CLONG CLONG. Bouhaaaahahahahahahahahahaaaaaaaaaaaaaaaaaaaarrrrrrrrrrrrrrggggggggggggggggggg c’est la FIN DU MONDE JESUISNAPOLEON, NON JE suis Napoléon, JE SUIS LE DIRECTEUR DE L’HÔPITAL ! JET d’eau froide pour tout le monde mouwahahahahahahahahaah.

Voilà ce à quoi ressemble un HP au cinéma. Dans la réalité, c’est pas gai gai, mais c’est pas comme ça.

Il y a des fous partout qui hurlent

Au cinéma, le héros (souvent un journaliste en observation ou un flic infiltré) entre dans un endroit austère aux murs blanc cassé où les hurlements viennent de toutes parts. Il fait froid, tout résonne et chaque fou saisi au milieu de sa crise profère des avertissements lugubres sur la fin du monde et tout le toutim.

En réalité, un hôpital psychiatrique ne ressemble pas à ça. Les crises ne sont pas permanentes chez les personnes soignées et, quand elles se manifestent, elles font automatiquement l’objet d’une attention de la part du personnel soignant. Par ailleurs, les patients disposent de leur espace en plus des parties communes et on ne les laisses pas déambuler comme ils le souhaitent en poussant des hurlements. Enfin, un hôpital psychiatrique – en France, du moins – ressemble à un hôpital, pas à un asile des années 1930.

L'hôpital psychiatrique est un espace fermé et confiné proche de la prison

Ca dépend. Les services publics d’hospitalisation psychiatrique accueillent plein de monde : il y a des patients hospitalisés librement (ils constituent 88% des cas), souvent en ambulatoire, des personnes hospitalisées à la demande d’un tiers (10%) et les personnes hospitalisées d’office (2%), parmi lesquelles seules 200 personnes par an et sur le territoire ont bénéficié d’un non lieu suite à la perpétration d’un crime.

Ce qui est vrai, en revanche, c’est que toutes ces populations sont soignées par les mêmes professionnels de santé, ce qui pose un problème et entraîne la mise en place de pavillons fermés dans les instituts d’accueil, accentuant encore l’idée répandue selon laquelle un malade mental est forcément un délinquant dont la société doit se protéger.

La folie est contagieuse

On voit ça dans tous les films, de Schock Corridor à Vol au dessus d’un nid de coucous. Un type entre dans un hôpital dans le but d’en dénoncer les dérives et, peu à peu, devient dingue à force de privations, d’enfermement et, surtout, d’être confronté en permanence à des fous.

C’est n’importe quoi : la folie n’est pas une gastro-entérite et si la folie était contagieuse, cela sous-entendrait que tous les personnels soignants deviendraient totalement dingos dingues à force d’y être confrontés. Même gavé de médicaments, un type sain d’esprit ne deviendrait pas fou en prison – tout au plus pourrait-il vivre un traumatisme.

Les personnels soignants sont tous des sadiques sanguinaires

Non. Et certainement pas parce qu’ils sont devenus fous au contact des malades. En réalité, il faut distinguer deux choses : la théorie et la pratique. En théorie, les personnels soignants (médecins, infirmiers, psychologues) ont fait le choix d’aider les patients et ont généralement choisi de se tourner vers la psychiatrie : ils n’ont donc aucun intérêt à brimer les malades. Dans la pratique, les budgets alloués aux institutions psychiatriques sont un sujet de débat constant en France depuis des dizaines d’années et il est difficile d’être toujours sympa, doux et compréhensif quand un schizophrène fait sa quatrième crise de la journée et qu’on est en sous-effectif. Qu’à force, les personnels soignants puissent développer une certaine indifférence à la douleur de l’autre est une chose ; mais que l’ensemble des médecins et infirmiers se liguent pour humilier des malades dont ils connaissent la vulnérabilité paraît assez absurde.

Des gens gavés de médicaments jouent au bingo et errent

Dans les faits, cette scène existe. Mais elle n’est pas spécialement emblématique de la vie en hôpital psychiatrique. Déjà parce qu’encore une fois une grande partie des personnes présentes est en ambulatoire ; de l’autre parce que les pathologies des patients sont ultra-diverses : bien sûr il y’a des schizophrènes (ce qui n’a rien à voir avec le dédoublement de la personnalité) mais, même au sein de ces schizophrènes, tous ne sont pas atteints des mêmes symptômes et ne nécessitent pas forcément d’être gavés de calmants. Mais on trouve aussi des dépressifs, des maniaco-dépressifs, toutes sortes de profils qui n’ont pas forcément une passion pour le bingo dans la grande salle ou pour l’errance inquiétante dans des couloirs pas éclairés.

