Mais je crois que lui-même avait tout pris à mon grand-oncle Gilles Radio, donc vous voyez je suis pas sûr qu'on puisse parler d'influence. Disons que je me suis tenu au courant de ce qui se faisait et que j'ai amélioré certains concepts. Après quelques frictions, on peut dire qu'on est en bon terme Luc et moi. J'ai besoin de lui, il a besoin de moi. Même si en ce moment c'est plus lui qui a besoin de moi (rire gras)

La rumeur dit que vous relisez tout ce qui est produit avant de le publier, c'est vrai ?
Il ne faut pas croire tout ce qu'on lit sur moi. J'ai une vie à côté, des loisirs, une famille, mais c'est vrai que ce petit projet au départ a largement dépassé mes intentions. Alors il faut réussir à mettre des barrières, il y a un cœur qui bat derrière la grosse machine. Ma femme me dit souvent "Jean-Jacques, décroche". Maintenant, j'ai accepté de ne pas pouvoir regarder toutes les vidéos de YouTube dans la journée, c'est un bon début :-)

jeanjacques
source photo : Jordy Buisson

S'appeler Internet, ça doit imposer une certaine responsabilité non ?
C'est évident et c'est parfois un peu pesant. Imaginez que du jour au lendemain, vous pouvez parler à plus de 3 milliards de personne en même temps... D'abord vous vous demandez ce que vous allez leur dire. Et puis avec le temps, cette peur s'estompe, on s'y fait. Je n'ai plus l'angoisse de la page blanche quand je commence une page Wikipedia.

"Bernard Minitel me le disait encore hier "regarde devant, la roue tourne très vite"."

Vous n'avez pas de compte Twitter, c'est un peu bizarre...
(Il commande une coupe de champagne) Disons qu'il faut faire des choix, et je ne peux pas tout faire. Je sais que Dieu a son compte Twitter, pas si terrible que ça d'ailleurs, mais moi je m'y refuse pour le moment. Mais j'ai évidemment réservé le compte @internet, ne cherchez pas !

Le bon vieux temps du Modem 56k, ça vous manque ?
Non, le bon vieux temps c'est maintenant, il ne faut pas regarder en arrière. Bernard Minitel me le disait encore hier "regarde devant, la roue tourne très vite". Alors on fonce. La grande bataille du moment pour moi, c'est le mobile. Il faut que je sois accessible d'à peu près partout, mais si ça me rend la vie parfois encore plus difficile qu'avant.

Vous savez d'où viennent finalement tous ces spams pour envoyer de l'argent ou agrandir son pénis ?
On cherche, c'est pas si facile, les mecs sont très malins. On en viendra à bout, on est sur une piste sur un continent proche, mais je ne peux pas en dire trop pour le moment #secret #onvousaura.

"J'adore les chats !"

On vous dit amateur de chats c'est vrai ?
Héhé. Oui je les adore. Faut dire qu'ils sont mignons. Mais il faut que j'arrête, ils commencent à prendre trop de place dans ma vie. Mes proches deviennent jaloux.

Je m'excuse d'avance, mais je vais être obligé de parler d'Étienne Troll
(Il prend un air solennel, et sort une cigarette)

(Je préfère prendre mes précautions) Je peux ?
Allez-y. Je savais bien qu'on serait obligé d'en parler...

Comment vivez-vous son succès ?
Ben, au début ça m'a fait rire (pause grave , on le sent attristé)...comme tout le monde en fait. On était plutôt en très bons termes lui et moi. Et puis, il a poussé la vanne un peu loin et je crois qu'il est manipulé par les mauvaises personnes. C'est assez triste parce que c'était un des meilleurs, voire le meilleur. Je ne peux pas faire comme s'il n’existait pas, mais il doit comprendre que je dois le combattre. Que ce soit avec Michel Modo ou Henri Loi on essaie de limiter son action du mieux, que nous le pouvons.

Continuons sur les sujets graves. L'expansion du porno illégal vous le prenez pour vous ?
(Visiblement agacé) Qu'est ce qu'on doit faire ? Laissez Luc TV régler la consommation comme c'était le cas avant que j'arrive. Faire payer les gens un abonnement pour un film passable une fois par mois ? Ne parlons pas de son offre gratuite du dimanche soir qui était une pure fraude... Je préfère le système actuel qui s'il est vrai comporte des dérives, a le mérite d'offrir un large choix.

Votre femme ne doit pas être contente que 50 % de votre boulot soit dans cette branche
Laissez Jeanine en dehors de tout ça... Nous sommes très clairs sur ce point-là...

"Excusez-moi, c'est Facebook [...] il me harcèle en ce moment

C'est important la famille ?
Bien sur, c'est primordial. Dès que je prends un peu le melon, ils sont là pour me remettre les pieds sur terre. J'aurais pu partir en couille comme les autres. Je pense à mes potes Bebop et Tamtam qui s'en sont brûlés les ailes. J'ai perdu trop de potes pour me laisser partir en fumée.

Pensez-vous un jour répondre aux fans qui vous traquent dans la rue ?
Héhé, oui j'avais vu ça. Ecoutez c'est marrant et j'aimerais répondre à toutes les sollicitations, mais comme vous l'avez compris je suis assez occupé..(Coup du destin, son téléphone sonne il s'excuse en disant, "excusez-moi, c'est Facebook, je suis obligé de me répondre il me harcèle en ce moment, il revient au bout de quelques instants). On disait quoi ?

On parlait des fans...
Oui, et bien pour l'instant ça va. Bien sûr au début, c'était dur surtout avec les gonzesses. C'est vrai qu'on a beaucoup de contact quand on est dans ma branche. Mais depuis que je suis avec Jeanine, je me suis posé.
(La conscience professionnelle nous oblige à raconter que pendant qu'il nous dit ça, Jean Jacques est en train de violer du regard une des petites serveuses...)

Ecoutez, je crois qu'on a tout
Parfait. C'était un plaisir. Et longue vie à Topito mag, même si je dois bien vous avouer que j'aimais bien le truc des listes. C'est un vieux concept à moi, mais vous l'aviez bien sublimé mes connards. Allez vous pouvez m'appeler Jean Jacques...

Salut Gigi
Poussez pas non plus....

Je finis ma bière et je quitte le Point Zéro. Je laisse Jean Jacques à ses serveuses. C'est bizarre, mais après une heure avec lui je n'ai pas l'impression d'en savoir plus. Juste le sentiment étrange, d'avoir rencontré une légende, en chair et en web.

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