CIA, Mossad, FSB, MI6, on parle toujours des mêmes services secrets, mais sachez qu’en France, on n’est pas si mal lotis avec la DGSE (pour les affaires extérieures) et la DGSI (pour l’intérieur). Vous avez peut-être lu des choses au sujet de la DGSE, peut-être même maté Le Bureau des Légendes parce que ça vous passionnait, et vous savez maintenant que nos services secrets français sont quand même pas trop nuls. Mais malheureusement, comme tous les autres pays, on a notre lot de bourdes et de scandales qui ont fini par être révélés au grand jour. Et c’est vraiment pas joli.

L'affaire du Rainbow Warrior

C’est probablement le scandale le plus connu impliquant la DGSE. Le 10 juillet 1985, les services secrets français, sous l’impulsion du Ministre de la Défense Charles Hernu (dont on reparlera), ont saboté le Rainbow Warrior, un navire de Greenpeace. L’ONG voulait se rendre en bateau au large de l’atoll de Mururoa pour protester contre les essais nucléaires français. Le bateau était à quai en Nouvelle-Zélande lorsque les charges posées par des agents de la DGSE ont explosé. L’équipage du navire a pu s’en sortir, sauf Fernando Pereira, un photographe qui s’est retrouvé piégé dans le bateau. La France avait donc commis un meurtre en Nouvelle-Zélande, territoire où elle n’a pas le droit d’agir, tout ça pour ses essais nucléaires. Les agents français ont vite été arrêtés, et les autorités ont tenté de manipuler l’opinion jusqu’au 22 septembre 1985, jour où Laurent Fabius, Premier ministre, a reconnu la responsabilité des services secrets dans cette opération. Une honte pour la France.

Le scandale Lafarge

En 2011, la guerre civile a débuté en Syrie. Des tas d’entreprises étrangères installées dans le pays ont alors plié bagages, mais Lafarge, l’entreprise de cimenterie française, a gardé son énorme usine (la plus grande cimenterie du Moyen-Orient) ouverte. Pour s’assurer les moyens de continuer son business, elle aurait versé des pots-de-vin aux rebelles kurdes et syriens, puis, quand ils sont arrivés dans le coin, à l’Etat Islamique. On parle de millions de dollars, bien entendu. Ses employés syriens pouvaient ainsi continuer à travailler, pendant que les soldats de Daech se remplissaient les poches. Tout ça mérite déjà le nom de « scandale », mais on ne voit pas encore le rapport avec notre top. Le rapport, c’est que des agents de la DGSI, chargés de surveiller les Français partis faire le djihad, auraient été au courant de ces agissement et ne les auraient pas empêchés, voire les auraient cautionnés. Et si des cadres de Lafarge ont été jugés pour leurs actes, l’affaire s’est miraculeusement tassée en ce qui concerne la DGSI…

La gestion du patrimoine clandestin de la DGSE

Depuis 1919, la DGSE dispose d’un « patrimoine clandestin », constitué de biens immobiliers et de sommes d’argents que des agents font fructifier dans divers investissements. Le but de ce patrimoine, c’est d’assurer le fonctionnement de l’Etat en cas de crise (du genre grosse crise, comme une invasion du pays ou utilisation de l’arme nucléaire). Ces fonds sont tenus secrets, ce qu’on peut éventuellement comprendre, mais c’est leur gestion qui a fait scandale en 2006. Cette année-là, le grand public a appris que les agents chargés de faire fructifier cet argent avaient réalisé des investissements hasardeux et perdu près de 27 millions d’euros entre 1995 et 2000. Le gouvernement, et plus précisément la Ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie, n’avait eu vent de cette affaire qu’en 2002. Nous, on ne l’a su que 4 plus tard encore, et c’est bien ce qui a fait scandale. Que la DGSE ait un patrimoine secret, d’accord, mais qu’elle le gère n’importe comment, c’est déjà plus ennuyeux.