Des criminels tout à fait responsables se font interner pour échapper à la prison

C’est une connerie pour deux raisons : la première, c’est que les conditions de vie en hôpital psychiatrique aujourd’hui en France ne font pas rêver au regard de la prison – laquelle a une date de fin, la plupart du temps, rappelons le, contrairement à l’internement psychiatrique qui ne prend guère fin que quand les médecins considèrent le patient à même de réintégrer la société. Ensuite parce que les panels de psychiatres mobilisés pour décider de la responsabilité pénale d’un criminel au moment de son acte sont composés de professionnels aguerris qui ne se font pas avoir facilement : prouver que l’on ne disposait pas de son discernement absolu au moment de perpétrer un crime est beaucoup plus dur que de prouver l’inverse. Enfin, surtout, parce que cette pensée fausse met de côté une réalité bien plus grave, celle de tous les criminels qui avaient leur discernement et ont donc échoué en prison mais qui devraient tout de même faire l’objet d’un traitement psychiatrique qui leur est le plus souvent refusé.

La violence est permanente

Encore une fois, non. S’il existe des crises de violence, elles sont très souvent endiguées par les soignants (ou par la camisole médicamenteuse, même si l’expression fait peur). De manière générale, il faut savoir que seuls 10% des schizophrènes, par exemple, font montre de démonstrations de violence. Les 90% restants ne sont pas violents du tout. Il n’y a donc pas de raison pour qu’ils se mettent à casser des vitres et à mutiler leurs petits camarades d’un coup.

On peut s'y faire enfermer par erreur ou par quelqu'un de malveillant

C’est très compliqué et il faudrait vraiment le vouloir. Une expérience menée par Rosenhan dans les années 1970 tendait à démontrer qu’une personne tout à fait normale feignant d’avoir eu des épisodes de folie par le passé avait toutes ses chances d’être interné quand même s’il faisait lui-même la démarche d’aller voir un médecin. Mais dans le cadre d’une hospitalisation à la demande d’un tiers ou d’une hospitalisation d’office, la procédure ne tient pas seulement compte des dires du ministère public ou de la famille ; elle se base sur des entretiens, des preuves et des faits qui sont difficilement discutables. Espérer envoyer son frère en HP pour récupérer la curatelle de ses biens et passer des vacances à Ibiza paraît très très très compliqué – bien plus que d’essayer de lui taper du fric.

Une psychanalyste intervient pour enfin comprendre et sauver le personnage principal

Il y a bien sûr des praticiens psychanalystes en hôpital psychiatrique, mais ils sont peu nombreux et systématiquement diplômés de psychologie (ou plus sûrement médecins psychiatres). Le cinéma ne cesse de montrer des personnages de médecins (en général des femmes) qui au mépris des méthodes soi-disant plus modernes de mâles dominants ayant envie de brandir la lobotomie à la première occasion optent pour un traitement de fond basé sur la parole qui fait revenir le patient à ses esprits.

C’est n’importe quoi. On ne va pas se lancer ici dans un débat sur le fond de la psychanalyse, mais il faut bien distinguer le spleen ou le mal-être et la maladie mentale profondément ancrée, laquelle a tout, justement, d’une maladie. Or, une maladie se traite avec des médicaments : on ne guérit pas un rhume en discutant. La dépression, comme la schizophrénie ou la maniaco-dépression correspondent à des états cliniques et ont une influence directe sur le fonctionnement du cerveau. Si le suivi psychiatrique de fond est évidemment primordial, la prise de médicaments est parfois extrêmement nécessaire pour réguler des dysfonctionnements cérébraux.

La lobotomie est au bout du chemin

N’imp. Si la lobotomie n’est pas à proprement parler interdite en France, elle n’est plus utilisée depuis que des études américaines ont remis en cause son efficacité dans les années 70. Ce traitement considéré comme la solution miracle à tous les problèmes dans les années 50 a en réalité eu une durée de vie assez courte et, très rapidement contesté, son usage a été abandonné aussitôt les premiers résultats d’étude publiés. On ne la pratique plus en France que pour des cas d’une extrême rareté sur lesquels les médicaments se révèlent inefficaces et si le sujet présente un danger pour la société ou pour lui-même.

Et quand le malade gueule, un bon jet d'eau glacé et c'est reparti

Si jamais cette scène a déjà eu lieu, c’était dans un pays lointain et dans les années 30. Il s’agit en réalité d’une confusion cinématographique entre les sanatoriums pour tuberculeux (inquiétants eux aussi dans la fiction) et les instituts psychiatriques.

Tout le monde en camisole !

Aujourd’hui, la camisole de force a presque disparu au profit de la camisole chimique (laquelle reste rare). En revanche, dans le cas de crise ou de patients agités, il n’est pas rare d’avoir recours à une contention sur un lit ou sur un siège. Mais les mecs qui se promènent en hurlant et en camisole ne sont pas et n’ont pour ainsi dire jamais été une réalités.

C’est fou ce qu’on raconte comme bêtises.

Sources : Cairn, Cyril Lestage