L’ALCOOL C’EST DU CACA, on en convient, mais il n’empêche que nous sommes issus de générations et générations d’alcooliques. Quand on pense qu’ils se mettaient une dizaine de bouteilles dans la tronche tous les jours, c’est un miracle que l’humanité ait survécu. En plusieurs millénaires, les êtres humains alcooliques que nous fumes ont eu le temps d’inventer plein de chansons à boire, de poèmes, de textes, qu’ils hurlaient en cœur quand ils faisaient ripaille.

Poème de l'antiquité grecque

« La terre en buvant devient noir

Les arbres à leur tour boivent la terre,

La mer boit les brises du vent,

Le soleil boit la mer

Et la lune boit le soleil,

Pourquoi me combattez-vous, compagnons,

Alors que moi aussi je veux boire ? »

Étrange poème antique que j’ai retrouvé dans un obscur manuel de Grec. Petit moyen mnémotechnique : en Grec ancien, « je bois » se dit comme « pinot », une anecdote fort pratique pour tous les amateurs d’alcoolémie antique.

Tourdion - XVIe

« Quand je bois du vin clairet

Ami tout tourne, tourne, tourne, tourne

Aussi désormais je bois

Anjou ou Arbois

Chantons et buvons, à ce flacon faisons la guerre

Chantons et buvons, les amis, buvons donc ! »

Nous devons cet air charmant au XVIe siècle, où, semble-t-il, il s’accompagnait de cabrioles enflammées, puisque le Tourdion est le nom de la danse qui accompagnait cette délicate chanson.

Vive Henri IV - XVIe

« J’aimons les filles,

Et j’aimons le bon vin

J’aimons les filles,

Et j’aimons le bon vin

De nos bons drilles

Voilà le gai refrain

J’aimons les filles

Et j’aimons le bon vin ! »

Petit extrait de la chanson « Vive Henri IV », qui n’était pas exactement une chanson à boire, mais plutôt un hymne à la monarchie du XVIe siècle que des royalistes ont repris à leur compte au XIXe siècle. On y trouve malgré tout ce petit couplet qui nous enjoint à nous envoyer en l’air tout en sifflant du pinard.

Qui veut chasser une migraine - XVIIe

« Qui veut chasser une migraine

N’a qu’à boire toujours du bon,

Et maintenir la Table

De Cervelas, et de Jambon,

L’eau ne fait rien que pourrir le poumon ;

Boute boute boute boute compagnon,

Vide nous ce verre et nous le remplirons. »

Air de Gabriel Bataille, qui, si l’on s’en réfère à sa biographie Wikipédia, aurait été le prof de musique d’Anne d’Autriche, maman Louis XVI. L’histoire ne dit pas s’ils allaient, après les cours, s’enquiller des cervoises ensemble.

Chanson à boire (titre original) - XVIIe

« Que de biens sur la table

Où nous allons manger !

Ô le vin délectable

Dont on nous va gorger !

Sobres, loin d’ici ! loin d’ici, buveurs d’eau bouillie !

Si vous y venez, vous nous ferez faire folie.

Que je sois fourbu, châtré, tondu, bègue-cornu,

Que je sois perclus, alors que je ne boirai plus. »

Voici un charmant poème au titre évocateur : « Chanson à boire« , on doit le texte à Paul Scarron, qui était pas mal porté sur la bouteille.

Chanson à boire - XVIIe

« Philosophes rêveurs, qui pensez tout savoir,

Ennemis de Bacchus, rentrez dans le devoir :

Vos esprits s’en font trop accroire.

Allez, vieux fous, allez apprendre à boire.

On est savant quand on boit bien :

Qui ne sait boire ne sait rien. »

Charmant extrait d’une poésie de Nicolas Boileau, qui nous explique que l’éthylisme n’est pas incompatible avec la réussite de ses partiels et que la philosophe n’est jamais qu’un vaste délire de gens bourrés.

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Avec du vin endormons-nous - XVIIIe

« Avec du vin endormons-nous »

Tu me diras : « c’est court ». Nous te répondrons, petit chenapan, que tu as raison. Mais au moins on se souvient facilement des paroles quand on est bourré. Ensuite, c’est une chanson sous forme de canon à quatre voix composée par Jean-Philippe Rameau qui est un des plus grands compositeurs français, elle méritait donc qu’on lui porte un minimum d’attention.

Chevaliers de la table ronde - XVIIIe

« Chevaliers de la table ronde,

Goûtons voir si le vin est bon ;

Goûtons voir, oui, oui, oui,

Goûtons voir, non, non, non,

Goûtons voir si le vin est bon.

S’il est bon, s’il est agréable,

J’en boirai jusqu’à mon plaisir ;

J’en boirai, oui, oui, oui,

J’en boirai, non, non, non,

J’en boirai, jusqu’à mon plaisir. »

Un petit air qui nous vient tout droit du siècle des Lumières, qui, encore une fois, fait l’éloge de la sur-consommation d’alcool, probablement car ils n’avaient vu tous ces reportages M6 sur le binge drinking. Sinon, nul doute qu’ils chanteraient « Goûtons la camomille et allons nous coucher ».

L'amour et le vin"

« Au sommet de la colline,

Dès que le soleil paraît,

Aussitôt je m’achemine

Vers mon tonneau de clairet.

En vain l’amour qui me guette,

Veut me faire les yeux doux,

Je préfère les glouglous,

Morbleu ! Vive la Piquette ! »

Petit texte charmant du XIXe que l’on doit à de certains « Villemer et Soubise » qui nous rappelle que oui, mieux vaut une bonne cuite qu’une vie de couple.

Vive le pinard - Première Guerre mondiale

« Le pinard, c’est de la vinasse

Ça fait du bien par où ce que ça passe

Allez bidasse, un, deux, remplis mon quart, trois, quatre

Vive le pinard, vive le pinard

Dans la montagne, culbute la bergère

Et au combat renverse l’ennemi

Dans la tranchée fous-toi la gueule par terre

Mais non de Dieu, ne renverse pas le pinard »

Un petit air très populaire dans les tranchées durant la Première Guerre mondiale. En même temps, il fallait bien s’occuper entre deux obus. Petite pensée émue la pauvre bergère.

Modération et Karma tout ça, tout ça…