On parle beaucoup de la souffrance humaine. Mais est-ce qu’on prend le temps de penser à la souffrance des objets ? Toujours là pour nous aider au quotidien, toujours attentifs, toujours au garde-à-vous, ils ne récoltent en échange de leurs services qu’une forme d’indifférence. Sommes-nous des bêtes pour nous montrer aussi peu reconnaissants ? Tapie dans l’ombre depuis bien trop longtemps, la sensibilité des objets a, elle aussi, le droit de pouvoir s’exprimer. Merde à la fin. Crotte.

Le papier toilette

Pour des raisons plus qu’évidentes, le papier toilette se hisse à la première place de ce classement. Pensez une seconde à son rôle dans votre vie. Regroupé avec ses amis dans un emballage plastique, le pauvre petit rouleau est séparé du troupeau pour se faire déchirer lentement au fil des jours. Il est ensuite frotté à quelque chose que personne n’a envie de voir de près pour être finalement jeté comme un malpropre dans une eau plus que douteuse et aspiré dans un trou béant où il se dissout progressivement. HORRIBLE.

Les cotons-tiges

Prenez un peu de distance : le petit coton-tige mène avec ses potes et sa famille une vie de patachon OKLM dans un petit sachet. Puis il voit son entourage disparaître enlèvement après enlèvement jusqu’à ce que la main suprême s’intéresse enfin à lui. Plongé dans les profondeurs de votre cérumen, il en ressort tout jaune et puant pour être sauvagement laissé pour mort dans une poubelle, seul, traumatisé et sale. Quand il n’est pas jeté, lui aussi, dans les toilettes.

Les mouchoirs

Entassés dans le noir et dans une boîte carrée, les mouchoirs n’en ressortent que pour visiter l’intérieur de votre nez. Malheureusement pour eux, ce qui en émane n’est pas toujours très appétissant. Et c’est à bras ouvert que celui ci doit accueillir vos petites déjections nasales. Ceux qui servent à éponger des larmes ne sont pas mieux lotis. Froissés et humiliés, les mouchoirs finissent par tomber en dépression lorsqu’ils se retrouvent seuls dans la poubelle. Et personne ne leur donne de médocs.

Le cendrier

Question : aimez-vous l’odeur du tabac froid ? Réponse : NON. Personne n’aime l’odeur du tabac froid. Eh bien figurez-vous que le cendrier doit endurer vos mégots froid tous les jours et les garder jusqu’à ce que vous daigniez le vider (ce qui peut prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois, occasionnellement plusieurs années). FUMER TUE LE MORAL DES CENDRIERS.

La brosse à dent

Qui aurait vraiment envie de visiter les profondeurs de la bouche d’un inconnu pour aller y chercher des petits restes de nourritures collés ? Qui ? QUI ? QUI MERDE ? Pourquoi lui faîtes-vous subir tous ces allers-retours, ces torsions, ces contorsions qui lui arrachent les poils tandis que son manche, serré par une main moite, agonise lentement ? A QUI FERIEZ-VOUS SUBIR LE DELOGEAGE DE MORCEAUX DE FROMAGES COLLES SUR DES MOLAIRES ?

Les écouteurs

Allons-y, pas d’égard, mettons des trucs qui n’ont rien demandé dans des oreilles sales pour y balancer du JUL au max. Musique de merde, environnement hostile : mais ce n’est pas le pire. Non, le pire c’est que les écouteurs sont obligés de vivre par deux, reliés à quelqu’un avec qui ils passent leur temps à se battre dans un méli-mélo filaire détestable. Sans oublier toutes les fois ou vous tirez dessus comme des bourrins afin de les démêler.

Les chaussures

« Le coup de pompe » : c’est ce que titrerait le journal de la CGT chaussures si une telle branche syndicale existait. Parce que pour se taper le sol dégueulasse, les crachats, les merdes de chien, les bains de pisse, pour se faire lécher par des chiens, étrangler au dernier degré par des lacets, se faire dégueulasser h24, appliquer du cirage sur la gueule, y’a du monde. Mais ça ne peut pas continuer comme ça. Ca ne peut pas.

Le livre

Vous êtes là, à attendre d’être lu. Et quand le moment fatidique arrive, si vous ne séduisez pas le lecteur dans les 10 premières pages, si vous n’arrivez pas à accrocher son attention, vous êtes bons pour rester sur la table de nuit pendant des semaines dans l’espoir qu’un regain de motivation vous donnera une seconde chance. Et si vous arrivez à accrocher votre humain, la relation avec celui-ci est fatalement décevante : vous vous aimez infiniment, vous vous contorsionnez de toute part et puis, trois jours plus tard, tout est fini : le placard et l’oubli.

La bouilloire

La bouilloire n’a qu’un rôle : faire bouillir de l’eau. Sauf que vous aimez, vous, vous baigner dans de l’eau bouillante ? CQFD. Pensez à cette pauvre bouilloire qui n’a rien demandé et qui doit constamment faire bouillir de l’eau quitte à s’infliger elle même les pires tortures. Votre bouilloire est malheureuse. Ayez au moins la décence de la caresser quand vous rentrez chez vous.

Le téléphone

Votre téléphone portable vous accompagne partout. Dans les meilleurs endroits, comme dans les pires. Mains sales, mains moites, aux toilettes, au resto, dans les poches pleines de crasse, il se tape l’enfer. Vous pensez que c’est sympa d’être couvert de bactéries en continu ?

Maintenant que vous avez ouvert les yeux sur la souffrance de vos objets du quotidien, essayez de les faire sourire ou de leur accorder de petites attentions comme un simple massage ou un bisou. C’est le minimum.