Le stage: à mi-chemin entre "le vrai travail" et "la découverte de la vie active" dont on peut découvrir les joies dès la troisième avec le stage obligatoire en entreprise. Ou quand on est encore à la fac et qu'on essaie de passer doucement dans le monde des adultes. Mais c’est aussi la joie de la recherche, surtout quand vous habitez à Trifouillis-les-Oies ou Ronjou, lieu-dit, à Saint-Baldoph (Savoie), et que vous n'avez aucune âme charitable pour vous pistonner. Et parfois, quand vous avez vaincu tous ces obstacles (démarches administratives comprises), la réalité vous réserve encore des surprises...

  1. La Quête de stage ou le racolage industriel
    Vous commencez à avoir faim, vous avez mis votre dignité avec vos illusions, c'est-à-dire dans un orifice que la décence nous interdit de nommer ici, vous avez envoyé une centaine de CV-lettres-de-motivation, même pour des stages sans aucun rapport avec vos formation/cursus/diplôme/capacités psycho-motrices. Les 10 premières étaient personnalisées, parfois même avec des petits coeurs à la place des points sur les "i" tellement vous êtes prêt(e) à vendre votre boule pour un quart de Smic. Et puis, lassitude aidant, vous envoyez une lettre à Mme Machin avec l'en-tête l'adresse de Monsieur Bidule et datée du mois dernier. L'hypothétique stage avec Madame Machin peut d'ores et déjà rejoindre illusion et dignité à l'endroit où vous savez.
  2. Les préoccupations bassement matérielles
    Maintenant que vous avez apporté votre enthousiasme et votre joie de vivre à l'heureuse entreprise qui vous a choisi(e), vous attendez votre contrepartie pécuniaire. Vos indemnités (parce qu'en France si vous faites un stage de plus de deux mois on ne peut pas parler de salaire sans se mettre à pleurer.) Votre bon argent, quoi. Ce pécule durement gagné vous permettra désormais de manger des pâtes, de ne plus avoir de vie sociale (ou alors à la soupe populaire) et de vivre dans un spacieux placard. La vie de rêve.
  3. La solitude
    Vous savez que vous êtes stagiaire quand vous êtes la/le seul(e) de tout l’open space entre le 15 juillet et le 15 août. Et même avec Topito, le bidouillage de ventilateur, les fresques en post-it et l'escamotage en douce (tout le monde s'en fout, il n'y a plus que vous) de matériel de bureau pour le lancement de votre trafic d’agrafeuse, il peut arriver qu'on s'ennuie ferme. Vous êtes aussi là entre le 23 décembre et le 31 décembre si Noël tombe pendant votre période de stage. Vous êtes censé(e) "faire la permanence" mais honnêtement vous pourriez très bien la faire chez vous en renvoyant les appels sur votre ligne perso vu le nombre de coups de fil que vous recevez...
  4. L'exploitation
    Les RTT, c'te blague...pour réduire votre temps de travail, il faudrait déjà avoir du travail à réduire, et vous êtes stagiaire, votre travail n'a aucune existence concrète, puisqu'il consiste à récupérer le courrier, faire du café, éviter les pénuries de papier-toilette. Vous faites 39h comme tout le monde (compte tenu de la petite sieste aux WC après la pause déjeuner), mais les vacances n'existent pas, ici ça s'appelle "rupture de convention de stage". D'un autre côté, vous êtes à l'abri du surmenage parce que force est de constater que vous ne glandez pas grand-chose, alors des RTT et des vacances, à quoi ça vous servirait, franchement ?
  5. Le statut privilégié de non-être
    Vous êtes obligé(e) de dire à l’accueil tous les matins pendant un certain temps que oui vous travaillez bien ici, et que non vous n’avez pas de badge et que vous n’êtes pas non plus dans le trombi car un badge électronique serait un investissement bien trop important par rapport à votre valeur. Vous faites partie d'une espèce interchangeable, sans identité propre. S’il y a d’autres stagiaires, même dans un service lointain, on s’empresse de vous les présenter. Qu'importe que celui d'en face soit en fac de psycho et vous en BTS compta, désormais seul compte votre statut de stagiaire. Certains patrons facétieux vous ont même pourvu d'un t-shirt avec écrit "stagiaire" dessus (voire "esclave" pour les plus pragmatiques) histoire qu'on vous confonde pas avec le coursier de la boîte.
  6. Les hautes responsabilités
    L'entreprise n'est rien sans vous. Vos collègues vous demandent fréquemment comment fonctionne la photocopieuse, où est la machine à café, de remettre un filtre dans la cafetière, d'arroser les plantes et de coller les timbres. Ou surveiller leurs enchères sur E-bay, parce que s'ils n'obtiennent pas le décapsuleur-GPS, leur vie sera foutue. Tout le monde se repose sur vous. Vous avez enfin donné un sens à votre existence. Bien joué.
  7. La reconnaissance
    Parfois votre boss délègue des tâches plus importantes, et s’en attribue tout le mérite (dans un sens il a raison, il a déjà le mérite de vous avoir choisi). Dès que quelque chose ne fonctionne pas, un collègue vous désignera comme responsable (même si au moment du délit vous étiez à l'autre bout de la boîte en train de vous colorier les ongles au stylo-quatre-couleurs), car étant stagiaire vous ne maîtrisez pas encore toutes les subtilités du changement de rouleau de PQ, on ne peut pas vous en vouloir, en plus vous n'êtes même pas une vraie personne alors aucun salarié ne songera à vous engueuler.
  8. La découverte du monde du travail, le vrai
    Vous vous attendiez à empiler des dossiers, à préparer des Power Point, à organiser des téléconférences, bref à faire des "trucs de bureau". En réalité, si vous bénéficiez d'un bureau à vous, c'est en général un ancien placard d'archives dans lequel on a mis une chaise et un PC-si vous faites partie des bienheureux qui ont le Wifi. Sinon vous êtes parqué(e) dans l'Open Space avec les autres, et vous vous apercevez bien vite que Germaine mate des photos de chat toute la journée pendant que Gérard lit Paris-Turf planqué derrière les dossiers-de-la-compta. Au terme de votre stage, vous aurez appris une chose, une seule, mais la plus essentielle: savoir faire semblant de travailler correctement.

Top écrit par Sassou