La nature regorge de secrets que seul l’observateur avisé est à même de découvrir, émerveillé par la beauté des phénomènes du monde. Chez l’homme, la saison des amours court toute l’année, de janvier à décembre, et ne souffre pas de temps mort. Dès lors, la parade amoureuse peut surgir n’importe où, n’importe quand. Mais elle obéit peu ou prou toujours aux mêmes codes. Des codes que nous nous faisons fort de découvrir ensemble, dans ce reportage.

Un top à lire en chuchotant.

Dans les premiers instants de la rencontre, les deux créatures déploient des trésors d'imagination pour faire leur intéressant

C’est l’heure de la parade première. Alors qu’elles sont chacune entourées encore de leur clan, les créatures s’apprivoisent : remarques acerbes, désignation d’une tête de turc dont on peut rire conjointement, mouvements amples pour occuper l’espace et sourires en coin ; parfois, un tour de magie ou une anecdote particulièrement savoureuse. Les arguments se déploient et la magie naît. Souvent, l’une des créatures tourne autour de l’autre, la suit, ou rit de manière forcée à ses tentatives d’humour.

Sitôt le contact entériné, les deux créatures partent s'abreuver ensemble à la source afin d'être plus à l'aise ensemble

C’est l’heure du premier isolement. S’éloignant de leur clan et sentant s’essouffler le succès de l’approche, les spécimens se rendent à la source, au bar, où dans le brouhaha de la queue, elles continuent d’échanger plus mollement. C’est le grand tournant : on parle des autres et l’on confronte alors sa vision du monde. Au bout du bout, l’on trinquera en s’enivrant d’une substance à même de faire tomber les barrières sociales. L’acte a valeur de serment.

Les deux créatures s'éloignent alors de leur clan pour obtenir un peu d'intimité commune

Sitôt le pacte signé, les créatures prendront la décision de ne pas rejoindre leurs clans respectifs : ils fabriqueront leur propre clan. L’heure de s’éloigner du brouhaha, d’aller s’emparer d’un bâton que l’on glissera entre ses lèvres pour se donner de la contenance. L’intimité naissante sera propice aux confidences.

A l'heure de parler de soi, chacune des deux créatures ment ouvertement sur son parcours afin de n'en faire apparaître que les qualités

La découverte prend fin ; désormais, les créatures sont familières. Il est alors temps d’assurer ses arrières pour mieux cerner la personnalité de l’autre : on parlera de soi. Afin de ne pas mettre en danger le travail préalablement accompli, les créatures essaieront alors d’édulcorer leurs pensées, de mettre en valeur leurs atouts. Un cours de pilotage suivi 6 ans plus tôt deviendra un métier de pilote ; une vague connaissance du cinéma hongrois aura valeur de spécialité. C’est l’heure des grands mensonges avec pour objectif de déclencher chez l’autre la pensée suivante : « Mais il.elle est extraordinaire ! »

Lorsque d'autres prétendant.e.s approchent, les créatures font montre de leur talent de manière à faire diversion

Isolées, les créatures n’en sont pas moins vulnérables à l’assaut des prétendants. Quand Ulysse s’évertua à les faire disparaître, les créatures, elles, essaieront de les minorer en brillant davantage. On fera un tour de magie ou l’on évoquera son passé de danseur classique. Dans une logique d’escalade, chacune des parties fera valoir l’ensemble de ses atouts secrets pour empêcher l’autre de détourner le regard. Quand les prétendants, épuisés, s’éloigneront, l’entente sera certaine.

Une fois la relation entérinée, les deux créatures continuent de discuter plusieurs minutes tout en ne pensant qu'à s'embrasser

Dès lors, par un mécanisme biologique lié aux substances contenues dans l’eau et au cerveau humain, les créatures seront condamnées à la seule pensée du baiser. Echange terminal de la première phase et initiation à la seconde, le baiser occupera leurs esprits durant de longues minutes à mesure que la conversation perdra de son sens, tous les neurones étant mobilisés à la seule idée du baiser. En jeu, l’idée d’un grand gâchis en cas de dérobade adverse.

C'est le mouvement décisif : l'une des parties approche son visage de l'autre, totalement à découvert

Prenant soudain conscience de la vacuité des échanges immédiats, l’un des spécimens se décide à prendre l’initiative, enfin. Dès lors, le destin conjoint des amants se solde. Profitant d’un silence pour fixer l’objet de son obsession, il approche son visage en fermant déjà les yeux. Alors la bouche adverse s’offre à lui et les miasmes se mélangent. Un instant d’une grande importance, l’échange permettant de mesurer le niveau d’ivresse de l’autre tout en donnant des gages d’intensité du désir.

En cas de succès, les créatures, après avoir ri de gêne, quittent définitivement le clan pour procéder à l'accouplement

Le baiser achevé – celui-ci peut durer plusieurs minutes – les créatures reprennent leurs esprits. Désormais concentré sur l’enjeu plus lointain de l’accouplement, le cerveau est à même de rependre les badineries. Mais celles-ci semblent désormais insuffisantes. Il faut prendre une décision : on rentrera ensemble. Se détachant définitivement d’un clan qu’elles avaient déjà quitté de longues minutes auparavant, les créatures convoquent une entité tierce chargée de les conduire au lieu choisi de la reproduction, sur le terrain de l’une ou l’autre, généralement.

Arrivés au lieu prévu pour l'accouplement, les deux parties temporisent afin de faire taire le malaise

Une fois arrivées, les deux parties sont soudain rattrapées par l’enjeu des minutes qui suivront. L’intégralité des dispositifs mis en place pour parvenir à cet instant est alors repensée, analysée en silence. Un malaise s’installe. C’est l’heure de tout reconstruire. Les deux parties s’abreuvent à nouveau pour mettre à mal le malaise et s’ingénient à nouveau à séduire, comme lors de la toute première phase. La fatigue est combattue, le timing est primordial.

Aux prémices de l'accouplement, les créatures rentrent le ventre et relèvent la tête pour ne pas faire taire l'envie chez l'autre

Se jetant alors l’une sur l’autre, les créatures entament leur déplumage mutuel, cherchant à dévoiler entièrement l’autre. De peur que cette étape indispensable ne vienne annihiler les efforts de la parade, chacune des parties rentrer le ventre et bande ses muscles pour se montrer plus désirable qu’elle ne l’est au naturel. On sacrifie à la naturalité pour parachever l’effort fourni et procéder, par la suite, à l’accouplement. Nous laisserons les créatures seules pendant cet échange on ne peut plus intime.

Merveille de la nature.