L'assassinat des moines de Tibhirine

Dans le genre affaire obscure, celle-là est costaude. Fin mars 1996, en pleine guerre civile algérienne, 7 moines trappistes du monastère de Tibhirine ont été enlevés, puis assassinés presque 2 mois plus tard. La version officielle accuse le Groupe islamique armé (GIA) d’avoir mené cette opération pour asseoir son contrôle sur la région. Une deuxième version mettrait en cause les services secrets algériens (DRS) qui auraient fait porter le chapeau au GIA pour disqualifier ces islamistes et pour faire pression sur la France afin d’obtenir leur soutien dans la lutte contre le terrorisme. Il pourrait aussi s’agir d’une opération de la DRS qui aurait mal tourné, ou qui était infiltrée par le GIA. Quoi qu’il en soit, la version officielle est de plus en plus remise en question, et il semblerait que la DGSE ait son rôle à jouer dans cette histoire. Elle aurait préparé une opération de sauvetage des moines qui aurait en fait précipité leur mort. Ce qui est certain, c’est que beaucoup de secrets demeurent cachés, et ce n’est jamais bon signe.

Charles Hernu

Charles Hernu, grand ami de François Mitterand, a été Ministre de la Défense de 1981 à 1985. Jusque-là, rien d’anormal. Sauf que Charles Hernu a eu un parcours particulier et qu’il a été en contact, depuis le début de sa carrière, avec des services secrets de l’Est. De 1954 à 1956, il envoyait des notes aux services secrets bulgares, eux-mêmes à la solde du KGB (services secrets de Moscou). Après 1956, il communique avec un conseiller de l’ambassadeur de l’URSS à Paris. Après 1963, c’est au Securitate, les services secrets roumains, qu’il envoie ses notes. Peu après, il fait directement affaire avec le KGB. A chaque fois, les infos qu’il envoyait sur la situation de la France étaient rémunérées par l’Est, qui s’occupait aussi de financer ses campagnes politiques, dans l’espoir qu’il arrive à un poste intéressant. Ce poste, il l’a atteint en 1981 comme Ministre de la Défense, même si on ignore alors les relations qu’il entretenait avec l’Est. Le fait est que le ministre qui a, entre autres, la DGSE sous son aile, fricotait depuis des années avec un grand ennemi de la France. Lorsque Mitterand l’a appris en 1992, il a préféré tenir l’information secrète. D’autres tairont ce secret, comme Charles Pasqua et Edouard Balladur, et le grand public ne le découvrira qu’en 1996. Pendant 4 ans, une partie de nos services secrets ont été dirigés par un mec qui était redevable au KGB, et il est difficile de croire que ça n’ait jamais eu aucune incidence sur leur fonctionnement.

L'affaire Ben Barka

Mehdi Ben Barka était un homme politique marocain, principal opposant au roi Hassan II et l’un des leaders des mouvements tiers-mondiste et panafricaniste, organisations oeuvrant pour plus d’indépendance des pays du tiers-monde et des pays africains vis-à-vis du reste du monde. Ben Barka a été assassiné en 1965 près de Paris après avoir été enlevé dans la capitale. Deux policiers français ont été directement impliqués, et le rôle des renseignements français, qui auraient coordonné cette mission, a toujours été flou. Un agent du SDECE (ancienne DGSE) était même présent dans la voiture qui a servi au kidnapping. L’affaire n’aura jamais vraiment été élucidée, mais tout le monde sait que De Gaulle et Hassan II avaient toutes les raisons de vouloir éliminer Ben Barka.

Les deux agents retournés

En 2017, deux anciens agents de la DGSE ont été mis en examen après des soupçons (à traduire par « des certitudes » mais c’est juridiquement moins correct) d’une trahison au plus haut niveau. Les deux mecs, ainsi que la compagne de l’un d’entre eux, auraient été recrutés par la Chine pour livrer des informations pouvant porter atteinte à la nation française. En gros, ils ont balancé tout ce qu’ils savaient d’intéressant sur les secrets d’Etat français qu’ils connaissaient. Bien sûr, on ne sait pas quels sont ces secrets qui ont été divulgués, mais on est sûr d’une chose : quand tes agents se font retourner par une autre puissance mondiale, c’est dangereux, et ça fout un coup à ta crédibilité.

Si vous aimez les scandales et l’espionnage, allez voir les tops des scandales de la CIA, des anecdotes sur la CIA, des trucs qu’on sait sur les services secrets, et des pires bourdes des services secrets.

Sources : Le Monde, Wikipedia (Patrimoine secret), Telerama, Le Point, Slate, Wikipedia (Tibhirine), L’Express, Wikipedia (Rainbow Warrior), Paris-luttes.