On ne va pas vous mentir : on n’a pas vu la saison entière de Watchmen pour la bonne et simple raison qu’il n’y a que trois épisodes disponibles à ce jour sur OCS, mais on a fait notre travail en regardant lesdits (oui, il m’arrive d’utiliser des mots comme « lesdits » pour faire mon malin). Mais avec trois épisodes, on est déjà capable de tirer plusieurs enseignements. Le premier, c’est que cette série est fidèle à l’esprit du chef d’oeuvre qu’est la BD ; le deuxième, c’est que la série est cent fois mieux que le film adapté de ladite BD ; le troisième, c’est qu’on peut prouver tout ça en dix points.

Parce que c'est Lindelorf à la manœuvre

Soit un des coscénaristes de Lost et, surtout, le créateur de Leftovers qui est une des meilleures séries des dix dernières années. C’est à peu près du même ordre que de recommander d’aller voir un film de Fincher ou de Coppola, mais en série et sans avoir à payer son billet.

Parce que c'est beaucoup plus fidèle à l'esprit de la BD que le film

Le film de Snyder adaptait la BD en l’habillant d’un décorum un peu super héros un peur Marvel qui dénaturait sa glauquerie initiale. C’était un choix payant pour les audiences et d’ailleurs le film a eu un succès critique réel ; mais il n’en demeure pas moins qu’une grande part critique et sombre du comic avait été sacrifié sur l’autel des exigences hollywoodiennes. Or, Watchmen est un comic d’une immense profondeur à la fois politique, sociale et psychologique qui méritait un autre traitement. En amplifiant son histoire et en la situant de nos jours, Lindelorf est parvenu à conserver l’ambiance du livre en l’ouvrant sur des thématiques plus actuelles.

Parce que c'est une dystopie originale et intelligente

Dans la BD, tout part de deux idées : il n’y a pas eu de Watergate et Nixon est resté au pouvoir tout au long des années 80. Le Vietnam est demeuré américain grâce à l’intervention de mercenaires et du Dr. Manhattan, un scientifique changé en surhomme par les radiations nucléaires. Après ce temps conservateur, l’Amérique a viré à gauche et c’est Robert Redford qui a volé sa place à Reagan dans l’histoire des acteurs devenus présidents ; à gauche toute, plus encore que Carter, il a dessiné les contours d’une société plus égalitaire où le racisme n’a plus droit de cité. Mais c’est justement parce que ce monde idyllique n’a pas plus de chance de tenir qu’un monde de chaos que la série est intéressante.

Parce qu'il y a de vraies intentions de réalisation

Nicoles Kassel, qui a réalisé les deux premiers épisodes, n’est pas très connue en France. Mais la réalisatrice vient du ciné indépendant et imprime à Watchmen une vraie dimension cinématographique. Les plans sont originaux, l’usage du plan séquence toujours justifié pour créer des ruptures de rythme dans le découpage, un effort est fait sur la lumière et les comédiens sont bien dirigés.

Parce que les dialogues sont mortels

Vraiment. Vraiment mortels. La qualité d’écriture se ressent dans les conversations en suspension ; dans une scène, un personnage va prononcer une parole mystérieuse n’appelant pas de réponse et cette parole mystérieuse trouvera tout son sens dans une scène ultérieure, sans pour autant que le scénario ne fasse de rappel. Il y a ainsi une sorte de temps long de l’écriture et des interactions entre les personnages qui ne se limitent pas seulement à leur présence scénique dans une scène. Ca fait longtemps qu’on n’avait pas vu ça en série. Peut-être depuis les Sopranos ou Mad Men.

Parce que c'est d'un pessimisme invétéré

Une des premières conversations marquantes entre le chef de la police et l’héroïne concerne justement l’illusion que les Américains ont de vivre dans une société parfaite : l’un comme l’autre savent bien que cette société égalitaire est une illusion, une convention, et qu’il est plus que jamais question de luttes sociales entre des aspirations contradictoires. Watchmen, c’est le portrait, par la dystopie, d’une société malade et de l’incapacité des hommes à faire autre chose que s’affronter et se haïr.

Parce que l'héritage de Rorschach a été mal compris

En cela aussi la série est pessimiste. Dans la BD, le personnage de Rorschach est un individualiste, un genre de libertarien. Il considère que la liberté individuelle doit primer sur l’intérêt collectif mais se pose en veilleur solitaire, héros de film noir, qui contemple le monde en train de se désagréger et agit dans l’ombre pour rétablir un semblant de justice. Dans la série, ce discours a été récupéré par des suprémacistes blancs et détourné de son ambition originelle, plutôt morale. Et c’est là que c’est intéressant parce que la série montre aussi comment au nom de valeurs butées et d’émotions mal gérées des groupes politiques récupèrent une pensée qu’ils ne maîtrisent pas et la brandissent en étendard pour légitimer leur sentiment d’injustice et de ce fait leurs crimes.

Parce que les méchants sont des suprémacistes blancs

Et on dire ce qu’on voudra mais autant les racistes font des êtres humain méprisables, autant ils font de très bons méchants, demandez un peu à Hitler ce qu’il en pense, je pense qu’il sera d’accord.

Parce que hâte de voir ce que fout Dr. Manhattan sur Mars

Apparemment, cela fait 30 ans qu’il végète là-bas et se prépare à installer des colonies mais on ne sait pas, pour le moment, si les colonies sont en train d’être implémentées ou pas. Toujours est-il qu’un type tout nu tout bleu sur Mars qui a la faculté de prévoir l’avenir et de détruire le monde s’il le souhaite, ça intrigue.

Parce que miroir fait un super gentil-méchant

Pour le moment, c’est clairement le meilleur personnage de la série. Il est extrêmement inquiétant, a une voix parfaite malgré son bouc et on ne sait pas exactement pour qui il roule.

Parce que le personnage joué par Jeremy Irons a l'air d'être un excellent méchant

Un type richissime qui se fait masser les cuisses par sa servante qui est en fait un clone et dispose en permanence de deux clones à son service pour rejouer en pièce de théâtre la création du Dr. Manhattan (avec un mort au passage), ça augure du bon.

Parce que l'idée qu'au sein de la série une série racontant l'histoire des premiers Watchmen est diffusée est excellente

Et d’autant plus intéressante que la série en question semble interdite aux moins de 18 ans et en désaccord profond avec la politique menée par le gouvernement dans une sorte de satyre en métaphore de la difficulté à donner un cap politique et à laisser oeuvre la liberté d’expression.

C’est bien en vrai même si j’ai dit plein de trucs chiants.